Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : rôle respectif des maladies pulmonaires chroniques

Deux maladies respiratoires avec inflammation chronique bronchique, l'asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), sont toutes deux associés à une augmentation du risque de développer une polyarthrite rhumatoïde.

  • stockdevil/istock
  • 05 Mars 2020
  • A A

    Dans une étude de cohorte prospective sur 205 153 femmes dans le cadre de la Nurses' Health Study (NHS, 1988-2014) et de la NHSII (1991-2015), l’asthme est associé à une augmentation de 53% du risque de polyarthrite rhumatoïde, et la BPCO à une augmentatioin de 89%, y compris après ajustement pour les facteurs de risque de la PR comme le tabagisme.

    L'association est particulièrement forte entre la BPCO et la forme séropositive de la polyarthrite rhumatoïde, qui se caractérise par des taux élevés d'anticorps anti-CCP dont on pense qu'ils sont impliqués dans les symptômes liés à la polyarthrite. L’étude est publiée dans Arthritis & Rheumatology.

    Une large étude prospective

    Dans cette étude portant sur 205 153 femmes avec un suivi médian d'environ 24 ans dans le cadre de la NHS et de la NHSII, les chercheurs ont identifié 15 148 femmes souffrant d'asthme et 3 573 de BPCO, ainsi que 1 060 femmes qui ont ensuite développé une polyarthrite rhumatoïde incidente. Cela représente un suivi de 4 384 471 années-patients.

    L'asthme est associé à un risque accru de PR (HR 1,53, IC 95% 1,24,1,88) par rapport à l'absence d'asthme ou de BPCO, après ajustement des covariables, y compris le nombre de paquets de cigarettes par année et le statut tabagique.

    L'asthme reste associé à un risque accru de PR même chez les personnes qui n’ont jamais fumé (HR 1,53, 95% IC 1,14,2,05). La BPCO est également associée à un risque accru de PR (HR 1,89, IC 95 % 1,31, 2,75). L'association de la BPCO avec la PR est la plus prononcée dans le sous-groupe des fumeurs ayant toujours fumé et âgés de plus de 55 ans (HR 2,20, 95 % IC 1,38, 3,51).

    PR et inflammation bronchique

    Des bronches inflammatoires peuvent contribuer au développement de la polyarthrite rhumatoïde (PR), vraisemblablement en raison de la production d'auto-anticorps liés à la PR (ACPA ou anticorps anti-protéine citrullinée). Par ailleurs, le tabagisme est le facteur de risque environnemental le plus important de la PR.

    Cependant, le rôle respectif des maladies pulmonaires chroniques, comme l’asthme et la BPCO dont l’inflammation bronchique est très différente, n’était pas parfaitement défini vis-à-vis du développement de la polyarthrite rhumatoïde.

    Rôle pathogène démontré

    D’après les chercheurs du Brigham and Women's Hospital, à l’origine de l’étude, « ces résultats confirment le paradigme selon lequel l'inflammation chronique de la muqueuse des voies respiratoires contribue au développement de la polyarthrite rhumatoïde ». Il est en effet admis que des bronches enflammées sont un site classique de citrullination des protéines et de production des anticorps anti-CCP. Production qui peut débuter avant même le début clinique de l'inflammation articulaire.

    Les malades souffrant d'asthme ou de BPCO peuvent donc être à risque de polyarthrite rhumatoïde, et les médecins qui les prennent en charge devraient garder ce fait à l’esprit afin d’adresser ces malades à des rhumatologues dès l’apparition d’arthralgies ou d’arthrite inflammatoires, car la prise en charge d’une PR est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée tôt.

    L'asthme et la BPCO sont donc toutes 2 associées à un risque accru de polyarthrite rhumatoïde, indépendamment du statut et de l’intensité du tabagisme, ainsi que des autres facteurs de confusion potentiels. Ces résultats viennent étayer l'hypothèse selon laquelle une inflammation chronique des voies respiratoires pourrait être cruciale dans la pathogenèse de la PR.

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.