Témoignage patient

FIV : "Beaucoup d’espoir, de dépenses, de solitude… Cette épreuve peut renforcer, mais aussi détruire un couple"

Après avoir appris qu’elle présentait une insuffisance ovarienne, Eugénie et son mari, dont le souhait est de concevoir un enfant, entament un parcours PMA. Dans le cadre du mois de sensibilisation à l’infertilité, elle nous raconte ce long chemin semé d'embûches avec des moments d'attente, de joie et de déception.

  • Jacob Wackerhausen/iStock
  • 21 Novembre 2025
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    "On a attendu un an pour être sûr que quelque que chose n’allait pas", se souvient Eugénie. En 2019, la femme, âgée de 28 ans, et son mari décide de concevoir un enfant. "On en a souvent parlé et cette année-là, j’ai arrêté de prendre la pilule. J’ai tout de suite qu’il y avait un problème." Douze mois plus tard, le couple de longue date consulte leur médecin généraliste. Les deux se voient prescrire des tests hormonaux et sont directement orientés vers un hôpital à Lyon connu pour la procréation médicalement assistée (PMA). "Les examens ont révélé que j’avais un faible niveau d’AMH (Hormone Anti-Müllérienne produite par les tissus reproductifs). J’avais donc une potentielle insuffisance ovarienne." En parallèle, les médecins lyonnais leur font faire un caryotype, à savoir une représentation ordonnée de l'ensemble des chromosomes d'une cellule. Le verdict tombe : "je souffre du syndrome de Turner, une anomalie chromosomique dont je suis la seule porteuse dans ma famille. Cette maladie génétique serait responsable de l’insuffisance ovarienne."

    En pleine épidémie de Covid-19, le couple fait, par la suite, plusieurs consultations par vidéo. "C’était très étrange. À l’autre bout du fil, on nous informe que notre dossier va passer en commission pour identifier les différentes options pour nous aider à concevoir un enfant. Quelque temps après, je reçois un e-mail indiquant que l’on doit se tourner vers une fécondation in vitro (FIV) intra couple, plus précisément vers un don d’ovocytes." Pour rappel, cette technique consiste à féconder un ovocyte avec un spermatozoïde "in vitro", c’est-à-dire en dehors du corps de la femme, puis à implanter l’œuf fécondé dans l’utérus. Dans le cas de la patiente, elle doit être réalisée avec le sperme de son compagnon et l’ovule congelé d’une donneuse anonyme. "C’était un choc pour nous. Tout d’un coup, on se retrouve dans un service PMA sans explication. On n’imaginait pas cette issue, mais on s’est direct mis en ‘mode machine’. On a directement demandé 'à quelle porte faut-il toquer ?'."

    FIV : "On revient à la case départ. On est de nouveau inscrit sur la liste d’attente. C’est reparti pour 24 mois."

    Par la suite, le couple rencontre un embryologiste et est inscrit sur une liste d’attente pour le don d’ovocytes. "On doit attendre 18 à 20 mois. Durant ce rendez-vous, le spécialiste nous présente les autres options possibles. La première mise en avant est la FIV à l’étranger. On nous explique que les coûts sont plus élevés, mais les délais sont moins longs. En Espagne ou en République Tchèque, les donneurs sont plus nombreux, car ils sont 'dédommagés' pour cet acte. Ensuite, l’embryologiste nous parle de l’adoption." Début 2021, Eugénie et son mari enclenchent le processus d’adoption. En fin d’année, "c’est bon pour le don, celui de ma belle-sœur ! Cinq jours après la mise en culture des gamètes, un embryon s’est développé. En janvier 2022, on fait le transfert. Plus tard, une prise de sang révèle une grossesse. À ce moment-là, c’est beaucoup de joie." Mais, une semaine plus tard, elle souffre de douleurs. "C’était en réalité une grossesse extra-utérine. On m’opère donc directement et on revient à la case départ. On est de nouveau inscrit sur la liste d’attente. C’est reparti pour 24 mois."

