Rhumatologie
Polyarthrite rhumatoïde non-érosive : pas d’intérêt des biothérapies au stade précoce
Dans la polyarthrite rhumatoïde active, récente et sans érosion articulaire à l’échodoppler, l’association anti-TNF + méthotrexate d’emblée n’apporte pas de bénéfice par rapport au schéma thérapeutique par méthotrexate initié seul et ajusté en step-up.
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Dans la polyarthrite rhumatoïde active avec douleurs articulaires de moins de 12 mois et synovite, mais sans aucune érosion échographique, il n’y a pas de supériorité radiologique ou clinique à l’instauration d’une association anti-TNF + MTX d’emblée par rapport au traitement pivot par le méthotrexate seul puis escaladé à la demande.
Pire, à 48 semaines dans cette population de patients avec activité forte initialement (DAS28-VS à 5.1), aucune des deux stratégies n'a permis d'obtenir une rémission DAS28 chez la majorité des malades, bien que l'écho-doppler synovial ait confirmé la suppression de l'inflammation locale. Ces résultats sont issus d’une étude pragmatique, randomisée en ouvert qui est publiée dans la revue Annals of the Rheumatic Diseases.
La recherche de la protection articulaire
La supériorité des associations biothérapie + méthotrexate est bien étable sur le méthotrexate seul dans les polyarthrites anciennes et précoces (étude COMET).
Dans les essais de stratégie d'utilisation en première ligne d’une association méthotrexate et biothérapie (et en particulier les anti-TNF), aucune étude n’a démontré de supériorité évidente de cette association sur le méthotrexate seul, bien que son intérêt théorique, avant les premières lésions radiologiques, soit possible. De nombreuses critiques méthodologiques remettaient en cause la qualité des études présentées.
Une étude pragmatique
Il s’agit d’un essai comparatif randomisé, ouvert et pragmatique dans les PR précoces n'ayant jamais été traité (moins de 12 mois de symptômes), avec un score d'activité de la maladie, le DAS28-VS, supérieur ou égal à 3.2, une positivité du facteur rhumatoïde (RF) et/ou des anticorps anti-peptidiques citrullinés (ACPA) positif ou un doppler-puissance positif en cas de FR et d’ACPA négatifs.
Les 120 malades ont été randomisés entre étanercept + MTX (n=60) et MTX seul, en step-up (n=60), c’est-à-dire avec la possibilité de l’association secondaire à l’étanercept si le DAS 28 restait supérieur ou égal à 2.6 à la semaine 24 (avec éventuelles infiltrations de corticoïdes selon un protocole prédéterminé). Le critère d'évaluation principal est la rémission DAS28-VS à la semaine 48 avec des critères d'évaluation secondaires cliniques et d'imagerie.
Pas de différence majeure à la 48ème semaine
Cent-vingt patients ont été randomisés (71% de femmes, 73% de RF+, 84% d'ACPA+), 60 dans chaque bras, avec une durée médiane d’évolution des symptômes de 20,3 semaines et un DAS28 initial à 5,1, donc des PR plutôt actives.
Les taux de rémission avec l’association ETN + MTX et le MTX sont, respectivement, de 38% contre 33% à la semaine 24 ; 52% contre 38% à la semaine 48 (RIA 1,6, IC 95% 0,8 à 3,5, p=0,211). Le signal échodoppler est complètement supprimé à la semaine 48 dans plus de 90% des cas dans chaque bras.
Une rémission DAS28-VS plus importante et plus soutenue est néanmoins observée plus souvent avec l’association ETN + MTX par rapport au MTX seul (42% et 27% respectivement ; p=0,035). L'analyse exploratoire prévue a révélé un RC de 2,84 (IC à 95% : 0,8 à 9,6) de rémission après 24 semaines d'ETN + MTX administré en première ligne par rapport à l'administration de MTX.
Pas de bénéfice évident
Alors que cette étude a porté sur des malades avec une maladie rhumatoïde très active, elle n'a pas confirmé d'effet-taille important (de au moins 30 %), ce qui était suggéré dans une analyse exploratoire précédente.
Cela montre que, malgré une stratégie de traitement plus forte que les stratégies recommandées dans une cohorte de PR précoces (≤12 mois de symptômes), n'ayant jamais été traitées, il existerait un effet plafond avec les 2 traitements qui ne semble pas attribuable à une inflammation synoviale qui serait persistante (comme le montre l'échographie-doppler de puissance qui est négative).
Ces données suggèrent que dans une cohorte de PR précoces et actives, et en l’absence de critères de gravité, l’intérêt de l’association anti-TNF + MTX ne peut pas s’exprimer par rapport au méthotrexate seul. Par ailleurs, les critères cliniques du DAS28 ne semblent pas se modifier parallèlement à la régression des synovites actives en échographie.
Des recommandations pertinentes
Cette étude ne remet donc pas en cause les recommandations actuelles qui conseillent de commencer par le méthotrexate seul, à ajuster à la hausse (« step-up ») dès le 3ème mois et d’autant plus fortement qu’il existe des signes de gravité de la maladie, et en particulier des érosions articulaires débutantes. Celles-ci sont dépistées au mieux en échographie (inférieures à 1 mm), à un stade donc où la mise en rémission permet encore la cicatrisation théorique de ces trous. L’étude pose, par ailleurs, la question du risque de perte d’efficacité secondaire des anti-TNF, risque non-négligeable si sa prescription ne sert à rien.








