Psychiatrie

Dépression résistante : la psilocybine en dose-unique donne des résultats à 6 mois

La psilocybine, un psychédélique naturel présent dans certains champignons hallucinogènes, pourrait avoir des effets antidépresseurs rapides et durables chez les patients résistants aux traitements classiques.

  • Tetiana Lazunova/istock
  • 09 Avr 2024
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    Malgré les progrès réalisés dans le domaine de la psychiatrie, un nombre important de patients ne répondent pas aux antidépresseurs classiques ou souffrent d'effets secondaires incompatibles avec le traitement.

    L'émergence de la psilocybine, un composé psychédélique naturel présent dans certains champignons hallucinogènes, et des psychédéliques de synthèse, offre un nouvel espoir aux médecins et aux patients dans la lutte contre la dépression.

    Des études préliminaires et une étude clinique récente de phase 2 ont montré des résultats prometteurs des psychédéliques, suggérant que la psilocybine pourrait être une option thérapeutique efficace et sûre pour certains patients souffrant de dépression résistante aux traitements classiques. Un point majeur (et étonnant) est la rémanence de l'effet de la psilocybine 6 mois après une dose unique qui peut faire évoquer une modification des connexions entre les neurones dans le cerveau.

    Une étude sur l’efficacité et la sécurité dans le traitement de la dépression

    Il s’agit d’une étude clinique randomisée, de phase 2, en ouvert, publiée dans le JAMA Psychiatry, menée entre décembre 2019 et juin 2022 aux États-Unis, qui apporte des résultats encourageants. Cette étude a examiné l'efficacité et la sécurité de la psilocybine comme traitement d’un épisode dépressif majeur chez 104 participants âgés de 21 à 65 ans.

    Les participants ont été randomisés entre : recevoir une dose unique de psilocybine ou un placebo qui était une dose de niacine, accompagnée d'un soutien psychologique. Les résultats ont montré une réduction significative des scores de dépression chez les patients traités par la psilocybine, par rapport à ceux recevant le placebo. Cette amélioration était observée à court terme (3 semaines) et maintenue à long terme (6 mois), ce qui est particulièrement inhabituel dans les traitements de la dépression.

    L'étude a également révélé que la psilocybine améliorait de manière significative l'invalidité fonctionnelle, c'est-à-dire la capacité des participants à accomplir leurs activités quotidiennes.

    La psilocybine a été correctement tolérée par les participants, en dehors bien sûr des hallucinations, propres aux psychédéliques, et qui ont concerné 44 % des patients sous psilocybine, alors qu’elles n'existent pas avec les autres antidépresseurs. Ces effets indésirables ont été généralement légers et transitoires, et aucun événement indésirable grave n'a été rapporté.

    Comprendre les mécanismes d'action de la psilocybine

    La psilocybine agirait en stimulant les récepteurs de la sérotonine 5-HT2A dans le cerveau, ce qui pourrait conduire à une cascade d'événements neurochimiques et électriques qui contribueraient à la réduction des symptômes de la dépression.

    On pense que la psilocybine favoriserait également la neuroplasticité, la capacité du cerveau à se reprogrammer et à créer de nouvelles connexions neuronales.

    Une meilleure méthodologie que les études précédentes

    Tout le problème de l'évaluation des produits psychédéliques c'est que le « voyage » rompt le double-aveugle contre placebo : le malade et les médecins savent quel est le produit actif, donc cela maximalise l'effet placebo du produit testé. C'est intrinsèque aux médicaments mal tolérés et aux psychédéliques, encore plus.

    Dans cet essai, et il faut le souligner, les chercheurs ont pris de la niacine comme bras contrôle, dénué d'effet sur la dépression, mais qui entraîne un flush à la prise donc des effets collatéraux qui peuvent être pris pour une activité thérapeutique. Ce n’est pas le double-aveugle parfait, mais c’est mieux que ce qui a été fait auparavant.

    Il est important de souligner que l'administration de la psilocybine nécessite une prudence et une formation spécifique de la part des médecins en raison d’effet psycho-hallucinatoires intenses. La psilocybine peut, en effet, provoquer des hallucinations, des changements de perception et des réactions émotionnelles intenses, avec un « voyage » qui dure 6 à 8 heures et nécessite pendant tout ce temps la présence d’un soignant formé à côté du patient. Un accompagnement psychologique après la prise de psilocybine est également essentiel pour intégrer l'expérience et identifier d'éventuels besoins de soutien.

    Un développement à poursuivre sous condition

    Au final, ma psilocybine ouvre une perspective intéressante dans le traitement de la dépression majeure. Cependant, son utilisation par les médecins nécessite une formation rigoureuse, un encadrement strict et un contexte clinique adapté. Les médecins doivent suivre des formations approfondies pour comprendre les mécanismes d'action de la psilocybine et ses effets sur le cerveau, apprendre à gérer les séances de traitement et à accompagner les patients pendant l'expérience psychédélique.

    L'environnement dans lequel la psilocybine est administrée est crucial pour la sécurité et l'efficacité du traitement. Un cadre clinique adéquat comprend un espace calme et confortable pour favoriser le bien-être et la sécurité du patient pendant l'expérience et un personnel qualifié composé de professionnels de la santé mentale expérimentés, présents pour surveiller le patient et lui apporter un soutien psychologique. Le suivi post-séance doit être rigoureux pour évaluer l'expérience du patient et assurer une continuité dans les soins.

    Les recherches doivent se poursuivre pour confirmer son efficacité à long terme et son innocuité. Pour l'heure, la psilocybine est un nouvel outil thérapeutique prometteur à manier avec précaution.

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    JDF