Santé au féminin
Chez les femmes, la santé mentale accroit le risque cardiovasculaire
La Fondation Agir pour le Cœur des Femmes alerte sur la nécessité de mieux reconnaître l’impact de la santé mentale sur les maladies cardiovasculaires et le coeur des femmes. Comprendre et agir sur ce lien pourrait sauver des milliers de vies féminines chaque année.
- Par Youssra Khoummam
- Commenting
- tingtingji/istock
Selon les nouvelles recommandations de la Société Européenne de Cardiologie, les troubles psychiques tels que le stress, l’anxiété, la dépression, la bipolarité ou la schizophrénie doivent être considérés comme de véritables facteurs de risque cardiaque.
"La santé mentale n’est pas un simple paramètre de confort. C’est un déterminant majeur de la santé cardiovasculaire, encore trop ignoré", insiste la Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille, cofondatrice de la fondation.
Les études montrent qu’une santé mentale fragilisée augmente de 56 % le risque d’accident cardiovasculaire. Ce danger est particulièrement marqué chez les femmes, plus exposées au stress chronique, aux troubles du sommeil, à la charge mentale professionnelle et familiale, ainsi qu’aux périodes hormonales sensibles.
Le stress chronique est un ennemi silencieux du cœur
Le stress chronique agit en profondeur sur le système cardiovasculaire. Il augmente durablement la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la sécrétion de cortisol. Il favorise l’inflammation, la résistance à l’insuline et la formation de plaques de cholestérol pouvant se rompre.
"Le stress chronique est une véritable bombe à retardement. Il prépare le terrain à la maladie cardiovasculaire en fragilisant tout le système", explique un médecin de la fondation.
Le stress aigu, quant à lui, peut provoquer un accident cardiaque brutal à la suite d’un conflit familial, d’un choc émotionnel ou d’un événement dramatique. Il déclenche parfois un spasme coronaire, une rupture de plaque ou un trouble du rythme potentiellement fatal.
Le syndrome du cœur brisé, symbole d’un cœur vulnérable
Le tako-tsubo, plus connu sous le nom de syndrome du cœur brisé, illustre parfaitement cette interaction entre émotions et cœur. Neuf fois plus fréquent chez les femmes, il survient après un choc émotionnel intense, souvent sur un terrain d’anxiété chronique.
"C’est comme si le cœur se mettait en état de sidération, incapable de fonctionner normalement. Un véritable orage hormonal en est la cause", explique une cardiologue impliquée dans la prise en charge de ces patientes.
L’hospitalisation en soins intensifs et un suivi psychologique adapté sont indispensables pour éviter les récidives.
Après un accident cardiovasculaire, un traumatisme psychique est souvent passé sous silence
Un infarctus, une insuffisance cardiaque ou une dissection artérielle laissent aussi des traces psychologiques. Peur de la mort, anxiété de récidive, fatigue mentale, perte de confiance, difficultés à reprendre le travail ou isolement social sont fréquents.
"Trente pour cent des patients souffrent de dépression après un infarctus, et cette proportion grimpe à 40 % chez les femmes. Une dépression non traitée multiplie par trois le risque de récidive", rappelle la Pr Mounier-Véhier.
La fondation recommande une prise en charge en trois étapes : dépistage psychologique dès l’hospitalisation, discussion avec la famille, puis accompagnement cardio-psy incluant relaxation, méditation, cohérence cardiaque, amélioration du sommeil et, si nécessaire, un traitement médicamenteux de courte durée.
"Le cœur et l’esprit ne peuvent pas être traités séparément. Sauver la vie des femmes, c’est aussi reconnaître ce qu’elles vivent intérieurement"
Les résultats de l’Observatoire National de la Santé des Françaises, basé sur les 20 000 femmes dépistées dans le Bus du Cœur des Femmes, confirment une situation assez inquiétante. 60% des femmes interrogées signalent un état de stress ou de dépression, quel que soit leur milieu social.
Une enquête de 2025 révèle également que 62 % d’entre elles souffrent de troubles du sommeil, contre 48 % des hommes, et que 45 % vivent un stress chronique lié au travail, contre seulement 26 % chez les hommes. Elles sont deux fois plus nombreuses à déclarer une souffrance psychique professionnelle, souvent accentuée par la surcharge mentale familiale.
"Les femmes cumulent les responsabilités, parfois sans soutien suffisant. Leur cœur en subit les conséquences, notamment à des phases hormonales critiques comme la grossesse ou la ménopause", observe une experte de la fondation.
La Fondation Agir pour le Cœur des Femmes appelle à intégrer systématiquement la santé mentale au dépistage cardiovasculaire et gynécologique. Pour la fondation, il est urgent de créer des équipes dédiées, des numéros d’appel d’urgence psycho-cardio, des antennes mobiles de psychiatrie et des parcours de soins interdisciplinaires. "Le cœur et l’esprit ne peuvent pas être traités séparément. Sauver la vie des femmes, c’est aussi reconnaître ce qu’elles vivent intérieurement", conclut la Pr Mounier-Véhier.










