Gynéco-obstétrique
Diabète : allaiter au moins 6 mois protège les femmes contre le diabète
Une grossesse, même normale, provoque des changements métaboliques : un état insulino-résistant reflété par des fluctuations plus marquées de la glycémie postprandiale, de l’hypertriglycéridémie et de l’insulino-sécrétion. Une nouvelle étude américaine montre qu’allaiter protège contre la survenue d’un diabète.
- Artranq/istock
En temps normal, l'allaitement fait rapidement diminuer les triglycérides circulants dans le sang de la mère, ainsi que le glucose. Parallèlement la sécrétion d’insuline diminue également et mobilise les réserves du tissu adipeux.
De larges études prospectives de femmes d’origine nord-européenne ou asiatique montrent des diminutions relativement faibles du risque de diabète de 3 à 15 % par année de lactation.
L'étude CARDIA a duré 30 ans
L’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Development In Adults), conduite sur 30 ans, est la seule à tenir compte de tous les facteurs qui peuvent interférer avec le résultat : éventuelle obésité avant le début de la grossesse, métabolisme gestationnel, issues périnatales, données socio-démographiques et comportements liés au mode de vie suite à la naissance.
Elle révèle que l’augmentation de l’importance et de la durée de l'allaitement est associée à une baisse de 34 à 57 % du diabète sur 2 ans. Sur les 1 238 femmes suivies ayant déclaré ne pas souffrir de diabète avant leur grossesse, 155 (12,5%) indiquent avoir développé un diabète après la naissance. Par ailleurs l’incidence du diabète est plus élevée chez les femmes noires. Ces résultats ont été publiés dans le JAMA début mars 2018.
Importance de la durée de l'allaitement
En pratique, l’étude CARDIA montre que l’association entre durée de l'allaitement et incidence du diabète chez les femmes en âge de procréer se caractérise par une réduction graduelle du risque variant de 25 % pour 6 mois ou moins, à 47 % pour 6 mois de lactation ou plus.
Dans l’ensemble, les auteurs constatent un excès de risque de diabète associé à l’absence d'allaitement par rapport à 12 mois d’allaitement. Ils précisent que les femmes noires ont à la fois une prévalence de diabète plus élevée et une initiation et durée d’allaitement plus faibles que les femmes blanches ; tout en indiquant que leur essai n’est pas randomisé.
Allaiter est protecteur
Globalement, le diabète de type 2 touche 1,9 % de femmes américaines en âge de procréer (20-39 ans) avec une prévalence 6 fois plus élevée chez les femmes noires (4,7 %) que chez les femmes blanches (0,8 %).
Bien que 41,0 % des femmes noires versus 11,0 % des femmes blanches n’aient jamais allaité, l’association protectrice entre la durée de lactation et le risque de diabète ne diffère pas selon la race. Ceci illustre le fait que la lactation protège contre le diabète via des mécanismes biologiques plutôt que des facteurs culturels ou sociaux.
Plusieurs mécanismes sont impliqués
Selon les chercheurs, plusieurs mécanismes pourraient être impliqués : les femmes allaitantes ont une glycémie plus basse et une sécrétion d’insuline plus faible malgré une production accrue de glucose. Ceci s’explique par le fait qu’environ 50 grammes de glucose par jour sont détournés vers la glande mammaire pour synthétiser du lait.
Des taux de prolactine basaux plus élevés chez les femmes allaitantes préserveraient les cellules bêta pancréatiques, ce qui influencerait le risque futur de diabète. En effet obésité avant la grossesse et traitement par insuline du diabète gestationnel ont été associés à une lactogenèse retardée.
L’hypothèse est qu’une résistance accrue à l’insuline pourrait interférer avec la lactogenèse après l’accouchement.
Recommandations américaines
L’American Academy of Pediatrics et le Collège américain des obstétriciens et gynécologues recommandent d'allaiter pendant un an. Aux Etats-Unis seulement 35% allaitent pendant 6 mois. De manière générale, les taux d’allaitement sont en baisse dans les pays à niveau socio-économique élevé, en particulier en Asie du Sud, actuellement au centre de l’épidémie mondiale de diabète.
La lactation se révèle être une stratégie clef pour la prévention primaire précoce des maladies métaboliques chez les femmes en âge de procréer.











