Pneumologie
Remplacement trachéo-bronchique : un défi chirurgical qui cherche encore à se perfectionner
Le remplacement trachéo-bronchique par allogreffe aortique cryo-préservée est une technique de plus en plus utilisée, qui a fait l’objet de recherches depuis plusieurs décennies et qui peut être encore perfectionnée grâce à de nouveaux travaux. D’après un entretien avec Emmanuel MARTINOD.
Une étude, dont les résultats sont parus en septembre 2025 dans le JAMA Surgery, a fait le point sur tous les remplacements trachéo-bronchiques réalisés en France et à l’international. Il s’agit d’une méta-analyse française, revue de la littérature à la méthodologie rigoureuse. Au total, les auteurs ont examiné 6043 résultats et retenu 126 publications, qui ont recensé 137 cas de remplacements trachéo-bronchiques, entre juillet 2002 et juillet 2024. Les travaux représentaient essentiellement des cas cliniques et des petites séries. Seule une publication était une étude de cohorte prospective et une autre, était un registre. Ces deux études concernaient l’utilisation d’allogreffes aortiques cryo-conservées.
Un travail de très longue haleine
Le professeur Emmanuel MARTINOD, chef de Service de Chirurgie Thoracique et Vasculaire et Président de CME des Hôpitaux Universitaires Paris Seine Saint Denis, Université Sorbonne Paris Nord et auteur de ce travail explique qu’il a débuté il y a plusieurs décennies puisque la phase préclinique a été expérimentée en 1987, alors qu’il était en fin d’internat, en DEA. Il s’agissait alors de trouver une solution au problème non résolu du remplacement trachéo-bronchique. L’utilisation d’une matrice aortique a fait l’objet de recherches au laboratoire de l’hôpital Broussais dans le Laboratoire du Pr Alain Carpentier pendant 11 ans, et les chercheurs sont allés de surprise en surprise. Il ont observé que l’épithélium se régénérerait sur un socle aortique, avec du cartilage dans la matrice. Ces résultats ont donc permis d’aller vers une phase clinique et une étude de faisabilité en intention de traiter chez l’homme, étude dont les résultats sont alors parus dans le JAMA en 2018. Les auteurs avaient alors fixé la barre très haut : 13 patients ont eu un remplacement trachéo-bronchique et 7 ont eu un traitement conventionnel. La faisabilité a été démontrée, cette technique a été utilisée et 53 patients en impasse thérapeutique, en France et à l’international. Ces patients ont été inclus dans un registre, appelé TRITON-01. Emmanuel MARTINOD ajoute qu’une étude randomisée est engagée incluant un sous-groupe de patients atteints de cancers thyroïdiens envahissants, qui bénéficient soit du traitement standard soit du remplacement trachéo-bronchique.
Un état de l’art sur une question encore dite non résolue
Emmanuel MARTINOD explique que, la plupart du temps, la première indication du remplacement trachéo-bronchique est la présence d’un cancer étendu de la trachée ou de la thyroïde. Viennent ensuite les sténoses bénignes. Il précise qu’il existe un sous-groupe de cancers trachéo-bronchiques, représentés par les carcinomes adénoïdes kystiques qui sont souvent diagnostiqués très tardivement et ainsi la résection-anastomose est impossible, chez des patients souvent jeunes, majoritairement de sexe féminin. Emmanuel MARTINOD précise qu’il existe deux grandes techniques pour le remplacement trachéo-bronchique. La première consiste à utiliser des lambeaux musculaires. L’inconvénient de cette technique est que l’intervention est longue (plus de 10 heures) et nécessite souvent un passage en réanimation prolongé en post-opératoire. La seconde technique est représentée par l’allogreffe aortique cryo-préservée à -80°, stentée, qui donne de bons résultats, avec une morbi-mortalité qui est inférieure à celle de certaines chirurgies de l’œsophage ou de transplantation pulmonaire par exemple. Emmanuel MARINOD souligne que cette solution, qui a le mérite d’exister mais qui n’est pas encore parfaite fait toujours l’objet de recherches en lien, notamment avec le Laboratoire Hypoxie et Poumon, INSERM, le laboratoire d’immunologie de la Pitié, le Laboratoire B3OA mais aussi le CHU de Lille, des centres italiens, taiwanais ou encore américains.
En conclusion, le remplacement trachéo-bronchique fait toujours l’objet de recherches intenses afin de mieux comprendre son fonctionnement. Ces recherches sont en lien avec l’ingénierie tissulaire, en raison du risque de pénurie de greffon. La technique chirurgicale est la seule solution, à la chimiothérapie et la radiothérapie ne fonctionnant pas pour des lésions étendues et souvent à l’origine de nécroses, fistules ou décès par érosion vasculaire. Une belle technique qui a de l’avenir…