    Durant ces moments compliqués, la femme, exerçant dans le secteur du BTP, ne se confie pas à ses proches. "On est très pudique dans ma famille, donc au début, je n’en parlais pas. J’ai mis du temps à le faire, mais même après avoir abordé le sujet, j’ai eu assez peu de soutien. Pareil pour nos amis, on n’en discutait pas, car on n’avait pas forcément envie qu’ils entrent dans notre intimité." Elle garde alors tout pour elle. "Le suivi psychologique est arrivé après." Bien que cela ait été recommandé dès le début par les professionnels de santé, la trentenaire prend du temps pour consulter une psychologue de l’hôpital lyonnais. "Je n’avais pas envie, car j’avais plein de clichés en tête, comme le fait qu’aller voir un psychologue c’était pour les fous. Finalement, je ne regrette pas du tout de l’avoir fait. On l’a vu minimum une fois par mois durant cette épreuve." Au cours de l’année 2022, ils obtiennent l’agrément en vue d'adoption. "On sait que ce chemin est aussi difficile. Dans le cadre d’une PMA, l’objectif est de concevoir un enfant. Pour l’adoption, on cherche des parents pour un enfant. Ce n’est pas du tout la même chose !"

    "J’avais espoir, mais l’embryon ne s’est pas accroché"

    Un an après, le couple, toujours sur liste d’attente en France, prend la décision d’aller en République Tchèque pour un don d’ovocytes, dont le coût est estimé à "environ 8.000 euros. C’était très bizarre, car on prend l’avion pour une FIV. Sur place, on reste une semaine, donc on visite la ville. Pourtant, l’objectif premier n’était pas le tourisme. C’était particulier et surtout stressant !" Au bout de cinq jours, la clinique leur annonce le développement de trois ou quatre embryons, dont un est introduit dans l’utérus par voie vaginale. "J’avais espoir, mais l’embryon ne s’est pas accroché. On y retourne alors une deuxième fois. Cette fois, l’embryon s’est accroché, mais n’a pas tenu." En parallèle, la patiente demande, en France, le remboursement des soins faits à l’étranger, car le médecin tchèque lui donne "gentiment une double ordonnance. Pour se faire rembourser de 1.492 euros, il faut vraiment le vouloir ! C’est une bataille assez inégale, car tout le monde n’est pas sûr d’en bénéficier."

    Famille, amis, collègues : "Chaque annonce de grossesse est de plus en plus dure à encaisser"

    Durant l’année 2023, elle ressent davantage le poids psychologique du parcours PMA. "On était les premiers à vouloir des enfants dans notre entourage et finalement on est désormais les seuls à ne pas en avoir. Chaque annonce de grossesse, que ce soit du côté de nos amis ou de notre famille, est de plus en plus dure à encaisser. C’est assez perturbant, car on est très heureux pour eux, mais on ressent en même temps de la haine. Au fil des années, certains proches ne parlaient plus de leur grossesse par peur de nous blesser. On finissait par s’éloigner et se retrouver seul. Dans ces moments-là, le suivi psychologique et les groupes de parole aident beaucoup", explique la femme qui s’est tournée vers l'association Collectif BAMP ! et est ensuite devenue bénévole.

    Au travail, elle n’évoque également pas ces nombreuses épreuves, car "je ne me suis jamais sentie à l’aise de le faire. Je faisais donc en sorte de prendre mes rendez-vous médicaux très tôt, à 7 heures, ou sinon je posais des congés, j’avais une autorisation d’absence, donnée par un centre de PMA, ou un arrêt maladie afin d’aller à l’étranger pour la FIV. C’était une grosse logistique. De plus, je devais prendre les traitements, qui augmentaient la fatigue, mais aussi gérer les annonces de mauvais résultats ou de grossesse des collègues au bureau. C’était difficile." En outre, durant son parcours, elle découvre qu’elle est atteinte d’endométriose après avoir fait un examen visant à vérifier la perméabilité des trompes. Mais, déterminé, le couple se dirige de nouveau, en janvier 2024, vers la République Tchèque pour une FIV avec un nouveau don. "Ça n’a pas marché. On est aussi allé en Espagne, mais les interventions n’ont pas été concluantes."

    Parcours PMA : "Notre envie de concevoir un enfant est sans cesse remise en question"

    Sept mois plus tard, l’hôpital lyonnais informe Eugénie et son mari du développement de deux embryons grâce à un don d’ovocytes. "Pour le premier essai, douche froide encore. J’ai subi une fausse couche très précoce. Quant au deuxième transfert, il n’a pas abouti. À ce moment-là, on n’était pas loin de se séparer avec mon mari, car il n’en pouvait plus. Durant cette démarche viscérale, on est malmené. Notre envie de concevoir un enfant est sans cesse remise en question. On peut donc vriller ! Ce parcours, c’est beaucoup d’espoir, de dépenses, de solitude, d’années mais également d’enjeux pour le couple. On a beau être très fort, cette épreuve peut renforcer les liens, mais aussi les détruire", souligne la patiente aujourd’hui âgée de 34 ans.

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