Rhumatologie

Polyarthrite rhumatoïde : une corticothérapie initiale pas trop courte

Lors de l’initiation d’un traitement de fond dans la polyarthrite rhumatoïde, une corticothérapie initiale est souvent prescrite temporairement pour protéger les articulations en attendant l’efficacité du traitement de fond. L’étude CORRA montre que 3 mois ne seraient pas suffisants.

  • m-gucci/istock
  • 26 Oct 2022
  • A A

    Les essais sur les corticoïdes dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) sont rares, et peu d'entre eux ont été réalisés selon les normes de qualité actuelles. Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) active et précoce, les corticoïdes sont souvent utilisés comme traitement d'appoint initial du traitement de fond (« corticothérapie de bridging ») pour protéger les articulations à la phase initiale, en raison de l'action retardée du méthotrexate, mais aucune étude randomisée n’en a démontré la validité.

    Dans l'étude CORRA, randomisée versus placebo, et publiée dans Arthritis and Rheumatology, un traitement d'appoint de courte durée (3 mois) à base de corticoïdes ne montre aucun bénéfice, à faible ou forte dose, en ce qui concerne la progression des lésions radiographiques à un an, même si le bénéfice clinique initial est significatif.

    Pas de différence à forte ou faible dose

    Sur 395 patients randomisés (forte dose de corticoïde ou HDP, n = 132 ; faible dose de corticoïde ou LDP, n = 131 ; placebo, n = 132), 375 (95%) sont restés dans l'analyse en intention de traiter modifiée.

    Les changements moyens des scores de Sharp-Van der Heijde dans les 3 groupes après 1 an sont comparables : moyenne ± SD = 1,0 ± 2,0 dans le groupe HDP, 1,1 ± 2,2 dans le groupe LDP, et 1,1 ± 1,5 dans le groupe placebo. Le critère primaire ne montre aucune supériorité sur la comparaison HDP par rapport au placebo (différence estimée du changement moyen -0,04 (IC à 95% -0,5, 0,4]).

    Cliniquement pourtant, à la semaine 12, la différence moyenne du DAS28-VS est de : -0,6 (IC à 95% -1,0, -0,2) pour le HDP par rapport au placebo ; -0,8 (IC à 95% -1,2, -0,5) pour le LDP par rapport au placebo. A la semaine 52, il n'y a pas de différence significative dans le DAS28-VS entre les 3 groupes (intervalle 2,6-2,8). Les événements indésirables graves sont survenus à une fréquence similaire.

    Une méthodologie rigoureuse

    Dans l'étude CORRA (Corticoid bridging in Rheumatoid Arthritis), des patients adultes atteints de PR provenant d'un hôpital rhumatologique et de 23 cabinets de rhumatologie et présentant une activité modérée/élevée de la maladie ont été randomisés pour recevoir initialement 60 mg de prednisolone (HDP) ou 10 mg de prednisolone (LDP) par jour ou un placebo, avec réduction progressive à 0 mg en 12 semaines.

    La période d'intervention de 12 semaines a été suivie de 40 semaines de traitement à la discrétion des médecins. Le principal critère d'évaluation était le changement radiographique à un an, mesuré à l'aide du score total modifié de Sharp-van der Heijde (SHS). L'activité de la maladie a été évaluée avec le Disease Activité Score sur 28 articulations en utilisant la vitesse de sédimentation des érythrocytes (DAS28-VS).

    Une histoire mal évaluée

    Les corticoïdes ont été introduits dans les années 1950, et le traitement à faible dose est fréquent dans la PR, mais le ratio entre les avantages et les inconvénients n'est pas toujours évident, en particulier pour le traitement au long cours, et même à faible dose. Les méta-analyses montrent que le traitement par corticoïdes réduit l'activité de la maladie et ralentit la progression des lésions articulaires, de sorte que le débat se concentre principalement sur les effets indésirables.

    La plupart des experts s'accordent à dire que le traitement par corticoïdes sur le long terme est néfaste, et les recommandations existantes suggèrent de les éviter ou d'utiliser les corticoïdes uniquement comme traitement de « bridging », en attendant la pleine efficacité du traitement de fond ; cependant, elles sont basées sur des études observationnelles avec un potentiel élevé de biais. Les données limitées des essais (principalement dans la PR précoce) ne montre pas de d'effets indésirables importants, mais leur généralisation est remise en question récemment par la découverte de complication cardiovascualires et infectieuses sur le long terme.

    Une étude randomisée moderne Treat-to-Target

    Cette étude CORRA a été conçue pour tester le paradigme d'un effet modificateur de la maladie avec un « bridging » par corticothérapie de courte durée, à haute et à basse dose, chez des patients atteints de PR précoce mis sous méthotrexate, dans le cadre une approche de traitement « Treatment-to-Target ». L’analyse sur le critère primaire ne montre pas la supériorité du schéma de prednisolone à forte dose par rapport au placebo en termes de dommages articulaires structurels. Une comparaison exploratoire post hoc des 3 groupes de traitement suggère que le changement radiographique à 1 an dans le groupe placebo n’est pas différent de celui des groupes bridging avec la prednisolone.

    Ce résultat contraste quelque peu avec le paradigme d'un impact des corticoïdes sur l’évolution de la maladie, démontré lors de l'utilisation à long terme de corticoïdes à faible dose et confirmé 2 ans plus tard pour un schéma de prednisolone à forte dose diminuée et arrêtée après 28 semaines dans la PR précoce dans l'étude COBRA (Combinatietherapie Bij Reumatoïde Artritis).

    Cependant, il existe des différences importantes dans la conception de l'étude COBRA et de l'étude CORRA. La dose initiale de MTX était plus élevée et la période d'intervention était plus courte dans l'étude CORRA. Dans l'étude COBRA, la dose cumulative de prednisolone administrée sur 28 semaines était de 2 345 mg, contre 1 435 mg dans le groupe HDP de notre étude et 630 mg dans le groupe LDP administrés sur 12 semaines.

    Un bridging trop court ?

    Contrairement à la comparabilité des lésions articulaires structurelles, les différences dans les résultats de l'activité de la maladie entre les groupes corticoïdes et le groupe placebo à la fin de la période d'intervention de 12 semaines étaient significatives, comparables aux résultats de l'essai Steroid Elimination in RA (SEMIRA) (32). Cela était également vrai pour les proportions de rémission booléenne et d'activité minimale de la maladie définie par le DAS28-ESR pour les deux schémas de prednisolone par rapport au placebo jusqu'à la semaine 12.

    La stratégie de prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) la plus importante actuellement est l'approche « Treat-to-Target » qui comprend l'utilisation précoce de traitements de fond synthétiques conventionnels modificateurs de la maladie (csDMARD) et, si nécessaire, de traitements de fond synthétiques ou biologiques ciblés rapidement. Les lésions articulaires structurelles peuvent cependant survenir tôt après le début de la maladie. Un problème clinique important est que les csDMARD, tels que le méthotrexate (MTX), ont un début d'action retardé. C'est la principale raison du développement de stratégies de bridging utilisant des corticoïdes.

    Les corticoïdes sont des médicaments anti-inflammatoires à action rapide, également considérés comme des agents modificateurs de la maladie en raison de leur capacité à ralentir les dommages structurels, mais trois mois de glucocorticoïdes ne suffisent probablement pas selon un éditorial associé.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF