Décès prématurés

Personnes âgées : la solitude nuit gravement à leur santé

Le sentiment de solitude est un facteur augmentant le risque de décès prématuré de 14% chez les personnes âgées, soit deux fois plus que l’obésité, selon une étude américaine.

  • Par Afsané Sabouhi
  • SCHEIBER FRED/20 MINUTES/SIPA
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  • 18 Fév 2014
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     « Ce n’est pas le fait de vivre seul, mais vraiment la sensation subjective d’isolement et de solitude qui a des conséquences dramatiques sur la santé ». C'est ce qu'a affirmé, hier,  le Pr John Caccioppo, psychologue social à l’Université de Chicago lors du congrès annuel de l’association américaine pour l’avancement des sciences. Son équipe vient de démontrer que le sentiment de solitude est associé à une augmentation de 14% de la mortalité prématurée chez les personnes âgées, soit deux fois plus que l’obésité et presque autant que le fait d’avoir des conditions socio-économiques défavorables. « Se sentir profondément isolé des autres peut générer des troubles du sommeil, une tension artérielle élevée, des pics matinaux de cortisol, l’hormone du stress mais aussi altérer l’expression des gènes dans les cellules immunitaires, accroître la dépression et diminuer la sensation subjective de bien-être », a souligné le spécialiste lors de cette conférence sur le vieillissement.   


    Le souvenir de la canicule de 2003
    « Nous l’avons déjà expérimenté en France. En 2003, lors du drame de la canicule, c’est bien la solitude qui a été un facteur de mortalité prématurée », rappelle Jean-François Serres, référent national de la Mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, lancée le mois dernier. « Mais on ne peut pas dire que c’est la solitude qui tue, il n’y a pas de relation de cause à effet si directe. En revanche, elle est un facteur de risque de survenue de maladie comme la dépression ou Alzheimer qui altèrent l’état de santé général et sont des causes de mortalité prématurée », nuance le Pr Joël Belmin, gériatre à l’hôpital Charles Foix, à Ivry-sur-Seine.

    Ecoutez le Pr Joël Belmin, chef du pôle de gériatrie de l’hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine (94) : « Le sentiment de solitude est un symptôme fréquent de la dépression. Or on sait que les personnes dépressives ont beaucoup plus d’ennuis de santé que les personnes du même âge sans dépression. »

    La solitude, révélateur de fragilités

    A défaut de causalité, les professionnels constatent l’intrication, particulièrement étroite chez les personnes âgées, entre un facteur psycho-social comme le sentiment de solitude et l’état de santé général. « Nous pouvons observer à quel point la solitude fragilise. Les personnes âgées isolées sont moins sollicitées sur le plan cognitif, ce qui favorise l’apparition de troubles de la mémoire et laisse davantage de temps pour les ruminations anxieuses », raconte Sabine Faber, infirmière au sein de l’équipe mobile de psycho-gériatrie du Centre hospitalier spécialisé Esquirol de Limoges.

    Ecoutez le Dr Cyril Hazif-Thomas, gérontopsychiatre au CHU de Brest : « La solitude est une sorte de révélateur de la fragilité d’une personne âgée. Celles qui ne parviennent pas à habiter leur solitude d’éléments positifs sombrent dans une tendance auto-destructrice. »

     


    Bien sûr, toutes les personnes âgées vivant seules ne souffrent pas de ce sentiment de solitude délétère, les personnes souffrant déjà de troubles psychologiques ou psychiatriques y sont plus vulnérables. Aussi pour l’équipe de psycho-gériatrie de Limoges, qui intervient à domicile sur demande des médecins traitants de ces personnes âgées en souffrance psychique, l’isolement peut constituer en lui-même un motif d’hospitalisation de jour. « Une fois par semaine, elles viennent à l’hôpital de jour de 9h à 16h30. L’évaluation médicale et la prise en charge infirmière peuvent être brèves, le fait de créer un rendez-vous, un repère dans la semaine, un temps de sociabilisation est au moins aussi important, notamment pour prévenir les symptômes dépressifs », souligne Sabine Faber.

    Ne pas médicaliser la solitude

    Ce n’est pas parce que ce sentiment de solitude a des conséquences médicales que la réponse doit être obligatoirement médicale, au sens d’une prescription de médicaments. « Lorsqu’il y a un climat de début de dépression ou de début de maladie d’Alzheimer, il faut une prise en charge médicale, c’est certain. Mais face à une personne qui souffre « seulement » de solitude, prescrire des médicaments n’aurait qu’un effet pansement temporaire. Il est beaucoup plus efficace de recréer autour d’elles du lien social comme le font les associations », souligne le Dr Hazif-Thomas.  

    C’est tout l’enjeu de Monalisa, la mobilisation nationale contre l’isolement social des Agés, lancée le 24 janvier dernier par la ministre déléguée aux personnes âgées Michèle Delaunay et Mme Ayrault. « La fraternité, ça ne se décrète pas mais ça se cultive ! », affirme Jean-François Serres, le référent national de Monalisa. L’objectif est de mettre en réseau toutes les initiatives associatives déjà existantes, de les rendre visibles pour susciter l’engagement bénévole des Français et créer partout des équipes citoyennes de proximité pour recréer du lien social autour de ces personnes âgées isolées.
    «Même les personnes les plus isolées ont une ou deux personnes auxquelles elles font confiance : leur médecin traitant, un commerçant qu’elles connaissent bien, une aide à domicile qui vient chez elles depuis longtemps, indique Jean-François Serres, par ailleurs secrétaire général de l’Association Les petits frères des pauvres. C’est grâce à ces personnes de confiance que nous pourrons rejoindre les personnes âgées dans leur isolement et le rompre ». Un chantier de grande envergure puisqu'un quart des plus de 75 ans, soit 1,2 million de personnes, vivent dans la solitude.

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    JDF