Gastroentérologie

Cancer du côlon : l'efficacité décevante des coloscopies de dépistage en population générale ?

Une étude prospective et randomisée suggère que les avantages de la coloscopie pour le dépistage du cancer pourraient être surestimés, mais c’est sans compter le taux de réalisation décevant de cet examen dans le groupe coloscopie.

  • Andrey Shevchuk/istock
  • 11 Oct 2022
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    C'est la première fois que le dépistage par coloscopie du cancer colo-rectal est comparé à l'absence de dépistage dans le cadre d'un essai prospectif randomisé. Or, l'étude ne démontre en apparence que de maigres bénéfices chez les personnes du groupe coloscopie : une réduction de 18% à 10 ans du risque de cancer colorectal (RR = 0,82 ; IC à 95%, 0,70 à 0,93) et aucune réduction significative du risque de décès par ce cancer (RR = 0,90 ; IC à 95%, 0,64 à 1,16), par rapport au groupe témoin. L'étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.

    Cette nouvelle étude randomisée européenne, la plus importante à ce jour, donne des résultats compliqués, qui pourraient amener certaines personnes à se demander si elles devraient subir une coloscopie de dépistage du cancer du côlon. De l’avis des experts, avec près de la moitié des personnes invitées à se faire une coloscopie qui ne l’ont pas faite, beaucoup d’arguments montrent que le dépistage coloscopique ne marche que si on le fait.

    Près de la moitié des coloscopies prévues n’ont pas été faites

    Aussi bonne que soit cette étude randomisée, elle présente des limites importantes, et la plus importante d’entre elles est le faible taux de réalisation des coloscopie prévues.

    Lorsque les auteurs de l'étude limitent les analyses aux personnes du groupe coloscopie de dépistage qui ont effectivement subi la coloscopie prévue, environ 12 000 personnes sur les plus de 28 000 qui avaient été invitées à le faire, le dépistage coloscopique est plus efficace.

    En analyse per protocole, la réduction du risque de cancer colorectal serait de 31% et celle du risque de mourir de ce cancer serait de 50%, par rapport aux personnes qui n’étaient pas dans le groupe coloscopie.

    Une large étude randomisée en Europe du Nord

    L'étude NordICC, qui signifie Northern-European Initiative on Colon Cancer, a porté sur plus de 84 000 hommes et femmes, âgés de 55 à 64 ans, originaires de Pologne, de Norvège et de Suède. Aucun n'avait eu de coloscopie auparavant. Les participants ont été randomisés pour subir une coloscopie de dépistage entre juin 2009 et juin 2014, ou ils ont été suivis sans coloscopie de dépistage dans le cadre de l’étude.

    Les patients ont ensuite été suivis au cours des dix années suivant l'inscription et le taux de cancer colorectal et de décès par cancer colorectal a été comparé par rapport aux personnes qui avaient été randomisées dans le groupe sans coloscopie.

    Une procédure considérée comme bonne

    Avant l'essai NordiCC, les avantages du dépistage coloscopique étaient mesurés par des études observationnelles qui comparaient au fil du temps la fréquence du diagnostic de cancer colorectal chez les personnes ayant subi une coloscopie et chez celles qui n'en avaient pas bénéficié.

    Une analyse groupée de quatre grands essais randomisés sur la sigmoïdoscopie avait montré des réductions significatives à la fois de l'incidence du cancer colorectal et du risque de décès lié à ce cancer (22% et 26%, respectivement).

    Certaines études ont suggéré que les coloscopies seraient encore plus performantes. Une étude a suivi près de 90 000 professionnels de la santé pendant 22 ans. Certains d'entre eux ont choisi d’avoir une coloscopie de dépistage, d'autres non. Les chercheurs ont estimé que la coloscopie de dépistage serait associée à une réduction de 40% du risque de cancer du côlon et à une réduction de 68% du risque de mourir d'un cancer du côlon.

    Des populations peu sensibilisées à la coloscopie

    Selon un éditorial associé dans le New England Journal of Medicine, dans l'ensemble, l'étude révèle que le simple fait d'inviter des personnes à faire une coloscopie n'a pas un impact bénéfique important dans ces pays, en partie parce que de nombreuses personnes ne l'ont pas fait : 28 000 personnes âgées de 55 à 64 ans ont été invitées à subir une coloscopie de dépistage et seules 42% d'entre elles ont finalement accepté.

    Dans les pays participant à l'étude, les coloscopies ne sont pas aussi courantes en dépistage du cancer colo-rectal que dans dans d’autres pays comme les États-Unis. En Norvège, les recommandations officielles en matière de dépistage du cancer colorectal n'ont été formulées que l'année dernière. Ce n’est donc pas la fin de la coloscopie de dépistage, d’autant que plusieurs études randomisées et prospectives sont en cours. Comme d’habitude, le dépistage ne marche que si la participation reste importante.

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    JDF