Infectiologie

Covid-19 : échec de la fluvoxamine, un antidépresseur repositionné

Pendant la période de circulation des variants Delta et Omicron, la fluvoxamine, un antidépresseur repositionné dans la Covid-19, n’a pas permis de réduire les hospitalisations et les complications de la maladie. Pourtant, nous avons encore beaucoup appris.

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  • 24 Jan 2023
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    La pandémie de Covid-19 a surpris les sociétés développées sans aucun agent antiviral contre les coronavirus. Il s'en est suivi une recherche effrénée sur des molécules déjà approuvés, en vue d'un repositionnement contre le SARS-CoV-2. Des succès ont été obtenus avec des agents immunomodulateurs dans la lutte contre les processus hyperinflammatoires des formes graves de la Covid-19, mais la recherche sur les antiviraux a été moins productive.

    L'un des candidats étudiés les plus intéressants a été la fluvoxamine, un antidépresseur génériqué peu coûteux. Il s’agit d’un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, avec une activité anti-SARS-CoV-2, anti-inflammatoire et antiplaquettaire possible. Au cours de la pandémie, de multiples essais cliniques évaluant l'efficacité et la sécurité de la fluvoxamine pour le traitement des formes légères à modérées de la Covid-19 ont donné des résultats contradictoires.

    Échec dans les formes légères à modérées

    L'essai ACTIV-6, publié dans le JAMA, ne démontre pas d’efficacité de la fluvoxamine dans le traitement de la Covid-19 légère à modérée. L'essai clinique randomisé « Accelerating COVID-19 Therapeutic Interventions and Vaccines », (ou ACTIV-6) a été conçu pour tester les traitements ambulatoires de la Covid-19 légère à modérée et a été mené aux Etats-Unis pendant les périodes où le variant Delta et les premiers sous-variants Omicron dominaient. Parmi les 1 288 participants qui ont terminé l'essai, 674 ont été randomisés pour recevoir 50 mg de fluvoxamine deux fois par jour pendant 10 jours et 614 ont été randomisés pour recevoir un placebo.

    Le temps médian de rétablissement est de 12 jours dans le groupe fluvoxamine contre 13 jours dans le groupe placebo, et il n'y a pas de bénéfice significatif sur le critère primaire du temps de rétablissement durable. En ce qui concerne le critère composite secondaire, à savoir l'hospitalisation, la consultation en urgence, la visite dans un service d’urgences ou le décès au 28e jour, le groupe fluvoxamine enregistre un taux d'événements de 3,9%, contre 3,8% dans le groupe placebo. Les taux d'hospitalisation et de mortalité ont été extrêmement faibles dans cette étude, avec 1 participant hospitalisé dans le groupe fluvoxamine et 2 participants dans le groupe placebo, et aucun décès dans les deux groupes.

    Une étude représentative

    Bien qu'il ne s'agisse pas d'une condition préalable à l’inclusion, les comorbidités à haut risque (36,4% des patients avaient un indice de masse corporelle > 30, 24,4% souffraient d'hypertension, 13,2% d'asthme et 9,2% de diabète) étaient fréquentes et 67% avaient reçu au moins 2 doses de vaccin contre le SARS-CoV-2. Peu de participants (4 %) ont été traités de façon concomitante avec d'autres traitements contre la Covid-19.  La dose plus faible de fluvoxamine (50 mg deux fois par jour) a été choisie pour une meilleure tolérance et une meilleure observance par rapport à une dose de 100 mg deux fois par jour ou trois fois par jour utilisée dans les essais Covid-19 précédents.

    Les essais antérieurs qui ont évalué la fluvoxamine pour le traitement de la Covid-19 ont donné des résultats variables. Les essais STOP COVID et TOGETHER ont rapporté des bénéfices, mais pas les essais STOP COVID 2 et COVID-OUT. Comme pour la plupart des études sur le traitement de la Covid-19, l'interprétation croisée de ces essais est compliquée par le fait qu'ils différent par leur lieu et leur période de réalisation, les variants circulants pendant l’étude, les facteurs de risque associés dans leurs populations et les taux de vaccination. Ils ont également utilisé des schémas posologiques différents et évalué des résultats cliniques différents. Cependant, la fluvoxamine ne semble pas efficace dans cette large étude représentative.

    Une nouvelle phase de l'épidémie

    Selon un éditorial associé, si elles n’ont pas été couronnées de succès, les études sur la fluvoxamine méritent d'être soulignées d’après les experts pour leur constance à étudier le rôle possible de ce traitement peu coûteux. D'une certaine manière, la répétition des études avec la fluvoxamine au cours de la pandémie de la Covid-19 soulève une autre question : la nécessité de poursuivre l'étude des antiviraux autorisés à mesure que la pandémie évolue.

    Les médicaments qui se sont révélés efficaces plus tôt dans des populations immuno-naïves et contre les variants plus problématiques du SARS-CoV-2 doivent faire l'objet d'études plus approfondies pour définir leur rôle dans avec l’évolution de l’immunisation des populations et celle des variants de la Covid-19. En l’absence de taux élevés d’hospitalisation, il n’est pas sûr que ces molécules soient encore intéressantes.

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    JDF