Onco-digestif

Endo-brachy-oesophage avec dysplasie de bas grade : efficacité limitée de la radiofréquence

Chez les patients ayant un endo-brachy-oesophage avec dysplasie de bas grade, la radiofréquence diminue de façon très modeste la prévalence de la dysplasie de bas grade et le risque de progression à 3 ans

  • Istock/Dr_Microbe
  • 26 Mai 2021
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    Le taux de progression néoplasique d’un endo-brachy-œsophage (EBO) vers des lésions de dysplasie de haut grade ou adénocarcinome invasif est estimé à seulement 2,6 pour 1000 personnes-années, ce qui justifie une simple surveillance pour la majorité des patients. Si la résection endoscopique des lésions de dysplasie de haut grade ou d’adénocarcinome superficiel, associée à l’ablation de la métaplasie résiduelle (le plus souvent par radiofréquence (RF)), est parfaitement consensuelle, le traitement de l’EBO avec dysplasie de bas grade (DBG) reste débattu.  

    En effet, le diagnostic de DBG n’est pas aisé et requiert une confirmation par un anatomo-pathologiste expert qui permet dans trois quarts des cas de redresser le diagnostic en faveur d’un EBO non dysplasique. Cependant, grâce à une meilleure évaluation de la DBG, il a été constaté récemment une augmentation du risque de progression des lésions de 21 à 91 cas pour 1000 personnes-années. Ces données plaident pour un traitement endoscopique de l’EBO avec DBG. La plupart de ces lésions de DBG n’étant pas visibles, le traitement le plus adapté est la RF, plus efficace et plus sûre que la résection endoscopique. Peu d’étude avaient jusqu’à présent évalué la RF dans le traitement de l’EBO avec DBG. L’étude randomisée multicentrique française présentée ici (1) montre des résultats plutôt décevants de la RF face à une simple surveillance dans le traitement de la DBG sur EBO.

    Des résultats assez mitigés 

    Cet essai multicentrique, mené dans 14 centres experts français, a inclus des patients avec EBO circonférentiel ≥ 1 cm ou non circonférentiel ≥ 3 cm, sans lésion visible, et avec un diagnostic de DBG établi par 2 anatomo-pathologistes du centre et confirmé de façon centralisée par un anatomo-pathologiste expert. Les patients étaient randomisés entre un traitement par RF et une simple surveillance. Un maximum de 4 séances de RF pouvait être réalisé. Dans les 2 bras, les patients avaient une endoscopie oeso-gastro-duodénale de surveillance avec biopsies selon le protocole de Seattle à 12, 24 et 36 mois. Le critère d'évaluation principal était la prévalence de la DBG à 3 ans et les critères secondaires étaient le taux de progression vers la dysplasie de haut grade ou l’adénocarcinome à 1 et 3 ans, la prévalence de la DBG à 1 an, le taux d’éradication complète de la dysplasie (EC-D) et de la métaplasie intestinale (EC-MI), ainsi que les effets indésirables.

    Sur un total de 125 patients inclus dans l’étude, 82 ont pu finalement être randomisés : 40 dans le bras RF et 42 dans le bras surveillance. Après l’analyse anatomo-pathologique centralisée, 26% des patients (initialement diagnostiqués avec de la DBG) avaient finalement de l’EBO non dysplasique.  En intention de traiter, la prévalence des lésions de DBG à 1 an était de 31,3% dans le bras RF vs 61,3% dans le bras surveillance (OR=0,33 ; p=0,03) et elle était à 3 ans de 34,3% vs 58,1%, respectivement (OR=0,38 ; p=0,05). En analyse multivariée, la RF ne diminuait pas de façon significative la prévalence de la DBG à 3 ans (p=0,10).  Le taux d’EC-D était de 55% vs 23,8% dans les bras RF et surveillance, respectivement (OR=3,91 ; p=0,004), et le taux d’EC-MI étaient de 35% vs 0% (OR=46,52 ; p<0,001). Le taux de progression vers la dysplasie de haut grade ou l’adénocarcinome à 3 ans était de 12,5% vs 26,2% (p=0,15) et le taux de complications dans le bras RF était de 18,9% (douleur thoracique, fièvre, vomissement, dysphagie, hémorragie et sténose dans 1 cas).

    Ces résultats sont donc assez mitigés car si la RF permet de diminuer la prévalence de la DBG à 1 an, ce bénéfice n’est pas maintenu à 3 ans et elle ne permet pas de diminuer de façon significative la progression vers la dysplasie de haut grade et l’adénocarcinome.

    De meilleurs résultats dans les centres à gros volume

    Une analyse post-hoc a montré que chez les patients traités par RF, le taux d’EC-D (76,5% vs 43,5%, p=0,04) et d’EC-MI (47,1% vs 3%, p=0,02) étaient tous deux significativement améliorés dans les centres à gros volume (≥ 30 RF/ an) comparés aux centres à petit volume (< 30 RF/an).

    Ceci signifie que si une RF est décidée, elle doit être préférentiellement réalisée dans un centre expert à gros volume.

    Perspective pratique et conclusion

    L’efficacité de la RF dans cette étude est inférieure à celles de 2 études précédentes qui rapportaient une clairance de la DBG de plus 90%, une EC-MI de 80% et une diminution du risque de progression de 25% (2,3). Cependant, moins de la moitié des patients inclus dans ces études avaient un suivi à 3 ans, ce qui en limite la portée à long terme. Cette étude française, menée avec un suivi minimal de 3 ans, remet clairement en question l’intérêt de la RF dans le traitement de l’EBO avec DBG pour plusieurs raisons : 1) une régression spontanée de la DBG était observée chez 31% des patients, 2) le faible taux d’EC-MI n’a pas permis de diminuer de manière significative la prévalence de la DBG et la progression vers une lésion néoplasique, 3) 19% des patients du groupe RF ont présenté une complication, 4) la RF augmente le coût de traitement par patient.

    La balance bénéfice/risque de cette procédure thérapeutique doit donc être évaluée avec précaution avant de l’envisager chez les patients ayant un EBO et DBG et elle doit être réservée aux centres experts à gros volume d’activité.

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