Psychiatrie
Autisme : un développement anormal de l'amygdale serait à l'origine de la pathologie
Le développement d'une région du cerveau, l’amygdale, serait différent chez les personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. La compréhension des mécanismes sous-jacents pourrait permettre d’expliquer nombre de troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques.
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Des chercheurs de l’université de Californie rapportent dans une étude que chez les personnes souffrant de troubles du spectre de l’autisme (TSA), le développement d’un noyau particulier du cerveau, l’amygdale, serait différent des individus neurotypiques*.
Leurs résultats ont été publiés le 20 mars 2018 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
L'amygdale...
L’amygdale est une structure cérébrale régissant le comportement social et émotionnel. Elle est constituée de 13 noyaux qui agissent comme un détecteur de danger et régule notamment l’anxiété.
Sa taille augmente de 40% de la jeunesse à l’âge adulte. Son dysfonctionnement a été associé à de nombreux troubles psychiatriques et neurodéveloppementaux comme les TSA, la schizophrénie, le trouble bipolaire et la dépression.
... une structure cérébrale unique
Selon Cynthia Schumann, auteur principal de l’étude « l’amygdale est une structure cérébrale unique parce qu’elle se développe de façon spectaculaire pendant l’adolescence, plus longtemps que les autres régions du cerveau, à mesure que nous devenons plus mûrs socialement et émotionnellement ». Elle ajoute que « toute déviation de cette voie normale de développement peut profondément influencer le comportement humain ».
En effet la maturation prolongée de l’amygdale sous-tend probablement une intégration fonctionnelle croissante car elle se façonne continuellement via des stimuli externes et module les réponses à un environnement en constante évolution. Des perturbations précoces du développement cellulaire de l’amygdale pourraient conduire à une cascade d’événements neurodéveloppementaux inadéquats affectant toute la trajectoire de maturation.
Identifier ces processus pourrait permettre d’expliquer les troubles neuropsychiatriques et en particulier les TSA. On sait d’ores et déjà que la sévérité des symptômes sociaux et communicatifs de l’individu est positivement corrélée avec l’élargissement de l’amygdale, suggérant une potentielle relation structure-fonction. Par ailleurs les personnes atteintes de TSA montrent également une activation atypique de l’amygdale lors de tâches socio-émotionnelles.
Analyse post-mortem de 52 cerveaux humains
Pour étudier les mécanismes sous-jacents au développement de l’amygdale, l’équipe de chercheurs californiens a étudié 52 cerveaux humains post-mortem, dont 24 de personnes neurotypiques et 28 souffrant de TSA. Ils ont constaté qu’il y avait plus de neurones chez les jeunes enfants atteints de TSA mais qu’en vieillissant, ce nombre de neurones diminuait.
Les chercheurs sont parvenus à démontrer que le nombre de neurones matures dans l’amygdale humaine augmente depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Selon eux, les personnes souffrant de TSA ont un excès initial de neurones matures, suivi d’un déclin à l’âge adulte selon une composante neurodégénérative, contrairement aux personnes neurotypiques dont le nombre de neurones matures dans les noyaux basaux augmente de l’enfance à l’âge adulte.
Variation conséquente du nombre de neurones
Ils ont établi premièrement que le nombre de neurones matures dans l’amygdale en développement augmente en moyenne de 11% de la jeunesse à l’âge adulte. Deuxièmement, ils expliquent que le nombre de neurones de l’amygdale chez les enfants atteints de TSA est initialement supérieur à celui des enfants neurotypiques du même âge, mais qu’à l’âge adulte on retrouve moins de neurones amygdaliens chez les personnes atteintes de TSA.
En pratique, il y a environ 11% de neurones en plus au sein de l’amygdale de très jeunes individus atteints de TSA, et environ 20% de neurones en moins chez les adultes souffrant de TSA. Un mode de croissance altéré expliquerait la détérioration de la fonction de l’amygdale, cette dernière se manifestant par une anxiété accrue et des « déficiences sociales ».
Les chercheurs s’emploient désormais à comprendre comment le nombre de neurones est régulé afin d’identifier le rôle normal de l’amygdale et d'établir comment certaines perturbations contribuent à la pathologie comportementale retrouvée dans de nombreux troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques.
* neurotypique : terme créé par la communauté autistique pour qualifier les gens qui ne sont pas atteints par des troubles du spectre autistique.











