Compétences
Pourquoi le cerveau reste plus fort que l’IA
Une étude de Princeton dévoile pourquoi le cerveau humain reste plus flexible que l’intelligence artificielle : il réutilise des "blocs cognitifs" pour construire de nouvelles compétences.
- Par Stanislas Deve
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- Ali KILINCAY / istock
Notre cerveau garde un avantage décisif sur les machines. C’est en substance la conclusion d’une nouvelle étude américaine publiée dans la revue Nature, à l’heure où nous sommes pourtant de plus en plus enclins à nous reposer sur l’intelligence artificielle (IA) comme Le Chat ou ChatGPT pour écrire des mails ou réaliser nos tâches, au risque de dégrader nos capacités cognitives à force de moins les utiliser.
Des blocs mentaux pour s’adapter
Les IA, aussi brillantes soient-elles dans des domaines spécifiques comme la rédaction, la traduction et même le diagnostic médical, montrent leurs limites dès qu’il s’agit de sortir du cadre. Elles peinent à apprendre en temps réel, à s’adapter à des situations nouvelles ou à transposer des compétences acquises à d’autres domaines. C’est justement cette souplesse, cette plasticité mentale qui fait la force du cerveau humain... et que des neuroscientifiques de l’Université de Princeton ont cherché à décoder.
Les chercheurs ont découvert que notre cerveau conserve une longueur d’avance sur l’IA grâce à sa capacité à réutiliser des "blocs cognitifs" de façon flexible. Le Dr Tim Buschman, premier auteur, explique dans un communiqué : "Le cerveau est flexible parce qu’il peut réutiliser des composants de la cognition dans de nombreuses tâches. En assemblant ces 'LEGO cognitifs', il construit de nouveaux comportements." Pour comprendre ce mécanisme, les neuroscientifiques ont observé deux primates en train d’effectuer des tâches de classification d’images selon leur forme ou leur couleur. En analysant leur activité cérébrale, ils ont identifié dans le cortex préfrontal des schémas neuronaux réutilisés dans différents contextes. Ces blocs mentaux s’activent ou se mettent en pause selon la tâche, ce qui permet une grande adaptabilité.
Un modèle pour l’IA et la médecine
Contrairement à l’IA, qui oublie souvent les anciennes compétences en apprenant de nouvelles (un phénomène appelé interférence catastrophique), le cerveau humain recycle ses compétences pour apprendre sans tout réapprendre depuis le début. C’est ce qu’on appelle le principe de compositionnalité, qui désigne le fait d’assembler des compétences pour en créer de nouvelles. Le Dr Sina Tafazoli, qui a participé à l’étude, illustre : "Si vous savez faire du pain, vous pouvez apprendre à faire un gâteau sans repartir de zéro." Ces découvertes pourraient inspirer la prochaine génération d’IA capable d’apprendre en continu, mais aussi ouvrir des pistes thérapeutiques pour les patients atteints de troubles neurologiques comme la schizophrénie ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Des troubles où l’on observe souvent une difficulté à adapter des compétences acquises à de nouvelles situations.










