Mode de vie
Vieillissement : l'inflammation chronique est-elle vraiment inévitable ?
Des chercheurs ont montré que l’inflammation chronique liée à l’âge, très répandue dans les pays industrialisés, est absente chez certaines populations autochtones, suggérant un lien fort entre vieillissement et mode de vie.

- Par Stanislas Deve
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On pensait jusqu’ici que l’inflammation chronique liée au vieillissement était un phénomène universel, presque une fatalité. Mais une nouvelle étude menée par la Columbia University Mailman School of Public Health, aux Etats-Unis, remet en question cette hypothèse. D’après les chercheurs, ce phénomène, baptisé "inflammaging" en anglais (inflammation avec l’âge), serait avant tout une conséquence des modes de vie industrialisés, et non une loi biologique inéluctable.
Un vieillissement inflammatoire très géographique
Publiée dans la revue Nature Aging, la recherche a comparé quatre populations : deux issues de pays industrialisés (Italie et Singapour) et deux populations autochtones non-industrialisées (les Tsimane de Bolivie et les Orang Asli de Malaisie). Le constat est frappant : alors que les marqueurs d’inflammation augmentent avec l’âge dans les pays développés, ce lien n’existe pas dans les populations indigènes.
Les chercheurs ont analysé un panel de 19 cytokines, ces protéines messagères du système immunitaire, pour évaluer le degré d’inflammation chronique. Dans les cohortes italienne et singapourienne, ces marqueurs étaient clairement associés à l’âge et à des pathologies chroniques, telles que les maladies rénales ou cardiovasculaires.
"Dans les contextes industrialisés, on observe des liens nets entre l’inflammaging et des maladies comme l’insuffisance rénale chronique", explique le chercheur Alan Cohen, auteur principal de l’étude, dans un communiqué. "Mais dans des populations soumises à un fort taux d'infections, l’inflammation reflète plutôt cette charge infectieuse que le vieillissement."De hauts niveaux d’inflammation, mais sans maladie chronique
Paradoxalement, les Tsimane présentent un niveau d’inflammation élevé, sans que celui-ci n’augmente avec l’âge ni ne s’accompagne de maladies chroniques. Chez eux, l’inflammation est principalement liée à des infections intestinales ou parasitaires. Plus de 66 % des Tsimane ont au moins une infection intestinale active, et plus de 70 % des Orang Asli sont eux aussi porteurs d’infections persistantes. Et pourtant, ces populations présentent peu de cas de diabète, de maladies coronariennes ou de démence.
"Ces résultats remettent en question l’idée que l’inflammation est nécessairement mauvaise, note Cohen. L’inflammation pourrait être fortement dépendante du contexte." Autrement dit, un profil immunitaire qui apparaît "dégradé" chez un adulte âgé occidental pourrait être simplement adapté à des conditions environnementales particulières chez des populations non occidentales.Vers une définition plus nuancée du vieillissement
Cette étude invite à repenser les biomarqueurs du vieillissement. Le processus immunitaire, et donc le vieillissement lui-même, pourrait être façonné par l’ensemble des expositions environnementales, infectieuses et comportementales. "Cela signifie aussi que nous pouvons agir et transformer les choses", affirme Alain Cohen. Activité physique régulière, alimentation peu transformée, et une meilleure compréhension de notre microbiote pourraient être des leviers clés pour prévenir l’inflammaging dans les sociétés modernes.