Psychiatrie

Antidépresseurs et syndrome de sevrage : une incidence plus faible qu’attendu

Lors de l’arrêt des antidépresseurs, un large travail de synthèse nuance l’idée d’un syndrome de sevrage fréquent et sévère. Les symptômes apparaissent surtout précocement, restent le plus souvent bénins et transitoires, et ne doivent pas être confondus avec une rechute dépressive.

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  • 04 Septembre 2025
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    Décrit dès les années 1950, le syndrome de sevrage des antidépresseurs reste une source d’incertitude clinique. Les recommandations internationales évoquent des symptômes transitoires après arrêt, mais avec des durées et intensités variables.

    Publiée dans le JAMA Psychiatry, une nouvelle méta-analyse de 50 essais randomisés (n = 17 828, âge moyen 44 ans, 67 % de femmes) apporte un éclairage important. En utilisant l’échelle DESS (Discontinuation Emergent Signs and Symptoms), l’arrêt d’un antidépresseur entraînerait en moyenne un seul symptôme supplémentaire à une semaine par rapport au placebo ou à la poursuite du traitement (SMD 0,31 ; IC à 95% 0,23–0,39). Les symptômes les plus fréquents sont les vertiges (OR 5,52), les nausées (OR 3,16), le vertige rotatoire (OR 6,40) et la nervosité (OR 3,15).

    Point crucial, aucune aggravation de l’humeur n’a été observée dans ces symptômes de sevrage : la présentation ultérieure de symptômes dépressifs après l’arrêt doit donc être considérée comme une véritable rechute dépressive et non comme un effet de sevrage.

    Un profil variable selon les molécules et une tolérance satisfaisante

    Les analyses par sous-groupes confirment des différences notables entre molécules. Les IRSN, notamment venlafaxine et desvenlafaxine, seraient les plus pourvoyeurs de symptômes, avec des vertiges rapportés chez jusqu’à 17 % des patients. À l’inverse, la vortioxétine n’induirait pas plus de troubles que le placebo. La durée préalable du traitement ne serait pas associée à la fréquence des symptômes, et la méthode d’arrêt (brutal vs progressif sur une semaine) modifierait peu l’incidence, suggérant que la pratique du sevrage progressif prolongé reste à évaluer.

    En moyenne, le seuil de quatre symptômes ou plus sur la DESS, définissant un syndrome cliniquement significatif, n’est pas atteint, même avec les antidépresseurs les plus concernés. Les effets indésirables graves sont rares, et les symptômes disparaissent le plus souvent en moins de deux semaines.

    Vers une réévaluation des pratiques de sevrage

    Cette méta-analyse se distingue par l’inclusion de données inédites de 11 essais et par la prise en compte du placebo, ce qui limite l’effet nocebo et clarifie l’estimation réelle des symptômes. Toutefois, les suivis restent courts (souvent ≤ 2 semaines) et concernent majoritairement des populations européennes ou nord-américaines, limitant la généralisabilité. Certains antidépresseurs comme la fluoxétine sont sous-représentés, et les molécules récentes absentes.

    Selon les auteurs, les résultats invitent à relativiser la fréquence des syndromes de sevrage sévères et à distinguer soigneusement sevrage et rechute. Ils questionnent aussi la pertinence de recourir systématiquement à des méthodes d’arrêt longues et complexes, dont le bénéfice clinique n’est pas établi et qui pourraient même renforcer l’anxiété des patients via un effet nocebo.

    Pour la pratique, les médecins doivent informer leur patients que des symptômes bénins (notamment vertiges) peuvent survenir précocement et s’estomper rapidement, alors que la réapparition plus tardive de troubles thymiques relève d’une rechute dépressive.

    Les prochaines recherches devront évaluer en vie réelle des stratégies de sevrage adaptées, définir les patients les plus à risque et clarifier la place de protocoles de réduction.

     

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