santé publique
Vacciner contre la gonorrhée, une bonne idée?
Le Royaume-Uni est le premier pays au monde à lancer une campagne de vaccination contre la gonorrhée dans les groupes à risque. Un article du British Medical Journal pointe les défis à relever.
- Md Saiful Islam Khan/iStock
Au Royaume-Uni, en août 2025 a été déployé le premier programme de vaccination contre la gonorrhée au monde dans un contexte de résurgence des infections à Neisseria gonorrhoeae et d’augmentation des souches résistantes aux antibiotiques. Un article publié par le BMJ Public health lessons in equity for the United Kingdom’s gonorrhoea vaccine launch en tire les principaux enseignements.
Ce programme ne repose pas sur un vaccin spécifiquement conçu contre la gonorrhée, mais sur une utilisation élargie du vaccin méningococcique B (4CMenB) à savoir le Bexsero qui offre une protection croisée modérée contre la gonorrhée. La protection semble être maximale dans les premières années après la vaccination, avec des estimations pouvant atteindre environ 45 % dans les quatre ans suivant l’injection, puis diminuer progressivement avec le temps. Cette baisse suggère que l’immunité induite n’est pas durable à long terme et qu’un effet de rappel ou d’autres stratégies de prévention restent nécessaires.
Cette stratégie anglaise s'explique par les données statistiques. Les cas de gonorrhée en Angleterre ont atteint plus de 85 000 en 2023, soit le plus haut niveau depuis le début des enregistrements, triplant par rapport à 2012. Ce qui a poussé les autorités sanitaires à agir. Le Joint Committee on Vaccination and Immunisation a recommandé que la vaccination soit offerte aux populations les plus à risque, notamment aux hommes gays, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ainsi qu’à ceux qui ont des antécédents d’infections sexuellement transmissibles (IST).
Une efficacité maximale de 45%
La protection semble être maximale dans les premières années après la vaccination, avec des estimations pouvant atteindre environ 45 % puis diminuer progressivement avec le temps. Cette baisse suggère que l’immunité induite n’est pas durable à long terme et qu’un effet de rappel ou d’autres stratégies de prévention restent nécessaires.
Même si l’efficacité du vaccin 4CMenB contre la gonorrhée est partielle, elle représente une amélioration significative de la prévention des infections dans les groupes à haut risque. Certains modèles suggèrent qu'avec une couverture suffisante, même une protection modérée peut réduire notablement la transmission dans la population ciblée.
Le choix d’utiliser un vaccin déjà autorisé pour une autre maladie (méningite B) illustre aussi une stratégie de santé publique pragmatique face à l’urgence d’une menace croissante de résistance aux traitements antibiotiques, pour laquelle des options thérapeutiques efficaces se raréfient.
L’article mentionne toutefois plusieurs défis persistant.L’efficacité limitée du vaccin contre la gonorrhée reste inférieure à celle observée pour des vaccins classiques contre d’autres infections. La communication doit être claire et accessible afin d'encourager la prise en charge préventive sans alimenter la stigmatisation. Dans le même temps, il est nécessaire de cibler les populations les plus à risque, à plus forte incidence d’infection afin d’optimiser l’impact de la vaccination. Cette approche reconnaît que les risques d’exposition et de transmission ne sont pas homogènes dans la population générale. Enfin, cette campagne offre l'opportunité de combattre les inégalités en matière de santé. Il est essentiel de s’assurer que toutes les personnes à risque aient un accès équitable à la vaccination et aux services de santé sexuelle. Cela implique de travailler avec des services communautaires et des cliniques spécialisées pour atteindre des populations souvent marginalisées ou moins bien desservies par les systèmes de santé traditionnels.
L’article recommande de suivre attentivement l’impact réel du programme sur l’incidence des infections et l’apparition de résistances aux antibiotiques. Les données de surveillance permettront d’ajuster les critères d’éligibilité et les recommandations au fil du temps.
Autre limite, le programme de vaccination au Royaume-Uni n’élimine pas complètement l’infection. Il diminue le risque, mais ne remplace pas les barrières ou le traitement si l'infection survient.
Vaccin contre traitement
Cette campagne de vaccination est toutefois loin de faire consensus. En juin dernier l’association française VIH.org pointait la persistance probable de la bactérie au sein de l’organisme. Le portage persiste même si le vaccin protège contre l’infection. Enfin la protection ne se prolonge pas au-delà de cinq ans.
Surtout l'article a été rédigé avant l’autorisation par la FDA de deux nouveaux traitements oraux très efficaces face à des souches résistantes. Quel sera alors l’impact de cette vaccination à l'efficacité limitée ?











