Cardiologie

Coronavirus : une forte tendance à former des caillots, y compris avant le SDRA

De plus en plus de médecins observent des caillots sanguins chez leurs malades atteints du Covid-19 et même avant qu'ils soient dans un état critique. 

  • Christoph Burgstedt/iStock
  • 28 Avril 2020
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    On en découvre un peu plus chaque jour sur les sombres conséquences du nouveau coronavirus. A l’origine perçue comme une virulente affection respiratoire, il s’est avéré que la maladie pouvait également atteindre d’autres organes comme les reins. Récemment, des chercheurs se sont aperçus que le SARS-CoV-2 pouvait entraîner la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins chez les malades.

    D’après une étude néerlandaise parue le 10 avril dans la revue Thrombosis Research, parmi 184 patients atteints du Covid-19 dans une unité de soins intensifs, 38% avaient une coagulation anormaleme avec de nombreux caillots. Ce phénomène a également été décrit par de nombreux médecins américains, en authopsiant les poumons de malades décédés de la Covid-19, où des caillots ont été retrouvés, y compris dans les petits vaisseaux.

    Fréquence des accidents thrombo-emboliques

    Dans le monde entier, de plus en plus de médecins observent ces cas chez leurs patients atteints du Covid-19. Pour le docteur Jeanne Marrazzo, professeur en infectiologie à l’université d’Alabama à Birmingham (Etats-Unis), les micro-caillots pourraient également être responsables de l’un des symptômes uniques du Covid-19 : la perte soudaine de l’odorat.

    Aux Etats-Unis, les médecins ont d’abord remarqué des anomalies au niveau des jambes de leurs patients, qui devenaient bleues et gonflaient. Plusieurs unités de soins intensifs américaines ont constaté de nombreux cas similaires en même temps. Un phénomène si violent que des appareils de dialyses, utilisés lors des épisodes d'insuffisance rénale aiguë, se retrouvaient bouchés plusieurs fois par jour par ces caillots.

    “Nous avons peur”

    À NYU Langone (New-York City, Etats-Unis), le médecin Shari Brosnahan, spécialiste des poumons, suit actuellement deux quadragénaires en réanimation. L’un d’entre eux risque de perdre une main, et l’autre, les quatre membres. Le nombre de cas où les thrombus remontent dans les veines a plus que doublé depuis le début de l’épidémie chez les patients en état critique, s’inquiète-t-elle auprès de l’AFP. 

    Chaque année, les médecins traitent des patients souffrant de complications liées à la coagulation et “ils ne coagulent pas comme ça”, s'alarme quant à lui le docteur Lewis Kaplan, médecin de l’université de Pennsylvanie et directeur de la Société américaine de médecine des soins intensifs. “Le problème que nous avons est que si nous comprenons qu’il y a un caillot, nous ne comprenons pas encore pourquoi il y a un caillot. Nous ne savons pas. Et donc, nous avons peur”, explique-t-il au Washington Post. 

    Des traitements anticoagulants

    Généralement, des anticoagulants comme l’héparine sont administrés contre les caillots. Cependant, cela ne fonctionne pas toujours et entraîne parfois une hémorragie interne, car souvent, les caillots provoqués par le SARS-CoV-2 sont des micro-caillots qui se forment jusque dans les capillaires, les vaisseaux sanguins les plus petits. Auquel cas, il est impossible de les enlever et l’amputation est souvent la seule solution.

    Cette formation dethrombus pourrait également parfois expliquer pourquoi les respirateurs artificiels sont parfois inefficaces. En effet, quand ils se forment dans les poumons, le sang ne peut pas y circuler et repart dans le corps sans s’être oxygéné ("effet shunt").

    Plusieurs hypothèses ont été avancées 

    Les chercheurs travaillent donc désormais à comprendre pourquoi et comment le virus entraînerait-il cette coagulation. Cela pourrait s’expliquer car de nombreux patients en état critique souffrent d’antécédents cardiovasculaires ou pulmonaires. Une autre hypothèse suggère que les caillots sont une conséquence de la flambée inflammatoire associée à la maladie, et en particulier dans l'endothélium vasculaire.

    Une des théories est qu’une fois que l’organisme est ainsi engagé dans une lutte contre un envahisseur, le corps commence à consommer les facteurs de coagulation, ce qui peut entraîner soit des caillots sanguins, soit des saignements. Dans le cas d’Ébola, l’équilibre était plutôt en faveur des saignements. Dans le Covid-19, c’est plus des caillots de sang”,  avance notamment Harlan Krumholz, cardiologue au centre hospitalier de Yale-New Haven, (Etats-Unis).  

    Toutefois, “toute maladie aiguë, en elle-même, prédispose à la création de caillots”, nuance Behnood Bikdeli, spécialiste en médecine interne au centre médical universitaire de Columbia (Etats-Unis), interrogé par l'AFP. Qui plus est, “les virus font souvent des choses étranges, commente Shari Brosnahan. On est juste en train de découvrir les choses étranges que ce virus produit.” Enfin, si la diversité des complications liées au Covid-19 donne le tournis, la recherche sur ce nouveau virus n’en est qu’à ses débuts. “Il est possible que tout soit causé par une chose unique, et qu’une solution unique existe”, conclut Shari Brosnahan. 

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