Onco-Dermato

Mélanome : actualisation des recommandations EADO 2022

Alors que l’incidence du mélanome est toujours en augmentation, des experts européens ont collaboré pour consensualiser la gestion de cette pathologie.

  • Frank Brennan/iStock
  • 13 Déc 2022
  • A A

    L’actualisation des recommandations européennes 2022 sur le mélanome est issue d’une collaboration entre différentes instances européennes qui sont l’EADO (European Association of Dermato-Oncology), l’EDF (European Dermatology Forum) et l’EORTC (European Organization for Research and Treatment of Cancer) regroupant 28 experts et s’appuyant sur les données les plus récentes de la littérature ainsi que sur l’expérience de ces experts européens.

    Sur le plan épidémiologique, les données récentes sont en faveur une incidence croissante du mélanome dans le monde entier, particulièrement dans les régions où l’exposition solaire est importante. Celle-ci est toujours majeure en Australie.

    Diagnostic du mélanome

    Le diagnostic de mélanome est suspecté à l’examen clinique et dermoscopique et est confirmé histologiquement par l’exérèse complète de la lésion. La microscopie confocale augmente la spécificité du diagnostic pour les lésions difficilement évaluables en dermoscopie et permet de mieux définir l’extension clinique de la tumeur. Son intérêt est majeur pour les lésions étendues de la face, posant un problème diagnostic et thérapeutique (marges).

    Il est intéressant de noter que 45% des mélanomes ont une mutation BRAF et sont situés sur le tronc avec une faible exposition aux UV. Par ailleurs, 20% des mélanomes sont mutés NRAS, il s’agit principalement de ceux situés sur le crâne et la face. Ces deux mutations sont mutuellement exclusives. Les mutations cKIT sont les moins fréquentes, principalement retrouvées dans les mélanomes muqueux et acrolentigineux. Enfin, 3% des mélanomes sont des mélanomes de primitif inconnu.

    Les caractéristiques histopronostiques sont : le Breslow (épaisseur verticale (en mm)), la présence d’une ulcération, l’indice mitotique et le niveau d’invasion de Clark.
    Chez les patients métastatiques, les facteurs pronostics clinique sont : la présence de métastase cérébrale et hépatique, le nombre de sites métastatiques et le taux de LDH.
    Le génotypage du mélanome, particulièrement le statut BRAF est impératif dès le stade III et doit être proposé pour les stades IIB/C pour lesquels le risque de rechute est important (essais adjuvants actuellement disponibles).

    Il n’y a actuellement pas de biomarqueurs prédictif validé et utilisé en pratique courante. L’évaluation du TMB (charge mutationnelle tumorale), l’évaluation du profil génétique via des plateformes spécialisées ou bien les biopsies liquides, sont autant d’outils prometteurs dans la compréhension des résistances aux traitements.

    Stadification du mélanome

    La classification des mélanomes se base sur l’AJCC 8 de 2017 (TNM et stadification). Une évaluation clinique, par un examen clinique cutané et dermoscopique complet et une palpation des aires ganglionnaire, est toujours nécessaire quelque-soit le stade de la maladie.

    Il n’est pas recommandé d’exploration complémentaires pour les stades Ia (breslow < 0,8 mm non ulcéré). Une échographie ganglionnaire, de l’air de drainage et de la cicatrice est indiquée dès le stade pT1b, c’est-à-dire breslow < 0.8 mm ulcéré ou entre 0,8 et 1 mm. En cas d’adénopathie à l’échographie l’envahissement ganglionnaire doit être confirmé par une biopsie.

    Dans le cas où le breslow est entre 0,8 et 1 mm avec des facteurs de mauvais pronostic dont l’ulcération > 1 mm, la technique du ganglion sentinelle est proposée afin de détecter des micro métastases. La réalisation d’un PET scanner et d’une IRM cérébrale peut être réalisée dès le stade IIB : breslow > 4 mm et est recommandée au stade III. Le dosage des LDH est recommandé au stade IV. 
     

    Traitement du mélanome

    - Prise en charge de la lésion primitive

    Le traitement du mélanome primitif est la chirurgie. La lésion doit être initialement retirée dans sa totalité avec des marges de 1 à 3 mm pour une évaluation complète des caractéristiques de la tumeur. Cependant, en cas de lésion étendue il est nécessaire d’avoir une confirmation histologique du diagnostic, même partielle avec une biopsie, pour justifier une prise en charge chirurgicale lourde ou discuter des alternatives thérapeutiques. Il est contre indiqué de réaliser des traitements destructeurs pour le traitement d’une lésion cutanée si un diagnostic de mélanome ne peut être exclus.

    Une fois le diagnostic confirmé, une reprise avec des marges adaptées au breslow est indiqué pour diminuer le risque de rechute locale: in situ : 5 mm ; ≤ 2 mm : 1 cm ; > 2 cm ; 2cm.

    Des marges plus étroites peuvent être considérées pour les localisations à risque de préjudice fonctionnel ou esthétique. Elle doit être réalisée dans les 4 à 6 semaines suivant le diagnostic et concomitamment au GS si indiqué.

