Onco-digestif
Cancer colorectal : quelle place pour l’ADN tumoral circulant ?
L’ADN tumoral circulant est un marqueur qui ne manque pas d’intérêt, mais sa place en routine clinique n’est pas encore clairement démontrée. Alors où pourrait-il être un atout majeur ? En aide à la détection de maladie résiduelle ? En biomarqueur de choix pour guider la stratégie thérapeutique ?
- Istock/Mohammed Haneefa Nizamudeen
Dans les cancers du côlon localisés, opérés de stade II et III, plusieurs études prospectives ont montré que l’ADN tumoral circulant (ADNtc) était un facteur pronostique et pouvait permettre d’évaluer au mieux la maladie minimale résiduelle (« minimal residual disease »).
La détection d’ADNtc en post-opératoire peut être réalisée soit par tracking de mutations spécifiques, soit par recherche de marqueurs méthylés même si les techniques de détection et d’évaluation de cet outil restent actuellement discutées. En effet, grâce à l’augmentation de la sensibilité des techniques de séquençage haut débit modernes (avec différents tests commerciaux ou académiques disponibles), l’ADNtc peut être détecté avec une plus grande sensibilité et plus grande spécificité.
Dans les cancers du côlon de stade II
Une première étude prospective australienne chez 230 patients par Tie J et al a montré que l’ADNtc post-opératoire est détecté chez 14/178 (7,9%) des patients parmi lesquels 11 (79%) ont récidivé après un suivi médian de 27 mois. La récidive survient chez seulement 16/164 (9,8%) patients avec ADNtc négatif (HR : 18 ; IC95% : 7,9-40 ; p<0,001).
De plus, la survie sans récidive (SSR) est diminuée chez les patients avec ADNtc détectable qu’ils soient traités par chimiothérapie adjuvante (HR 11 ; IC95% : 1,8–68) ou non (HR 18 ; IC95% : 7,9–40).
Dans les cancers du côlon de stade III
Une autre étude prospective, de la même équipe australienne, chez 100 patients atteints de cancer colorectal de stade III permet le recueil de prélèvements biologiques plasmatiques collectés en post-opératoire puis, après la fin de la chimiothérapie adjuvante. Sur 96 patients analysables, l’ADNtc est détectable chez 20/96 (21%) patients en post-opératoire, cette détection est associée à une survie sans récidive significativement moindre (HR : 3,8 ; IC95% : 2,4-21,0 ; p<0,001). L’ADNtc est détectable chez 15/88 (17%) des patients en post-chimiothérapie adjuvante et la survie sans récidive à 3 ans était de 30% en cas d’ADNtc détectable et 77% en cas d’ADNtc non détectable (p<0,001)
Dans l’étude française IDEA, évaluant une séquence de chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU et oxaliplatine de 3 mois versus 6 mois, 805 patients ont des prélèvements sanguins disponibles et analysés pour la détection d’ADNtc avant le début de la chimiothérapie adjuvante, en post-opératoire. Parmi ces patients, 109 (13,5%) avaient un ADNtc détectable positivement. En analyse multivariée, la présence d’ADNtc était un facteur pronostique indépendant (HR ajusté : 1,85 ; IC95% : 1,31-2,61 ; p<0,001). Les patients de stade III « bas risque » (T1-3N1) avec ADNtc détectable sont de mauvais pronostic. Les auteurs ont conclu que le schéma thérapeutique 3 mois devait plutôt être réservé aux patients ayant un stade III à bas risque, sans ADNtc détectable ; le schéma thérapeutique 6 mois aux autres patients (T4 et/ou N2, et/ou tout patient avec ADNtc détectable).
Perspectives et conclusions
Dans une cohorte prospective monocentrique de 150 patients suivis pour un cancer du côlon de stade I à III, Tarazona et al ont reporté que la présence d’ADNtc prélevé en post-opératoire est un marqueur pronostique mais que le suivi longitudinal de l’ADNtc (avec un panel de 29 gènes) augmente la sensibilité et spécificité de détection de l’ADNtc. L’ADNtc apparait détectable en moyenne 11,5 mois avant le diagnostic radiologique de la récidive métastatique. Cependant l’intérêt en routine clinique de cet outil pour guider la prise en charge thérapeutique n’a pas encore été évalué, notamment dans le cadre d’un diagnostic anticipé de maladie métastatique.
De nombreux essais cliniques évaluant l’intérêt pronostique de l’ADNtc et l’effet de la chimiothérapie adjuvante chez les patients ADNtc positifs de stade II et III sont en cours à l’international. En France, on peut citer dans les stade II, l’essai PRODIGE70-CIRCULATE [EudraCT no. 2019–000935-15] qui est ouvert aux inclusions.








