Neurologie
Alzheimer : nouvelle étude en faveur de l’implication de l’herpès buccal HSV-1
Une infection symptomatique par HSV-1 est significativement associée à un risque accru de maladie d’Alzheimer. Le traitement par antiherpétiques chez les patients exposés à HSV-1 réduirait ce risque de façon significative.

- Sinenkiy/istock
La démence touche 35,6 millions de personnes dans le monde, dont 60 %–80 % relèvent de la maladie d’Alzheimer (MA), et impose un fardeau économique de 305 milliards de dollars en 2020. Les agrégats de protéines amyloïde-β et tau demeurent des biomarqueurs pathologiques clés, mais le rôle potentiel des agents infectieux, notamment les herpesvirus, suscite un intérêt croissant. Le HSV-1, très prévalent (> 66 % de la population âgée de 0–49 ans), peut induire en modèle murin l’accumulation d’Aβ et des altérations neurodégénératives dose-dépendantes.
Les données cliniques antérieures, issues de bases administratives de Taiwan, Suède et France, suggèrent une réduction du risque de démence sous antiherpétiques. Cette étude cas-témoins appariée (1:1), publiée dans BMJ Open, a extrait 344 628 paires « maladie d’Alzheimer / témoin » (≥ 50 ans, 2006–2021) de la base IQVIA PharMetrics Plus. Le diagnostic antérieur de HSV-1 était présent chez 0,44 % des cas vs 0,24 % des témoins : une infection symptomatique par HSV-1 serait donc significativement associée à un risque accru de maladie d’Alzheimer, avec un odds ratio ajusté de 1,80 (IC à 95 % 1,65–1,96).
Les antiherpétiques associés à une réduction significative du risque
L’analyse par tranches d’âge révèle un risque maximal chez maladie d’Alzheimer plus de 75 ans. Les anticorps anti-HSV-1 et l’HSV-2/VZV seraient également corrélés à la MA, suggérant un impact commun des herpesvirus neurotrope.
Parmi les sujets HSV-1 positifs, l’exposition aux antiherpétiques (aciclovir, valaciclovir…) est associée à une réduction significative du risque de maladie d’Alzheimer (HR ajusté 0,83; IC à 95 % 0,74–0,92). Aucune nouvelle préoccupation de tolérance n’a émergé dans les bases de données de remboursements médicamenteux, hormis les effets indésirables connus des antiviraux.
Une nouvelle étude en faveur de l’hypothèse du rôle causal de HSV-1
Ces résultats proviennent d’une étude observationnelle rétrospective basée sur des données de remboursement (IQVIA PharMetrics Plus), couvrant essentiellement des patients assurés par des plans privés (sous-représentation possible des plus de 65 ans qui sont en Medicare) et ne capturant que les infections cliniquement diagnostiquées.
Le couplage cas-témoin (âge, sexe, région, entrée en base, nombre de visites) limite les biais de sélection, mais l’absence de données sur les infections asymptomatiques et l’intervalle entre infection et diagnostic de MA restreint la quantification précise de l’exposition virale.
Selon les auteurs, ces observations confortent l’hypothèse d’un rôle causal de HSV-1, un virus neurotrope, dans la physiopathologie de l’amyloïdose cérébrale et posent la question de la prévention primaire et secondaire par antiviraux. En pratique, il serait justifié de surveiller l’historique d’infection à HSV chez les patients à risque (famille de démence) et envisager, dans le cadre de protocoles contrôlés, un traitement antiviral précoce ou prophylactique chez les porteurs symptomatiques, dans le cadre de protocoles. Il paraît intéressant d’intégrer HSV-1 dans les panels de biomarqueurs explorés pour le risque de maladie d’Alzheimer.
Sur le plan de la recherche, des essais randomisés évaluant l’impact d’un traitement antiviral prolongé sur l’incidence de la MA sont nécessaires, tout comme des études mécanistiques clarifiant l’interaction entre HSV-1, Aβ, inflammation neuro-inflammatoire et ApoE-ε4. La caractérisation de la charge virale cérébrale et l’imagerie moléculaire ciblant l’Aβ en contexte d’infection virale pourraient éclairer de nouveaux axes thérapeutiques.