Témoignage patient

TDAH : "À l’école, au travail, j’ai toujours été confrontée à des remarques désobligeantes"

Environ 25 ans après l’apparition des premiers symptômes évocateurs du trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, Lucile reçoit le diagnostic. Elle revient sur le retentissement sur les apprentissages scolaires, la vie professionnelle et les relations sociales.

  • 11 Jul 2025
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    "Dès le plus jeune âge, je présentais des signes qui pouvaient faire penser au trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Je souffrais d’hyperactivité. En primaire, je ne tenais pas en place. J’étais toujours assise au fond de la classe, car les enseignants savaient que, même si je n’avais pas de mauvaises intentions, j’allais les déranger. J’ai également fait face à des problèmes relationnels. Plus précisément, depuis la maternelle, j’ai du mal à tisser des liens, car je ne manie pas bien les codes sociaux. Il m’arrive d’être trop impulsive", confie Lucile, aujourd’hui âgée de 33 ans. Ce n’est pas tout, elle rencontre aussi des difficultés d’apprentissage liées à des problèmes de concentration. Sa mémoire de travail, qui permet de stocker et de manipuler temporairement des informations, n’est pas optimale. "Il était impossible pour moi d’apprendre des leçons par cœur ou des poésies. En parallèle, j’étais épuisée et présentais des problèmes d’adaptation." À l’époque, les psychiatres, chez qui ses parents l’emmènent, attribuent ses symptômes à des traumatismes, qui selon la patiente "n’ont pas eu lieu. Ils ont, je pense, surinterprété ce que je leur ai dit."

    "Pour les épreuves du bac, j’ai même été major de promo. Ma prof a dit que je ne méritais pas ce diplôme"

    En grandissant, la cheffe de projet pour le Centre d'excellence des troubles du neurodéveloppement (iMind) fait face à de nombreuses réflexions liées à ses symptômes. "À l’école, au travail, j’ai toujours été confrontée à des remarques désobligeantes. Par exemple, les enseignants ne comprenaient pas pourquoi mes notes fluctuaient autant et pourquoi j’excellais lors de certains examens et pas d’autres. Dans mon cas, le circuit cérébral de la motivation est impacté. Quand je ne suis pas intéressée par quelque chose, je suis mauvaise, mais lorsqu’une tâche attire mon attention et que je suis concentrée, ma motivation est stimulée par un déclencheur physiologique. Je m’implique donc et j’excelle ! Ici, ce n’est pas une question de volonté." Elle se souvient d’une critique faite par sa professeure principale après avoir obtenu son baccalauréat. "Cette année-là, je faisais partie des derniers de la classe. Pourtant, pour les épreuves du bac, pour lesquelles je n'avais pas révisé, car il m’était impossible de faire des devoirs, j’ai excellé et j’ai même été major de promo. Quand ma prof l’a su, elle a dit que je ne méritais pas ce diplôme et mes camarades de classe pensaient que j’avais triché. C’est méchant et blessant."

    Un diagnostic d’autisme avec une suspicion de TDAH inexplorée

    Lors de ses expériences dans le milieu du travail, la trentenaire a été "harcelée. Durant un de mes petits boulots alimentaires, j’étais hôtesse d’accueil. Il y a une tâche que l’on nous demandait de faire. À chaque fois, j’oubliais de la faire, ça me sortait de la tête, mais au fond de moi, j’étais intimement persuadé de l’avoir fait. Cela m’a attiré les foudres de ma responsable qui n’a pas arrêté de m’épier. Après cela, plus personne ne me parlait et même me saluer quand j’arrivais au travail." À la suite de cette expérience, elle enchaîne les "petits boulots", puis se retrouver à occuper un poste à temps complet (à savoir en 35 heures). "Cette même année, en 2019, j’ai commencé à habiter toute seule. Avec le travail, j’étais très fatiguée et j’ai souffert d’une dépression." Une situation qui pousse Lucile à consulter des spécialistes, notamment un psychiatre. Après plusieurs tests neuropsychologiques et vidéos, elle reçoit un diagnostic d’autisme, avec une suspicion de trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité. "Mais les médecins n’ont pas voulu explorer cette piste."

    TDAH : "une interaction entre une vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux liés à la période néonatale"

    Un an plus tard, elle est toujours dans la même situation. "Après le diagnostic, je ne suis pas plus avancée. Je ne peux toujours pas travailler correctement. Je me tourne alors vers l’association Hypersupers TDAH France, qui m’oriente vers un neuropsychiatre. Ce spécialiste fait un examen très approfondi, en me posant de multiples questions et en interrogeant également mes proches. Peu de temps après, lors du deuxième confinement, il m’annonce que je suis atteinte de trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité." Il s’agit d’un trouble neurodéveloppemental. "Dans ce cas, il y a une interaction entre une vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux liés à la période néonatale. Selon les hypothèses, il existerait un déficit de certains neurotransmetteurs, qui sont censés faire passer les informations à différentes zones cérébrales. Et le cortex préfrontal, qui doit gérer les messages et les filtrer, ne fonctionne pas bien. Résultat : l’attention ou l’inhibition n’est pas régulée correctement."

    À l’âge adulte, il existe trois présentations du TDAH : mixte (le plus fréquent), inattentif (le plus difficile à détecter) et hyperactif (le moins courant). Le profil mixte a de l'inattention, de l'impulsivité et de l'hyperactivité selon les périodes. Celui inattentif, qui est très discret, n'a pas ou peu de composante impulsive ou hyperactive. Enfin, le profil hyperactif n'a pas d'inattention, mais présente une forme d'impulsivité. "On parle d’inattention quand l’attention est fluctuante, en cas de rêveries, de problèmes de mémoire de travail, de perception du temps et de communication. Par exemple, le fait de passer du coq-à-l’âne ou de parler en continu sans se soucier de son interlocuteur. L’impulsivité fait référence à l’impatience, à une absence de filtres, au fait de couper la parole aux autres, à la prise de risque et à un désir régulier de changer de vie du jour au lendemain. Quant à l’hyperactivité, elle correspond au besoin d’occupation, à des mouvements permanents, aux angoisses à l’idée de s’ennuyer, à des difficultés à se détendre, à des micro-mouvements (se ronger les ongles, jambes qui sautent) et à des difficultés à s’endormir." Les personnes souffrant de ce trouble peuvent également faire face à des difficultés professionnelles, des troubles de la régulation émotionnelle, être plus vulnérables aux addictions (sucre, café, tabac, alcool, jeux vidéo, sexe…) et peuvent devenir harceleuses ou être harcelées.

    "Il y a un lien génétique. Dans ma famille, plusieurs personnes semblent présenter des symptômes"

    Lors du diagnostic, peu d’informations sur la cause de son TDAH lui ont été données. "Je pense qu’il y a un lien génétique, car je constate que dans ma famille, plusieurs personnes semblent présenter des symptômes." Étant donné que la cheffe de projet se pose de nombreuses questions auxquelles elle n’avait pas de réponse, elle crée un site (https://tdah-age-adulte.fr/) pour aider les patients et leur famille. En termes de traitement, la trentenaire, désormais suivie par un psychiatre, prend, depuis presque quatre ans, un seul des produits disponibles en France : le méthylphénidate. "J’ai commencé par un médicament à libération immédiate, c’est-à-dire qu’il était efficace deux à quatre heures, puis je suis passée à un traitement à libération prolongée (six à huit heures. Problème : mon corps absorbe vite le médicament. J’ai donc encore changé de traitement. Je le prends trois fois par jour. Il me permet d’avoir une meilleure qualité de vie !"

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    JDF