Réflexion

Médecine de guerre : aggravation des lésions, nouvelles techniques et amélioration de la survie

Une étude sur les techniques de médecine de guerre utilisées en Afghanistan et en Irak témoigne des progrès considérables en termes de survie malgré une nette aggravation des lésions… et des séquelles.

  • zabelin/istock
  • 28 Mars 2019
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    Des milliers de militaires ont perdu la vie ou ont été grièvement blessés pendant la plus longue guerre des États-Unis, connue sous le nom de « guerre mondiale contre le terrorisme ».

    Jeffrey Howard, un chercheur de l'Université du Texas à San Antonio (UTSA), a publié un article dans JAMA Surgery qui examine les données compilées à partir des bases de données du ministère de la Défense sur les 56 763 blessures enregistrées en Afghanistan et en Irak du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2017. Il en ressort une incroyable amélioration de la survie en dépit d’une lourde aggravation des lésions subies.

    Baisse des taux de léthalité

    « Les conflits en Afghanistan et en Irak ont les taux de létalité les plus bas de l'histoire des États-Unis, mais le but de cette étude était de fournir l'évaluation la plus complète du système de traumatologie en compilant les données détaillées sur les conflits et en analysant simultanément plusieurs interventions et changements de stratégie de santé », explique Howard.

    Les chercheurs ont évalué le statut des victimes (vivante, tuée au combat (KIA) ou décédée de blessures (DOW)), le taux de létalité (CFR) et la contribution des différentes interventions (utilisation de garrots, transfusions sanguines et transport vers un centre chirurgical dans les 60 minutes) par rapport aux changements du taux de létalité.

    Amélioration de la survie

    Les types de blessures subies et leur gravité ont nettement augmenté pendant cette guerre. Ainsi, les blessures causées par les explosifs ont augmenté de 26 % en Afghanistan et de 14 % en Irak, ce qui s’est accompagné d’une augmentation des traumatismes crâniens : de 96 % en Afghanistan et de 150 % en Irak.

    Surtout le taux de survie des blessés graves s’est incomparablement amélioré puisqu’il est passé de 2,2 % à 39,9 % en Afghanistan et de 8,9 % à 32,9 % en Iraq. Inversement, le taux de létalité a été réduit de moitié entre 2001 et 2017 (Afghanistan de 20 % à 8,6 % et Irak de 20,4 % à 10,1 %), malgré l'augmentation des blessures et de leur gravité.

    3 changements importants

    Trois interventions clés (utilisation accrue des garrots, recours accru à la transfusion sanguine et délais de transport vers un centre hospitalier plus rapides, en particulier en Afghanistan) sont responsables pour environ 44 % de la réduction de la mortalité. Les chercheurs estiment que 1 622 vies ont été sauvées grâce à cette nouvelle politique de prise en charge dans le service de santé de l’Armée américaine.

    Ils ont également calculé que sans ces changements d'intervention et de politique, 3 600 décès supplémentaires seraient survenus entre 2001 et 2017.

    Maintenir l’expérience

    L'un des principaux objectifs de ce travail est de veiller à ce que les leçons de la guerre ne soient pas perdues. Bon nombre des leçons tirées de la guerre actuelle avaient déjà été tirées de guerres antérieures, comme l’opération « Tempête du désert ».

    Le chercheur de l'UTSA a également noté que, parallèlement aux taux de survie accrus, davantage de militaires grièvement blessés ont eu accès à des soins chirurgicaux, ce qui suggère qu'il y a eu des améliorations dans les soins hospitaliers. Ce qui manque par rapport aux guerres précédentes, ce sont les données de qualité de survie. « Tempête du désert » s’était accompagnée de cette amélioration de la survie ce qui avait abouti à une notable augmentation de la proportion des soldats très invalides (amputés des 4 membres, éviscérations partielles, perte de la vue…).

    « Mes collègues et moi essayons de diffuser ces leçons dans la littérature scientifique et médicale pour éclairer les politiques militaires de soins traumatologiques pour l'avenir » a ajouté Jeffrey Howard. On parle souvent des morts mais le nombre de blessé reste une notion finalement assez abstraite alors que les invalide de guerre ressentiront pour longtemps dans leur chair et dans leur vie le vrai coût de la guerre.

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