Hématologie

LLC/lymphome lymphocytique 1ère ligne : l’association IV jusqu’à la MRD surclasse le FCR

L’essai FLAIR a comparé l’association d’une thérapie ciblée inhibant BCL2 (le Venetoclax) et d’un inhibiteur de BTK (Ibrutinib) jusqu’à obtention d’une maladie résiduelle indétectable (MRD), au schéma d’immunochimiothérapie FCR lors du traitement de première ligne de patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou de lymphome lymphocytique (LL).

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  • 27 Janvier 2024
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    Les traitements par inhibiteurs de BTK (iBTK) et de BCL2 (iBCL2) ont bouleversé les stratégies thérapeutiques usuelles des patients atteints de LLC/LL 1,2. Ainsi, le Venetoclax, mimétique des BH3 inhibant la signalisation BCL2 et entraînant la mort cellulaire des cellules de LLC, a permis par combinaison aux anticorps monoclonaux anti-CD20 d’obtenir des maladies résiduelles (MRD) indétectables et des bénéfices significatifs de survie sans-progression chez les patients âgés et/ou comorbides et/ou en situation de rechute 2,3. D’autre part, son association avec les iBTK a également permis l’obtention de MRD indétectables et de durées prometteuses de réponse dans ce contexte 4,5.

    Face à la nécessité d’essais cliniques prospectifs et randomisés comparant l’efficacité et la tolérance de cette combinaison en première ligne, les auteurs de l’étude FLAIR ont évalué l’association Ibrutinib-Venetoclax (IV) en comparaison à l’immunochimiothérapie de référence FCR chez des patients atteints de LLC et naïfs de traitement 6.

    Une durée de traitement guidée par la MRD

    Entre Juillet 2017 et Mars 2021, 523 patients ont été inclus dans cette étude : 260 dans le groupe IV et 263 dans le groupe FCR. Les patients du groupe IV recevaient 8 semaines d’Ibrutinib en monothérapie (400 mg/jour), puis une association IV jusqu’à obtention d’une MRD indétectable, la progression de la maladie ou pour une durée maximale de 6 ans. L’âge médian des patients était de 62 ans (IQR, 56-67) et 373 patients (71,3%) étaient des hommes. En termes de risque, 7 patients présentaient une del(17p) : 3 dans le groupe IV et 4 dans le groupe FCR.

    Soixante-six pourcents des patients du groupe FCR avaient reçu 6 cycles de traitement tandis que le nombre médian de cycles reçus dans le groupe IV était 27 (2 à 72) pour l’Ibrutinib et 25 (1 à 70) pour le Venetoclax. Cent-quarante-six patients du groupe IV purent interrompre le traitement après obtention d’une MRD indétectable (29% à 24 mois, 58% à 36 mois et 78% après 60 mois). Le critère d'évaluation principal de cette étude était la survie sans-progression.

    Un bénéfice impressionnant pour les patients IGHV-non muté

    Avec un suivi médian de 43,7 mois, une progression de la maladie ou le décès survenaient chez 12 patients du groupe IV et 75 du groupe FCR. La survie sans-progression estimée à 3 ans était de 97,2% (95%CI, 94,1-98,6) dans le groupe IV et de 76,8% (95%CI, 70,8-81,7) dans le groupe FCR. Les patients au statut IGHV-non muté bénéficiait de la combinaison IV (HR 0,07 ; 95%CI, 0,02-0,19) mais pas les patients au statut IGHV-muté (HR 0,54 ; 95%CI, 0,21-1,38).

    Le décès survenait chez 9 patients (3,5%) dans le groupe IV et chez 25 (9,5%) dans le groupe FCR. La survie globale à 3 ans était de 98,0% (95%CI, 95,2-99,2) dans le groupe IV et de 93,0% (95%CI, 88,9-95,6) dans le groupe FCR. Le délai médian pour atteindre une MRD indétectable dans le sang périphérique était de 12,0 mois (95%CI, 11,5-17,3) dans le groupe IV et de 8,9 mois (95%CI, 8,5-9,1) dans le groupe FCR.

    Un profil de tolérance dominé par les cytopénies

    Les effets indésirables de grade ≥3 les plus fréquents étaient la neutropénie (10,3% dans le groupe IV et 47,3% dans le groupe FCR), l'anémie (0,8% et 15,5%, respectivement) et la thrombopénie (2,0% et 10%, respectivement). Les événements indésirables les plus fréquents, tous grades confondus, étaient la fatigue (15,5% dans le groupe IV et 49,0% dans le groupe FCR) et la neutropénie (19,4% et 58,6%, respectivement). Dans le groupe IV, 13,5% présentaient une hypertension artérielle et 13,5% une fibrillation atriale/une arythmie.

    Au total, 8 patients du groupe IV et 25 patients du groupe FCR étaient décédés. Dans le groupe IV, les causes les plus fréquentes étaient les infections (n=3), les morts subites inexpliquées (n=3, dont 2 après la fin du traitement) et les cancers secondaires (n=2) ; tandis que dans le groupe FCR, les causes les plus fréquentes étaient les infections (n=10, dont 2 Covid-19) et les cancers secondaires (n=8).

    Conclusion

    Les résultats de cette étude démontrent que la combinaison IV, pour une durée individualisée jusqu’à obtention d’une MRD indétectable, est une stratégie thérapeutique prometteuse permettant une amélioration significative de la survie sans-progression et une tendance à un bénéfice en termes de survie globale chez les patients atteints de LLC et naïfs de traitement.

    Par ailleurs, les résultats semblent particulièrement intéressants chez les patients de haut-risque (statut IGHV-non muté notamment).

     

    Références

    1. Burger JA, Barr PM, Robak T, et al. Long-term efficacy and safety of first-line ibrutinib treatment for patients with CLL/SLL: 5 years of follow-up from the phase 3 RESONATE-2 study. Leukemia 2020;34:787-98.
    2. Seymour JF, Kipps TJ, Eichhorst BF, et al. Enduring undetectable MRD and updated outcomes in relapsed/refractory CLL after fixed-duration venetoclax-rituximab. Blood 2022;140:839-50.
    3. Fischer K, Al-Sawaf O, Bahlo J, et al. Venetoclax and Obinutuzumab in Patients with CLL and Coexisting Conditions. N Engl J Med 2019;380:2225-36.
    4. Kater AP, Levin MD, Dubois J, et al. Minimal residual disease-guided stop and start of venetoclax plus ibrutinib for patients with relapsed or refractory chronic lymphocytic leukaemia (HOVON141/VISION): primary analysis of an open-label, randomised, phase 2 trial. Lancet Oncol 2022;23:818-28.
    5. Rogers KA, Huang Y, Ruppert AS, et al. Phase II Study of Combination Obinutuzumab, Ibrutinib, and Venetoclax in Treatment-Naive and Relapsed or Refractory Chronic Lymphocytic Leukemia. J Clin Oncol 2020;38:3626-37.
    6. Munir T, Cairns DA, Bloor A, et al. Chronic Lymphocytic Leukemia Therapy Guided by Measurable Residual Disease. N Engl J Med 2023.

     

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