Hématologie

LLC/lymphome lymphocytique : risque de tumeurs 2aire et impact sur le devenir clinique

Le groupe européen de recherche sur la leucémie lymphoïde chronique (ERIC) a évalué dans le cadre de l’étude internationale HARMONY l’incidence en vie réelle des tumeurs malignes secondaires dans une population de patients atteints de leucémie lymphoïde chronique/lymphome lymphocytique. Cet article décrit les principaux résultats cliniques (incidence des tumeurs secondaires, corrélations avec les caractéristiques de l’hémopathie et les traitements reçus, données de survie) de cet essai multicentrique.

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  • 03 Jul 2023
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    Les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC)/lymphome lymphocytique (sLL) ont un risque supérieur de développer des tumeurs malignes (TM), dites secondaires, en comparaison à la population générale. Cependant, l'impact réel des facteurs de risque liés à la LLC/sLL et/ou du traitement spécifique de ces hémopathies demeure méconnu.

    Face à la nécessité de mieux documenter ce risque, le groupe ERIC a mené une étude de vie réelle, multicentrique et internationale, dans le cadre de l’étude HARMONY, afin d’évaluer l’incidence des TM chez des patients atteints de LLC/sLL et diagnostiqués entre 2000 et 2016.

    Une impressionnante cohorte de vie réelle

    Dix-neuf-mille-sept-cent-cinq patients de 85 centres et de 33 pays ont été inclus dans cette étude rétrospective. L'âge médian au diagnostic de la LLC/sLL était de 65 ans (IQR 57-73) et le suivi médian était de 6,2 ans (IQR 3,72-9,6). La majorité des patients étaient atteints de LLC (93,3%), 2,7% étaient atteints de sLL et 4% d’une lymphocytose B monoclonale de type LLC. Lors du dernier suivi, 10146 patients (53%) avaient reçu au moins une ligne de traitement.

    Le diagnostic de TM a été rapporté chez 21% des patients atteints de LLC/sLL (dont 3,2% en syndrome de Richter ou en leucémie prolymphocytaire B). Chez 70% des patients, la TM était postérieure au diagnostic de LLC/sLL et pour 21% des patients, la TM était antérieure ou concomitante au diagnostic de LLC/sLL. Finalement, une TM était diagnostiquée à la fois avant et après le diagnostic de LLC/sLL chez 8% des patients.

    Des TM secondaires hématologiques et non-hématologiques

    Les principales TM hématologiques étaient des syndromes myélodysplasiques (SMD ; 0,44 %), des leucémies aigues myéloïdes (LAM ; 0,21 %) et des myélomes multiples (0,19 %). Le traitement par fludarabine et cyclophosphamide avec/sans rituximab (FC+/-R) était l‘unique facteur de risque statistiquement associé au risque de développer un SMD/une LAM en analyse multivariée, tandis que les délétions 13q étaient associées aux TM hématologiques (à l'exclusion des SMD/LAM et du syndrome de Richter).

    Les principales TM non-hématologiques étaient les cancers de la peau (hors mélanome ; 5%), les cancers de la prostate (2,7%), les cancers du côlon (1,9%) et les cancers du sein (1,7%). Les patients de sexe masculin et dont le statut IGHV était non-muté avaient un risque supérieur de développer une tumeur solide secondaire (à l'exclusion des cancers de la peau).

    Un impact négatif sur la survie globale

    Les TM non-hématologiques les plus fréquentes (>100 cas) ont été analysées et des associations statistiquement significatives étaient retrouvées entre (i) le développement des cancers de la peau et le sexe masculin, un âge élevé au diagnostic et le traitement par FC+/-R ; (ii) le sexe masculin, les cancers colorectaux et de la vessie ; (iii) le statut du gène IGHV non-muté et le mélanome, le cancer du poumon et le cancer du sein.

    Les patients ayant reçu un traitement étaient significativement susceptibles de développer un cancer de la peau (hors mélanome ; OR 1,8 ; 95%CI 1,36-2,41 ; P<0,001) et un cancer de la prostate (OR 2,11 ; 95%CI 1,12-3,97 ; P=0,021), tandis que les cancers du sein étaient plus fréquents chez les patients non-traités (OR 0,17 ; 95%CI 0,08-0,33 ; P<0,001). En termes de devenir, la survie globale des patients atteints de LLC/sLL et présentant une TM était inférieure à celle des autres patients, notamment pour les patients présentant un SMD/une LAM.

    Conclusion

    Les résultats de cette étude rétrospective de vie réelle démontrent l’impact négatif des TM sur la survie globale des patients atteints de LLC/sLL et l’association de l’immunochimiothérapie par FC+/-R avec le risque de développer un SMD/une LAM secondaire. Avec l’avènement des schémas de traitement sans chimiothérapie, de nouvelles études devront être menées pour ré-évaluer le risque de développer une TM sous thérapie orale inhibant BTK ou BCL2.

     

    Références

    Chatzikonstantinou, T. et al. Other malignancies in the history of CLL: the final analysis of the international multicenter study conducted by ERIC, in HARMONY. EHA2023 Hybrid congress. Abstract S149.

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