Rhumatologie

Lupus : une dose d’hydroxychloroquine qui pourrait être évolutive

Les doses quotidiennes d'hydroxychloroquine actuellement recommandées seraient insuffisantes pour prévenir les poussées de lupus et les hospitalisations. Il faudra vraisemblablement ajuster les doses au stade de la maladie

  • BartekSzewczyk/istock
  • 14 Nov 2022
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    Compte tenu de la crainte d'une altération de la vision en rapport avec un dépôt rétinien, l'American Academy of Ophthalmology a recommandé en 2011 une dose quotidienne d'hydroxychloroquine limitée à moins de 6,5 mg par kg et par jour de poids corporel idéal. Ces recommandations ont encore évolué en 2016 pour réduire la posologie de ce traitement pivot en continu à moins de 5 mg par kg et par jour.

    Dans une étude présentée au congrès de l’American College of Rheumatology, l'ACR Convergence 2022, chez les patients atteints de lupus érythémateux disséminé, des doses plus faibles d'hydroxychloroquine augmentent le risque d'hospitalisation en rapport avec une poussée que cette dose ne préviendrait donc pas suffisamment.

    Les chercheurs concluent que ces résultats devraient inciter les experts à reconsidérer les recommandations actuelles de dosage de l'hydroxychloroquine en fonction du poids, qui ont fait que certains patients atteints de lupus reçoivent moins de 400 mg par jour. Ils posent la question de l’ajustement des doses en fonction du stade de la maladie.

    Les doses les plus faibles donnent plus de poussées

    Selon les chercheurs, parmi les 2 971 patients souffrant de lupus qui recevaient de l'hydroxychloroquine, 576 ont eu au moins une hospitalisation avec un diagnostic de lupus. Parmi ces patients, 108 ont été hospitalisés pour une poussée de lupus alors qu'ils prenaient de l'hydroxychloroquine.

    L'hydroxychloroquine à faible dose (< 5 mg/kg/j), administrée à des doses ajustées sur le poids (aOR = 4,41 ; IC à 95%, 1,5-12,98), est associée à une augmentation des hospitalisations pour poussées de lupus par rapport à des doses non-ajustées sur le poids (aOR = 3,48 ; IC à 95%, 1,33-9,13).

    Les patients lupiques (en majorité des femmes), traités avec les doses les plus faibles d’hydroxychloroquine auraient donc le risque d'hospitalisations pour des poussées de lupus le plus élevé.

    Une étude cas-témoin sur la cohorte du Mass Gen Hospital

    Pour examiner l'impact de la dose d'hydroxychloroquine sur le risque d'hospitalisation en rapport avec une poussée de lupus, les chercheurs du Massachusetts General Hospital et du Brigham and Women's Hospital ont mené une étude cas-témoin au sein de la cohorte Mass General Brigham SLE. À l'aide d'un algorithme, les chercheurs ont inclus les patients atteints de lupus qui ont eu au moins une visite pour cette maladie, et à qui on a prescrit de l'hydroxychloroquine, entre janvier 2011 et décembre 2021.

    Parmi ces patients, les chercheurs ont identifié ceux qui ont été hospitalisés au cours de cette période avec « lupus érythémateux disséminé » comme code de diagnostic principal de sortie. Ils ont ensuite examiné chaque dossier d'hospitalisation et ont exclu ceux dont l'indication n'était pas liée au lupus.

    Les patients ayant été hospitalisés au moins une fois pour une poussée de lupus alors qu'ils étaient traités par hydroxychloroquine (dose ajustée au poids) ont été inclus dans l'étude cas-témoin. Les chercheurs ont défini les périodes de cas comme étant les 6 mois précédant une hospitalisation pour une poussée de lupus.

    Une plus grande variabilité des doses ?

    Selon les auteurs, les résultats de cette étude suggèrent que les recommandations ophtalmologiques actuelles de dosage de l'hydroxychloroquine devraient être réévaluées, car elles sont les mêmes pour tous les patients atteints de lupus, quelle que soit l'activité de leur maladie ou le stade de la maladie elle-même. Actuellement, elles visent à protéger ces patients contre un effet secondaire de l'hydroxychloroquine à très long terme, car la rétinopathie mettrait 10 à 20 ans à se développer chez les patients.

    Cependant, en adoptant uniformément cette stratégie, quel que soit le malade et le stade de la maladie, les médecins se privent des avantages à court terme de l'hydroxychloroquine à forte dose, avec un risque de poussées de lupus selon cette étude, poussées qui sont associées à davantage de lésions des organes cibles, en particulier le rein, et, probablement, davantage d'expositions à d'autres immunosuppresseurs, qui ont eux-mêmes leur propre lot d'effets secondaires.

    Sur la base des résultats de cette étude, les auteurs proposent donc de rechercher si les patients au début de leur maladie ont éventuellement besoin d'une dose plus élevée d'hydroxychloroquine, de même que les patients atteints d'un lupus particulièrement actif, et de baisser les doses uniquement chez les autres, après la fin d’un traitement d’attaque et la mise en rémission.

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    JDF