Médicament

"Un mille-feuilles de handicaps" transmis à sa fille : un "papa Dépakine" lance l’alerte

Jean-Marc Laurent accuse la Dépakine, un médicament qu’il a pris avant la naissance de sa fille, d’être responsable de ses multiples handicaps cognitifs : dysphasie, dyspraxie, troubles scolaires... Sur les bases d'une récente étude scientifique, il va porter plainte contre Sanofi.

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  • 28 Novembre 2025
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    Peut-on mettre en danger son enfant à naître sans jamais l’avoir porté ? C’est la question douloureuse que soulève le combat de Jean-Marc Laurent, un père qui affirme que la Dépakine qu’il a prise plusieurs mois avant la conception de sa fille serait à l’origine de ses handicaps. Sur ICI Gironde (ex-France Bleu), il a annoncé qu’il allait porter plainte contre son fabricant, le laboratoire français Sanofi, afin d’"alerter les futurs papas". Il peut désormais compter sur une étude scientifique de grande ampleur, qui confirme pour la première fois les risques.

    Un médicament déjà controversé… chez les mères

    Le valproate de sodium, molécule de la Dépakine, est un traitement antiépileptique bien connu depuis les années 1960. Mais sa réputation est entachée depuis plusieurs décennies : lorsqu’il est pris par des femmes enceintes, il est responsable de malformations (dans 10 % des cas) et de troubles sévères du développement (au moins un cas sur trois), comme l’autisme ou des déficiences intellectuelles. En janvier dernier, la justice avait déjà reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’"insuffisance d’information" donnée aux patientes et aux médecins sur ces risques.

    Aujourd’hui, c’est l’exposition paternelle au valproate qui fait l’objet de soupçons. Publiée le 6 novembre 2025, l’étude du groupement Epi-Phare – Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et Caisse nationale de l'Assurance Maladie – montre une hausse de 24 % des troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père était traité par Dépakine au moment de la conception. Le risque de déficience intellectuelle, lui, serait même doublé, selon cette étude portant sur près de trois millions de naissances recensées entre 2010 et 2015. Philippe Vella, directeur médical de l’ANSM, précise à l’AFP : "Ce sont des conséquences potentiellement lourdes pour l’enfant."

    Faire reconnaître le lien de causalité

    Jean-Marc Laurent, non épileptique de naissance, avait été traité avec la Dépakine après un accident cérébral lié à un parasite attrapé sur le continent africain. À l’époque, il n’avait aucun soupçon. Sa fille Margaux, née en 2008, souffre aujourd’hui d’"un mille-feuille de handicaps cognitifs" : dysphasie, dyspraxie, dysgraphie, difficultés scolaires, et dorénavant, dépression et hospitalisation. "J’ai mis deux ans à lui apprendre à faire de la balançoire", confie-t-il à ICI Gironde. Après des années de doutes, l’étude d’Epi-Phare lui apporte un début de soulagement : "Les scientifiques sont d’accord, ça enlève un peu de la culpabilité que je pouvais avoir."

    Sur les bases de cette étude, le père de famille s’apprête donc à porter plainte contre Sanofi, accompagné de l’avocat Charles Oudin-Joseph, également engagé dans le tristement célèbre dossier du Médiator. Ce dernier défend déjà une dizaine de "papas Dépakine". L’objectif : faire reconnaître le lien de causalité et ouvrir l’indemnisation aux enfants dont le père, et non plus seulement la mère, a été exposé.

    Pour l’heure, Sanofi n’a pas réagi à l’étude Epi-Phare ni à l’annonce de la plainte par Jean-Marc Laurent.

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