Infectiologie
Hydroxychloroquine : aucun effet bénéfique chez les malades hospitalisés dans Recovery
C’est fois ci, c’est avéré : dans la première étude randomisée d’ampleur, l’hydroxychloroquine ne marche pas chez les patients Covid-19 hospitalisés. L’étude Recovery est un vaste essai clinique indépendant mené au Royaume-Unis qui teste plusieurs stratégies.
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Plus pragmatiques que les français et moins soumis à la polémique malsaine qui entoure l’hydroxychloroquine en France, les chercheurs anglais ont mis en place dès le début de l’épidémie une vaste étude indépendante, fruit d’une association entre l’Université d’Oxford et le NHS, le service de santé britannique.
Le principe de l’essai Recovery est de réaliser des analyses en sous-groupe, dans une large cohorte de 11 000 malades recrutés dans 175 hôpitaux du NHS, avec une analyse indépendante. C’est une méthodologie « agile », adaptée aux temps de crise, mais qui est une étude randomisée très puissante.
Premiers résultats négatifs
Le vendredi 5 juin, les résultats préliminaires de Recovery ont été mis en ligne sur le site de l’étude : 1542 patients ont été randomisés dans le groupe hydroxychloroquine et 3132 patients ont été randomisés pour recevoir uniquement les soins habituels. Aucune différence significative n'a été constatée sur le critère d'évaluation principal de la mortalité à 28 jours (25,7 % d'hydroxychloroquine contre 23,5 % de soins habituels ; rapport de risque de 1,11 [intervalle de confiance de 95 % 0,98-1,26] ; p=0,10).
Il n'y a pas non plus de preuves d'un effet bénéfique sur la durée du séjour à l'hôpital ni sur d'autres résultats. On ne dispose pas encore des données de tolérance.
L’hydroxychloroquine était administrée à la dose de 800 mg, suivie de 800 mg 6 heures après, puis 400 mg 6 heures près, puis 400 mg toutes les 12 heures pendant 9 jours de traitement.
Un essai randomisé agile
Selon Peter Horby, professeur de maladies infectieuses émergentes et de santé internationale au département de médecine Nuffield de l'université d'Oxford et directeur de l'essai Recovery : « l’essai s'est déroulé avec une célérité sans précédent, avec plus de 11 000 patients provenant de 175 hôpitaux du NHS au Royaume-Uni. Pendant tout ce temps, le comité indépendant de contrôle des données a examiné les données disponibles toutes les deux semaines afin de déterminer s'il existait des preuves suffisamment solides pour influer sur le traitement national et mondial de la Covid-19 ».
« Le jeudi 4 juin, en réponse à une demande de la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency (MHRA) britannique, le Comité indépendant de contrôle des données a procédé à un nouvel examen des données. La nuit dernière, le comité a recommandé aux enquêteurs d'examiner les données en aveugle sur le bras hydroxychloroquine de l'essai ».
« Nous avons conclu que l'hydroxychloroquine n'a aucun effet bénéfique sur les patients hospitalisés pour une Covid-19. Nous avons donc décidé d'arrêter le recrutement des participants au bras hydroxychloroquine de l'essai RECOVERY avec effet immédiat. Nous publions maintenant les résultats préliminaires car ils ont des implications importantes pour les soins aux patients et la santé publique ».
Un antipaludéen qui revient à chaque épidémie
L'hydroxychloroquine et la chloroquine sont des antipaludéens qui ont une activité immunomodulatrice utilisée en rhumatologie et une activité antivirale in vitro. Cette dernière est connue depuis les années 60 mais ne s’est jamais transcrite in vivo au cours des nombreuses pandémies grippale ou épidémie à coronavirus ou à Chikungunya où elle a été utilisée.
Les chinois en sont friands pour une raison qui nous échappe et cette molécule ressort à chaque épidémie d’ampleur et celle-ci ne fait pas exception à la règle. Ce qui est nouveau, c’est l’hystérie qui a accompagné cette résurgence en France et dans quelques pays, où l’argumentation est plus politique que scientifique, en l'absence de preuves solides. L'essai Recovery montre que l'hydroxychloroquine n'est pas un traitement efficace pour les patients hospitalisés avec une Covid-19.
Des résultats clairs pour passer à autre chose
Martin Landray, professeur de médecine et d'épidémiologie au département Nuffield de la santé de la population de l'université d'Oxford et chercheur en chef adjoint, a déclaré : « Il y a eu d'énormes spéculations et incertitudes sur le rôle de l'hydroxychloroquine comme traitement de la Covid-19, mais une absence d'informations fiables provenant de grands essais randomisés.
Les résultats préliminaires de l'essai Recovery sont très clairs : l'hydroxychloroquine ne réduit pas le risque de décès chez les patients hospitalisés atteints de cette nouvelle maladie. Ce résultat devrait changer la pratique médicale dans le monde entier et démontre l'importance des grands essais randomisés pour éclairer les décisions concernant à la fois l'efficacité et la sécurité des traitements ».
Et après hydroxychloroquine ?
Issues d’un large essai randomisé, ces données excluent de manière convaincante tout bénéfice significatif de l'hydroxychloroquine en termes de mortalité chez les patients hospitalisés pour une Covid-19. Les résultats complets seront bientôt disponibles et mériteront une analyse détaillée.
Bien qu'il soit décevant que ce traitement se soit révélé inefficace, ces résultats permettent de tourner la page et de concentrer la recherche sur des médicaments plus prometteurs. Recovery n’éteindra pas la polémique en France où les partisans de ce traitement prônent l’association à l’azithromycine et l’utilisation à un stade plus précoce mais son efficacité semble nulle au stade précoce et, pour paraphraser un homme politique anglais illustre : « ce n’est pas le début de la fin, mais c’est peut-être la fin du commencement ».
Recovery est un large essai randomisé basé sur l’analyse de sous-groupes de traitement à l’intérieur d’une large cohorte de malades. Recovery a une méthodologie agile mais en intention de traiter qui comprend un bras hydroxychloroquine et d’autre bras de traitement : l’azithromycine, l’association lopinavir-ritonavir (avec 2 anti-VIH qui a déjà montré son inefficacité en l’absence d’interféron), le tocilizumab, la dexaméthasone à faible dose (un corticoïde puissant dont l’usage est discuté à forte dose) et les injections de gammaglobulines issues de personnes guéries de la Covid-19.











