Des anomalies érythrocytaires sont observées au cours de l’hypertension artérielle pulmonaire, notamment une anisocytose. Ces anomalies pourraient constituer un bon marqueur, dont l’analyse serait peu invasive, de l’évolution de la maladie.  D’après un entretien avec Etienne-Marie JUTANT.

Une étude française, dont les résultats sont parus en mai 2022 dans l’European Respiratory Journal, a cherché à évaluer l’intérêt que pourraient avoir les anomalies des hématies observées au cours de l’HTAP dans la physiopathologie de la maladie, son évolution et son pronostic.  Ce travail a été réalisé au laboratoire de l’Hôpital Marie Lannelongue au Plessis-Robinson, dédié à la recherche sur l’hypertension pulmonaire et dirigé par le Professeur Marc HUMBERT, en association avec le centre de référence de l’hypertension pulmonaire de l’hôpital Bicêtre dirigé par Marc HUMBERT. Les auteurs ont observé les hématies de 35 patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire et les ont comparées aux hématies de 35 adultes sains. Ce même travail a été réalisé sur des modèles animaux.

Des anomalies des cellules circulantes au cours de l’HTAP

Le docteur Etienne-Marie JUTANT, pneumologue à l’Hôpital de Poitiers, et auteur de ce travail, rappelle le caractère rare et incurable de l’hypertension pulmonaire, liée à l’obstruction progressive des petites artères pulmonaires, qui entraine une insuffisance cardiaque droite et mène au décès du patient. Il souligne que les traitements utilisés prolongent la survie mais qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement curatif de cette pathologie. Etienne-Marie JUTANT insiste donc sur l’importance des travaux de recherche sur l’hypertension artérielle pulmonaire. Il précise que les mesures de suivi de la pression artérielle pulmonaire sont réalisées par des gestes invasifs et que des marqueurs sanguins permettent de faciliter ce suivi. C’est pourquoi l’étude des cellules circulantes, notamment des hématies a un grand intérêt, même si les cellules les plus atteintes sont les cellules de la paroi artérielle pulmonaire.  L’observation de ces anomalies constitue une aide à la compréhension de la maladie et peut permettre d’envisager les altérations des globules rouges comme un marqueur intéressant à étudier de manière prospective.

L’anisocytose : un marqueur de l’HTAP ?

Etienne-Marie JUTANT explique que ce travail a confirmé que les hématies des patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire sont anormales. On retrouve fréquemment une anisocytose, mesurée sur l’indice de distribution des érythrocytes lors de la numération formule sanguine. La corrélation de cette anisocytose avec les maladies cardiovasculaires est déjà connue. L’anisocytose est également présente au cours de l’hypertension artérielle pulmonaire et, de plus, elle est corrélée à un moins bon pronostic de la maladie. Plus l’indice de distribution des érythrocytes est élevé plus les formes sont sévères et de mauvais pronostic. Etienne-marie JUTANT expose deux mécanismes possibles pouvant expliquer l’anisocytose. La protéine CD47, qui joue un rôle de protection contre la destruction des hématies sénescentes est exprimée de façon plus importante sur la membrane des hématies, dans l’HTAP, ce qui pourrait expliquer les différences de tailles des globules rouges car les plus sénescents seraient moins détruits. D’autre part, l’augmentation du stress oxydant dans les hématies de patients atteints d’HTAP participe à l’inflammation locale, ce qui a été confirmé sur les modèles animaux.  Ainsi, au cours de l’hypertension artérielle pulmonaire, la différence de taille des hématies, qui ont davantage de protéine CD47 sur leur membrane, et l’augmentation du stress oxydant limitent la destruction des hématies sénescentes et augmente l’inflammation.

En conclusion, l’anisocytose observée au cours de l’hypertension artérielle pulmonaire pourrait représenter un marqueur pronostic, dont l’analyse est peu invasive. Les observations réalisées dans ce travail ouvrent la porte à des études prospectives en ce sens.