Rhumatologie
Néphropathie lupique proliférative : un anticorps anti-CD20 de type II améliore la réponse
L’essai REGENCY de phase 3 démontre que l’obinutuzumab, associé au traitement standard par mycophenolate mofétil et prednisone, améliore significativement la réponse rénale complète chez les patients souffrant de néphropathie lupique proliférative active. Un risque infectieux accru souligne toutefois la nécessité d’une vigilance renforcée.
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La néphropathie lupique constitue une manifestation sévère du lupus érythémateux systémique (LES), responsable d’une morbidité importante. Malgré de nouveaux traitements approuvés (belimumab, voclosporine), nombre de patients conservent un risque élevé de progression rénale et de rechutes, suggérant l’existence d’un besoin non satisfait en termes de contrôle immunologique et de préservation de la fonction rénale.
Dans ce contexte, la déplétion sélective des lymphocytes B a suscité un intérêt particulier en raison de leur rôle central dans la pathogenèse du LES. L’obinutuzumab, un anticorps monoclonal anti-CD20 de type II, a déjà montré dans l’essai NOBILITY de phase 2 sa capacité à améliorer significativement le taux de réponse rénale complète lorsqu’il est ajouté au traitement standard (mycophénolate mofétil et corticoïdes).
L’essai REGENCY de phase 3, publié dans le New England Journal of Medicine, visait à confirmer ces résultats chez des patients avec une néphropathie lupique proliférative active. Les 271 participants ont été randomisés pour recevoir soit de l’obinutuzumab selon l’un de deux schémas posologiques, soit un placebo, en complément du même traitement standard (mycophénolate mofétil et prednisone par voie orale).
À la semaine 76, 46,4% des patients du groupe obinutuzumab atteignent une réponse rénale complète contre 33,1% dans le groupe placebo (différence ajustée de 13,4 points de pourcentage ; p = 0,02). De plus, 42,7% des patients traités par obinutuzumab maintiennent cette réponse entre les semaines 64 et 76 tout en conservant une dose de prednisone ≤ 7,5 mg/j, contre 30,9% dans le groupe témoin (p = 0,04).
Un taux plus élevé d’infections respiratoires
Les analyses de sous-groupes suggèrent que l’obinutuzumab procure un bénéfice plus marqué chez les patients qui ont une forte activité inflammatoire (protéinurie élevée avec ratio protéinurie/créatininurie > 3, hypocomplémentémie, hauts niveaux d’anticorps anti-dsDNA, classes IV ou V associées). Ces données corroborent les observations de l’essai NOBILITY, où l’approfondissement de la déplétion B (par rapport à des anticorps de type I tels que le rituximab) se traduisait déjà par une amélioration de la réponse rénale.
Sur le plan de la tolérance, aucun nouveau effet indésirable inattendu n’a été détecté, mais on note un taux plus élevé d’événements indésirables graves, en particulier infectieux, dans le groupe obinutuzumab. Les infections respiratoires (dont celles liées au SARS-CoV-2) se sont révélées plus fréquentes, notamment pendant la première phase de l’étude, coïncidant avec le début de la pandémie de Covid-19 et l’absence d’accès élargi à la vaccination ou aux traitements antiviraux. Malgré une tolérance globalement acceptable, ce surcroît d’infections souligne l’importance d’une surveillance étroite, ainsi que de la vaccination lorsque cela est possible.
Un essai randomisé de phase 3 versus placebo évalué à plus de 5 ans
L’essai REGENCY, de phase 3, randomisé et contrôlé, a inclus des patients adultes ayant une atteinte rénale proliférative biopsiée. Il a évalué l’efficacité et la sécurité de l’ajout d’obinutuzumab au traitement standard à l’échéance de la semaine 76. Cette durée permet de mesurer un impact clinique significatif sur le contrôle de la protéinurie et l’amélioration du débit de filtration glomérulaire. Toutefois, la dynamique de la pandémie de Covid-19 qui a perturbé l’essai, la variabilité clinique entre les patients et l’inclusion d’une population internationale peuvent inférer sur la généralisation de ces résultats.
Selon les auteurs, ces données confortent l’hypothèse selon laquelle une déplétion B profonde peut constituer une approche thérapeutique pertinente dans la néphropathie lupique proliférative active. L’obinutuzumab pourrait ainsi offrir un meilleur contrôle de l’inflammation rénale, une réduction de la protéinurie et une épargne corticoïde. Cependant, les praticiens doivent tenir compte de l’augmentation du risque infectieux, en particulier chez les patients immunodéprimés, et mettre en place une prophylaxie ou une vaccination adaptée. Les futures recherches devront porter sur le suivi à plus long terme (au-delà de la semaine 76), l’évaluation d’autres schémas posologiques et l’identification de biomarqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique. Il sera également crucial d’optimiser les stratégies de prévention des infections, notamment dans un contexte post-pandémique, pour que l’obinutuzumab s’intègre pleinement dans l’arsenal thérapeutique de la néphropathie lupique.








