Rhumatologie

Gonarthrose : pas d’effet délétère des infiltrations de corticoïdes

Par comparaison aux infiltrations d’acide hyaluronique, les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes en nombre raisonnable ne sont pas associées à un risque plus élevé de progression de la gonarthrose. Il y aurait peut-être même moins de mises en place de prothèses.

  • Khaosai Wongnatthakan/istock
  • 07 Mar 2022
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    La gonarthrose est une affection articulaire fréquente qui affecterait une personne de plus de 50 ans sur 8. Les infiltrations intra-articulaires d’acide hyaluronique et/ou de corticoïdes sont des traitements fréquemment utilisés.

    Cependant, des études observationnelles ont soulevé un risque élevé de progression sous corticoïde par rapport à l’absence d’infiltration, bien que les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes soient généralement utilisées au cours des gonarthroses les plus sévères et les plus évolutives.

    Dans cette perspective, si les infiltrations intra-articulaires n’ont pas d’effet chondroprotecteur démontré, elles n’ont pas été associées à une augmentation de la progression radiologique et elles peuvent contituer un comparateur pertinent.

    Pas d’augmentation du risque sous corticoïdes

    Dans une analyse combinée de 2 grandes cohortes prospectives d’arthrose où les malades sont bien documentés et suivis, l’Osteoarthritis Initiative (OAI) et la Multicenter Osteoarthritis Study (MOST), il ne semble pas y avoir d’effet délétère d’un nombre raisonnable d’infiltrations intra-articulaires de corticoïdes par rapport à celles d’acide hyaluronique.

    L’analyse a porté sur le nombre d’injections intra-articulaires de corticoïdes et d’acide hyaluronique, qui sont utilisées chez à peu près les mêmes malades, ainsi que sur le pincement articulaire et le taux de remplacement prothétique, un critère dur que la qualité de ces cohortes prospectives autorise. L’analyse statistique a inclus des méthodes de contrôle des biais prenant en compte l’âge, le sexe et l’IMC des malades et le stade de la gonarthrose. L’étude est publiée dans le journal Arthritis & Rheumatology.

    Pas d’augmentation du risque de prothèses

    Pour l’évaluation de la progression radiologique, 980 genoux ont été analysés chez 791 malades, dont 773 genoux ont reçu des infiltrations de corticoïdes et 207 des injections intra-articulaires d’acide hyaluronique. Les taux de progression radiologiques sont similaires dans les 2 groupes avec un rapport de risque de progression du pincement articulaire sous corticoïde de 1.00 (IC à 95% 0.83-1.21). Les chiffres sont comparables pour la progression du score radiologique de Kellgren and Lawrence, de même si l’analyse est réduite au compartiment médial.

    Pour l’évaluation sur la mise en place d’une prothèse articulaire, 1513 genoux ont été analysés, dont 1235 ont eu des infiltrations de corticoïdes et 278 des injections intra-articulaires d’acide hyaluronique. Les genoux qui ont reçu des infiltrations intra-articulaires de corticoïde auraient un risque légèrement plus faible d’avoir une pose de prothèse articulaire par rapport à ceux traités par acide hyaluronique (RR = 0.75 ; IC à 95% 0.51-1.09), mais la différence n’atteint pas la significativité.

    Pas de risque avec une utilisation raisonnable

    A minima, cette analyse montre une absence d’augmentation du risque de progression de l’arthrose radiologique et de mise en place d’une prothèse chez les malades infiltrés avec des corticoïdes par rapport à ceux infiltrés avec de l’acide hyaluronique. Les taux de progression radiologiques semblent similaires alors qu’initialement les injections d’acide hyaluronique avaient été proposées pour réduire le risque de mise en place d’une prothèse articulaire. Même si l’effet chondroprotecteur de l’acide hyaluronique n’a jamais été démontré, aucune étude n’a jamais non plus montré une accélération de la progression de la gonarthrose sous acide hyaluronique. Il en est de même pour le risque de mise en place d’une prothèse totale de genou.

    À l’analyse des 2 cohortes, les patients qui reçoivent des infiltrations de corticoïdes ou d’acide hyaluronique sont assez proches en termes d’âge, de sexe, de BMI, de score de la douleur et de score radiologique, donc le biais de patients plus sévères dans le groupe corticoïde ne semble pas s’appliquer ici.

    Par contre, il est important de noter que le nombre d’infiltrations intra-articulaires a été faible, tant pour les corticoïdes que pour l’acide hyaluronique, et que ces résultats peuvent ne pas s’appliquer aux malades qui reçoivent des infiltrations itératives de corticoïdes.

    En pratique

    Ces données sont plutôt rassurantes au vu des pratiques françaises qui recommandent de n’utiliser les corticoïdes intra-articulaires qu’en cas de poussées congestives de gonarthrose et avec un nombre limité d’injection (≤ 3/an).

    Mieux vaut donc utiliser une ou 2 infiltrations de corticoïdes à bon escient, c’est-à-dire pour stopper une poussée congestive résistante à un traitement AINS malgré la mise en décharge, articulaire que de laisser évoluer la maladie à bas bruit et d’aboutir plus rapidement à la prothèse.

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    JDF