Cardiologie

Insuffisance coronaire : la monothérapie inhibiteur de P2Y12 fait mieux que l’aspirine à long terme en post-stent

Selon une méta-analyse, une fois la double anti-agrégation (DAPT) post-angioplastie + stent (PCI) achevée, arrêter l’aspirine plutôt que l’inhibiteur P2Y12, réduirait durablement les événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires tout en préservant un profil hémorragique identique.

  • PhonlamaiPhoto/istock
  • 10 Jun 2025
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    Chez les patients ayant eu une angioplastie coronarienne percutanée avec mise en place d'un stent actif (PCI) suivi un traitement antiplaquettaire double (DAPT) de 6 à 12 mois, la monothérapie par aspirine est la principale stratégie recommande pour réduire à long terme la survenue d'événements ischémiques majeurs.

    Une méta-analyse sur données individuelles (cinq essais randomisés, plus de 90 % de stents actifs de dernière génération) publiée dans The BMJ, et qui a colligé 16 117 patients ayant eu une angioplastie + stent (PCI) pour insuffisance coronaire et achevé une période de double anti-agrégation (DAPT) de 6 à 12 mois.

    Après un suivi médian de 1 351 jours, soit 5,5 ans, durée inédite dans ce domaine, la monothérapie par inhibiteur de P2Y12 (clopidogrel 75 mg/j ou ticagrélor 90 mg deux fois par jour) abaisserait de 23% l’incidence des évènements cardiologiques majeurs du critère composite MACE (mort cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC) par rapport à l’aspirine 75-160 mg/j : HR 0,77 (ICà 95 % 0,67-0,89 ; p < 0,001).

    Réduction significative du risque d’évènements cardiovasculaires majeurs

    Le bénéfice est similaire sur les critères secondaires : diminution de 25 % des infarctus du myocarde (HR 0,75 ; 0,63-0,88) et de 24 % des AVC (HR 0,76 ; 0,59-0,98), ainsi que recul de 20 % du composite net réunissant ischémie et saignement majeur (HR 0,80 ; 0,71-0,90). La thrombose de stent très tardive, bien que rare, est également moins fréquente (HR 0,64).

    Ce bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes de patients. Les analyses de sous-groupes (âge ≥ 75 ans, sexe, syndrome coronarien aigu ou stable, diabète, insuffisance rénale, dose initiale d’aspirine, prise d’IPP, type d’inhibiteur) n’ont révélé aucune interaction significative, soulignant la constance de l’effet.

    Aucun excès d’hémorragie majeure n’a été observé (HR 1,15 ; 0,69-1,92), même si les saignements mineurs tendaient à augmenter (HR 1,14 ; p = 0,06), tendance atténuée dans l’essai HOST-EXAM.

    Une méta-analyse sur données individuelles de 5 grands essais randomisés

    Les données, anonymisées puis harmonisées, ont été agrégées via un modèle mixte « one-stage » – préservant la variabilité inter-individuelle – puis corroborées par des approches « two-stage » et des ajustements multivariables, éliminant pratiquement l’hétérogénéité pour MACCE (τ² ≈ 0). Trois essais (GLASSY, STOPDAPT-2, HOST-EXAM) menés entre 2012 et 2021 reflètent la pratique contemporaine, tandis que les plus anciens CAPRIE et ASCET n’ont pas infléchi les analyses de sensibilité.

    Les limites résident dans la sous-représentation féminine, l’absence de prasugrel, l’hétérogénéité non élucidée des saignements mineurs et la fiabilité moindre des définitions anciennes du saignement.

    Un changement de paradigme

    Selon les auteurs, après 6 à 12 mois de DAPT, passer à une monothérapie anti-P2Y12 plutôt qu’à l’aspirine permet d’éviter un événement ischémique majeur pour 46 patients traités sur 5,5 ans, sans risque hémorragique accru. Ce rapport bénéfice/risque plus favorable que la prolongation du DAPT ou l’adjonction de rivaroxaban faible dose devrait conduire à une révision prochaine des recommandations européennes et nord-américaines, avec une individualisation chez les sujets très âgés, polypathologiques ou porteurs de stents complexes.

    Sur plus de cinq ans de recul, ces données bousculent le paradigme d’une prévention secondaire encore centrée sur l’aspirine après angioplastie. Les travaux futurs devront explorer la variabilité pharmacogénétique du clopidogrel, la place du prasugrel en monothérapie et l’optimisation de la durée de traitement chez les patients à haut risque hémorragique, afin de guider l’adoption en routine clinique.

     

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