Addictologie

Opioïdes : enfin des recommandations HAS pour leur « juste prescription »

La Haute Autorité de Santé publie ses premières recommandations sur le bon usage des médicaments opioïdes. Un dossier exhaustif pour « sécuriser au mieux leur juste prescription » et limiter ainsi les risques bien réels de mésusage et surdosage.

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  • 01 Avr 2022
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    Chaque année, près de 10 millions de Français reçoivent une prescription de médicaments antalgiques opioïdes. Une consommation, qui d'après l'Observatoire français des médicaments antalgiques aurait doublé en dix ans, et qui devraient encore augmenter dans le contexte de vieillissement de la population où les symptômes douloureux peuvent être prépondérants. L'HAS le rappelle « le recours aux médicaments opioïdes a grandement contribué à l'amélioration de la prise en charge de la douleur » grâce à des plans d'action successifs de lutte contre la douleur. Mais ils peuvent présenter de graves risques en cas de surdosage ou troubles de l'usage, pouvant aller jusqu'au décès.

    Pour limiter ces risques et leurs conséquences sanitaires, l'HAS publie les premières recommandations de bonnes pratiques sur le bon usage des médicaments opioïdes. L'objectif est de « sécuriser au mieux leur juste prescription ». Cela passe par la promotion du bon usage pour le traitement de la douleur, afin de ne pas priver ceux qui en ont besoin. Mais aussi éviter le mésusage et le surdosage en sensibilisant les professionnels de santé à leur prévention, repérage et prise en charge. Les recommandations guident également le bon usage des traitements de substitution et de la naloxone dans le cadre de la prévention et prise en charge du trouble de l'usage et des surdoses aux opioïdes.

    Promouvoir le bon usage dans le traitement de la douleur

    Les recommandations rappellent tout d'abord les indications d'usage des opioïdes. Des fiches exhaustives complétées par des algorithmes pour la prise en charge des douleurs aiguës chez des patients naïfs ou déjà traités par opioïdes, traitements de substitution ou molécules illicites. Un rappel important au milieu de ces informations très exhaustives : pas d'opioïdes en cas de céphalées ou de migraines.

    Les recommandations traitent aussi de la prise en charge des douleurs chroniques d'origine cancéreuse ou non, rappelant dans ce dernier cas que les antalgiques opioïdes « ne doivent être envisagés […] que lorsque l'ensemble des autres propositions thérapeutiques, médicamenteuses ou non ont été essayées ». Les réévaluations doivent être régulières et la barre des 6 mois de traitement doit être l'occasion de tenter une décroissance, voire un arrêt du traitement, afin de constater si le traitement est toujours justifié et la dose adaptée.

    Prévenir les troubles de l'usage et surdosages

    Les recommandations insistent sur la prévention des troubles de l'usage (mésusage ou addiction) et le surdosage des opioïdes. En cas de douleurs chroniques, l'évaluation du risque de troubles de l'usage et la recherche de troubles psychiques non suivis doivent être systématiques. Leur présence doit conduire à une consultation spécialisée (médecin de la douleur, psychiatre ou addictologue) avant toute prescription d'opioïdes. En cas de douleur aiguë, la prescription ne doit pas dépasser 14 jours initialement et se limitera à des opioïdes à libération immédiate.

    Une vigilance doit être portée pour le repérage des patients à risque de surdosage qui se verront prescrire systématiquement de la naloxone, antagoniste spécifique des récepteurs aux opioïdes, levant les effets dépresseurs des opioïdes en quelques secondes. Des kits prêts-à-l'emploi existent : PRENOXAD® par voie intra-musculaire ou NYXOID® par voie intra-nasale commercialisé depuis septembre 2021. L'entourage et le patient doivent systématiquement être informés des conséquences potentiellement graves, voir létales des médicaments opioïdes en cas de troubles de l'usage et surdosage. Situations pour lesquelles l'HAS a également émis des recommandations complètes pour leur prise en charge.

    Mettre la France à l'abri de la « crise des opioïdes »

    Ces recommandations sont publiées dans le contexte de la « crise des opioïdes » qui s'étend dans le monde. Ayant causé déjà plus de 300 000 décès aux Etats-Unis, elle s'étend aussi à l'Europe qui a déjà vu plus de 20% de hausse des décès liés à la consommation d'opioïdes entre 2011 et 2016.

    Espérons que ces recommandations et leur application permettent à la France de rester à l'abri de cette crise. On ne compte aujourd'hui que 300 à 400 surdoses mortelles par an mais déjà des signaux de mésusage et de surdosage apparaissent. Restons donc vigilants.

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    JDF