Témoignage

Journée mondiale de Parkinson : "agricultrice, j'ai contracté la maladie à cause des produits d'entretien"

A l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation à la maladie de Parkinson, l'agricultrice bretonne Sylvie Chaplain, 59 ans, nous raconte son combat contre la maladie. Séparée depuis cinq ans, elle est maman de deux grands enfants, qui ont quitté le foyer.

  • Par Mathilde Debry
  • oceane2508 / istock.
  • 12 Avr 2021
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    Pourquoi docteur - Comment avez-vous été diagnostiquée ?

    Sylvie Chaplain - J’avais du mal à écrire depuis longtemps, mais je ne savais pas que c’était un symptôme de la maladie de Parkinson, donc je ne m’en suis pas occupé.

    J’ai senti que quelque chose n’allait vraiment pas suite à une opération du pied (je souffrais à l’époque d’un hallux valgus). A mon réveil, mon pied n’était pas droit, j’avais très mal et je ne pouvais pas du tout marcher. Les deux mois qui ont suivis l’intervention, je n’avais plus d’énergie, j’étais à plat.

    Mon médecin généraliste m’a donc envoyée voir un neurologue, qui a su ce dont je souffrais avant même de m’examiner, quand il m’a vu sur le pas de la porte de son cabinet. J’avais alors 53 ans.

    Quels sont vos symptômes aujourd’hui ?

    Je vis à peu près normalement. Grâce à mes traitements, cela ne se voit pas trop que je suis malade, car je n’ai pas de tremblements ou de dyskinésies. Le symptôme le plus handicapant pour moi, c’est quand mon pied se bloque, comme s’il se transformait en pierre. Je ne peux alors plus rien faire, et je ne pense plus qu’à ça. Je ressens aussi de la fatigue, ainsi que des douleurs et des crampes pendant la nuit. J’ai également du mal à me concentrer.

    Que suivez-vous comme traitement actuellement ?

    Je ne suis pas très dosée ; je n’ai pas changé de traitement depuis 5 ans. En gros, je prends un cachet toutes les quatre heures (lévodopa, sifrol, antidépresseur), ce qui est pénible à supporter. Si je ne les prends pas, je n’ai plus aucune énergie. En cas d’oubli, le corps ne redémarre pas comme il faut, comme lorsqu’on met la voiture complètement à sec d’essence. Pour éviter les étourderies,  beaucoup de malade utilisent les alarmes de leur téléphone, mais personnellement je ne le fais pas, par peur de me faire remarquer si je me trouve dans un lieu public.

    La maladie de Parkinson a-t-elle un impact sur vos relations sociales ?

    Mes relations avec mes enfants sont bonnes, même s’il leur a fallu un temps d’adaptation. Concernant mon couple, j’aurais divorcé de toute façon, mais la maladie a accéléré les choses.

    La maladie de Parkinson impacte aussi fortement les relations amicales. D’abord parce du jour au lendemain, la maladie exclut de la sphère professionnelle et associative. D’un coup, on n’est plus dans la course, sans y avoir été préparé. Ensuite, on tient moins tard pendant les soirées. Enfin, beaucoup de personnes sont mal à l’aise avec les malades, et on ne nous voit plus qu’à travers ce prisme.

    Que faites-vous aujourd’hui au quotidien ?

    C’est une bonne question… Je ne vais pas vite, donc le temps passe vite. Je bricole beaucoup : hier, j’ai fait des perles en papier et un bracelet par exemple.  J’entretiens aussi énormément ma grande maison, et je collectionne les timbres, une passion que j’ai depuis l’âge de 10 ans. Je vais également marcher tous les jours, et, quand ma concentration me le permet, je regarde un peu la télévision ou je lis.

    Enfin, je me suis investie dans l’association France Parkinson, dans laquelle je prends de plus en plus de responsabilités. Cela me permet de lutter contre la maladie, tout en rencontrant de nouvelles personnes très sympathiques.

    Les agriculteurs français sont plus touchés que les autres par la maladie de Parkinson, notamment à cause des pesticides. Avez-vous manipulé ce type de produits ?

    A l’époque, c’est plutôt mon frère, en charge de nos 50 hectares de culture, qui manipulait les pesticides, même si j’ai bien dû nettoyer quelques bidons.

    En revanche, pour nettoyer mes bâtiments d’élevage, j’ai manipulé beaucoup de détergents et de désinfectants fabriqués à partir des mêmes composants que les pesticides. De ce fait, j’ai pu faire reconnaître ma maladie de Parkinson en tant que pathologie professionnelle.

    De quoi vivez-vous aujourd’hui ?

    Comme je ne pouvais plus travailler, j’ai vendu l’exploitation de porcs et de bovins que je possédais avec mon frère.

    Aujourd’hui, je vis des indemnités journalières qui ont été mises en place pour les agriculteurs il y a quelques années, soit de 26 euros par jour. Je touche aussi un autre petit pécule tous les mois, via une assurance que j’avais prise pour pouvoir faire face en cas de coup dur. Ce n’est pas évident.

    Êtes-vous satisfaite de votre prise en charge ?

    Je me débrouille, même si j’ai plein de questions et d’appréhensions. Je me suis prise en charge toute seul, je n’ai pas attendu qu’on m’aide.

    La covid-19 vous impacte-t-elle plus particulièrement ?

    Oui, car j’ai l’impression d’être doublement confinée : dans mon corps et dans ma vie. Ce n’est pas simple.

    Comment voyez-vous votre avenir ?

    J’espère profiter un peu, quand même.

    Y a-t-il des choses à améliorer pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson en France ?

    D’abord le diagnostic, car c’est une maladie sournoise, avec laquelle on peut vivre très longtemps sans le savoir. C’est d’ailleurs ce qu’il m’est arrivée. Ensuite, il faudrait mieux former les professionnels de santé à la maladie de Parkinson, car certains la confondent encore avec la maladie d’Alzheimer par exemple. Enfin, il y a des Parkinsoniens qui sont manipulés un peu trop brutalement dans les Ephad, il faut y aller plus doucement.

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    JDF