Infectiologie
Covid-19 et durée de la protection : l'immunité pourrait persister pendant des années
La persistance de cellules B mémoire dans la moelle osseuse des personnes qui ont été infectées par le virus garantit une immunité durable, même en cas de baisse des taux des anticorps anti-protéine S dans le sang. Cette protection serait encore améliorée par un rappel vaccinal.
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Les personnes infectées par la Covid-19 ont un risque de réinfection nettement réduit (de l’ordre de 20%), et dans la grande majorité des cas c'est une infection modérée. Néanmoins, la décroissance rapide des anticorps sériques anti-SARS-CoV-2 au cours des premiers mois suivant l'infection a fait craindre que les lymphocytes B mémoire, à longue durée de vie, ne soient pas générés et que l'immunité humorale contre ce virus soit de courte durée.
Selon deux nouvelles études, l'immunité contre le coronavirus persisterait au moins un an, voire toute une vie et la plupart des personnes guéries après Covid-19 et particulièrement celles qui ont été vaccinées ensuite n'auraient pas besoin de rappels, y compris en cas de variant plus contagieux.
En revanche, les personnes uniquement vaccinées et qui n'ont jamais été infectées pourraient très probablement avoir besoin d’un rappel, tout comme la minorité de personnes qui ont été infectées mais n'ont pas produit une réponse immunitaire robuste.
Deux études avec un an de recul
Les deux études ont porté sur des personnes qui ont été infectées par le SARS-CoV-2 un an auparavant. Selon l'une des études sur 77 malades, publiée dans la revue Nature, les cellules B mémoire persisteraient dans la moelle osseuse, même après réduction des taux d'anticorps sériques, et seraient capables produire des anticorps en cas de nouvelle exposition. Le niveau de protection contre le coronavirus obtenu serait élevé malgré la baisse des taux d’anticorps après la résolution de l’infection : le myélogramme obtenu chez 5 malades révèle que le nombre de cellules B mémoire reste stable dans la moelle à un an.
L'autre étude, encore en pre-print sur BioRxiv, montre sur 63 anciens malades, dont 26 ont reçu ultérieurement une dose de vaccin Pfizer-BioNTech, que ces cellules B mémoire affineraient ensuite leur réponse, jusqu'à au moins 12 mois après l'infection initiale. Au fur et à mesure de leur évolution, les anticorps qu'elles produisent acquerraient la capacité de neutraliser un groupe encore plus large de variants. De plus, la vaccination amplifierait considérablement les niveaux de réponse anticorps, multipliant par 50 la capacité de neutralisation de l'organisme.
Des coronavirus évolutifs
La raison pour laquelle nous sommes infectés chaque hiver par des coronavirus communs tout au long de notre vie, tout en faisant des infections très modérées, pourrait être surtout en rapport avec l’apparition de variants de ces coronavirus hivernaux qu'avec l'immunité.
Les cellules B mémoire produites en réponse à l'infection par le SARS-CoV-2 et renforcées par la vaccination seraient si puissantes qu'elles seraient capable de contrecarrer les formes les plus sévères des variants du SARS-CoV-2, rendant inutile le recours à des rappels, selon des spécialistes de la maturation de la mémoire immunitaire.
Cependant, ce résultat pourrait ne pas s'appliquer à la protection acquise uniquement par la vaccination, car la mémoire immunitaire serait susceptible de s'organiser différemment après la vaccination, par rapport à celle qui suit une infection naturelle. Des études sont nécessaires dans ce cas.
La baisse des anticorps est naturelle
Lors de la première rencontre d’un organisme avec un virus, les cellules B prolifèrent rapidement et produisent des anticorps en grande quantité. Une fois l'infection aiguë résolue, un petit nombre de ces cellules vont dans la moelle osseuse pour y servir de cellules mémoire, et elles produisent régulièrement des quantités modestes d'anticorps. Les taux d'anticorps baissent ainsi rapidement quatre mois après l'infection aiguë et continuent à baisser pendant les mois suivants.
Certains scientifiques ont interprété cette baisse des anticorps sériques comme un signe d'affaiblissement de l'immunité humorale, mais c'est pourtant exactement ce à quoi on doit s’attendre en l'absence de réinfection. En effet, un mécanisme de sélection des anticorps sériques se met naturellement en place et réduit la quantité des anticorps qui ne sont plus immédiatement utiles, pour laisser la place à d’autres.
Le taux global des immunoglobulines doit, en effet, rester constant dans le sang. Sinon, le sang contiendrait de grandes quantités de tous les anticorps contre tous les agents pathogènes rencontrés au cours de la vie : sans ce mécanisme d’auto-sélection naturelle, il y aurait une hypergamma-globulinémie galopante et le sang se transformerait rapidement en une soupe épaisse d’anticorps. Au lieu de cela, les taux sanguins d'anticorps chutent après une infection aiguë, tandis que les cellules B mémoire restent dans la moelle osseuse, quiescentes mais prêtes à agir en cas de besoin.
Une réponse immunitaire durable
Dans l'ensemble, ces études montrent qu’une infection par le SARS-CoV-2 induit une réponse immunitaire humorale robuste, spécifique de l'antigène S et à longue durée de vie grâce aux cellules mémoires contenues dans la moelle osseuse. La meilleure situation de protection serait celle d’une infection avec un rappel vaccinal, en l'absence de données équivalente après la vaccination.
Ces résultats peuvent non seulement apaiser les craintes que l'immunité contre le coronavirus soit de courte durée, mais aussi celles liées à l’émergence de nouveaux variants.