    Dans le cas du mélanome de Dubreuil ou des lésions génitales, un examen par microscopie confocale permettrait de mieux délimiter l’extension clinique de la lésion et la chirurgie micrographique permet de réséquer la lésion avec des marges plus étroites tout t’en s’assurant du caractère complet de l’exérèse.

    - Prise en charge des mélanomes stade III (atteinte ganglionnaire ou nodule en transit)

    Dans le cas où une micrométastase est détectée par la technique du ganglion sentinelle, le curage ganglionnaire n’est pas indiqué. Il n’est indiqué que si une macrométastase ganglionnaire (clinique ou radiologique) est détectée et confirmée par la biopsie ganglionnaire. Ces patients pourront bénéficier d’un traitement adjuvant par immunothérapie (stade IIIA-IV réséqué avec micrométastase ≥ 1 mm) ou une thérapie ciblée (stade IIIA avec micrométastase ≥ 1 mm-IV réséqué) si la présence d’une mutation BRAF est confirmée.

    En cas de stade IIIA avec micrométastase < 1 mm, le bénéfice/risque d’un traitement adjuvant doit être discuté avec le patient. Les données récentes de l’essai clinique pembrolizumab néoadjuvant versus prembolizumab adjuvant ont montré une amélioration significative de la survie sans rechute à 2 ans en faveur du traitement néoadjuvant (72% vs 49%) ce qui amène à reconsidérer nos pratiques concernant la prise en charge des patients stade IIIB-IV résécables (Patel et al. ESMO 2022). En cas de macrométastase ganglionnaire, il conviendra de privilégier une inclusion dans un essai clinique néoadjuvant. 

    - Prise en charge des mélanomes avancés (non opérables ou métastatiques)

    Le traitement du mélanome avancé repose en première intention sur l’immunothérapie. Une double immunothérapie par ipilimumab 3 mg/kg + nivolumab 1 mg/kg si l’état général du patient le permet et si le mélanome à des facteurs de mauvais pronostique ou anti PD-1 monothérapie. Le choix entre anti-PD1 + anti-CTLA4 ou anti-PD1 seul doit être discuté en RCP. La double immunothérapie est à privilégier pour les mélanomes muqueux et en cas de métastases cérébrales.

    Dans certains cas particuliers (LDH élevés, charge tumorale importante, progression rapide de la maladie ou localisations menaçantes) l’association anti-BRAF/anti-MEK peut être proposée en première ligne comme une alternative à l’immunothérapie chez les patients mutés BRAF. Elle peut être également une option thérapeutique en seconde ligne chez les patients présentant un mélanome muté BRAF résistants à l’immunothérapie.

    Le TVEC est une option possible pour les mélanomes localement avancés mais la molécule n’est pas disponible en France. Dans tous les cas, il conviendra de privilégier une inclusion dans un essai clinique. La chimiothérapie peut également être proposée si l’état général du patient le permet, en cas d’échec de l’immunothérapie/thérapie ciblée et en l’absence d’inclusion possible dans un essai.

    Le tebentafusp est le traitement de référence des mélanomes uvéaux ayant une positivité du HLA A0201.
    En cas de métastases cérébrale, la radiothérapie stéréotaxique sur les lésions est indiquée.

    Surveillance

    Une surveillance spécifique clinique afin de dépister une récidive et un nouveau primitif doit être réalisée pendant au moins 5 années de façon rapprochée avant d’être espacée.

    L’échographie des aires ganglionnaires de drainage représente la meilleure méthode pour détecter des adénopathies infra cliniques en comparaison à la palpation clinique, au scanner ou même au PET TDM. Elle est recommandée pour tout mélanome pT1b basée sur les recommandations récentes. Un suivi par imagerie corps entier est recommandée dès pT4b. Un suivi type est proposé dans le tableau suivant :

    Stade Examen dermatologique Echographie ganglionnaire

    Examens biologique
    (LDH, S100)

    Imagerie corps entier
    (cTAP/PET TDM-IRMc)

    Années

    1-3 4-10 >10 1-3 4-10 1-3 4-10 1-3 4-10

     

                     
    IA 6
    mois
    12
    mois
    12
    mois
    / / / / /

    /

                     

     

    IB-IIB 3-6
    mois
    6
    mois
    12
    mois
    6
    mois
    / 3-6
    mois
    / / /
                       
    IIC-IIIC 3
    mois
    6
    mois
     12
    mois
    3-6
    mois
    3-6
    mois
     /  6
    mois
                       
    IIID 3
    mois
    6
    mois
    12
    mois
    3-6
    mois
     3-6
    mois
     6
    mois
                       

    IV réséqué ou CR
    post-traitement

    3
    mois
    6
    mois
    12
    mois
    3-6
    mois
    3-6
    mois 
    3-6
    mois 

     

                     
     IV métastasique Suivi individuel : dépend de l'examen clinique, des traitements, des symptômes, généralement, re-évaluation tumorale toutes les 12 semaines    

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF