Onco-digestif

Adénocarcinome œsogastrique opéré : quel impact de la chimiothérapie postopératoire après chimiothérapie préopératoire ?

En cas de cancer oesogastrique, l'intérêt d'une chimiothérapie postopératoire chez les malades ayant reçu un traitement préopératoire est débattu. Cette étude apporte des arguments en faveur du traitement postopératoire avec une amélioration de la survie globale chez les malades traités. Cet effet semble particulièrement prononcé en cas de localisation œsophagienne et d'envahissement ganglionnaire résiduel (ypN+) à l'issu de traitement préopératoire.

  • Istock/magicmine
  • 28 Fév 2022
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    Actuellement la très grande majorité des malades ayant un cancer œsogastrique résécable reçoit une chimiothérapie périopératoire ou une radio chimiothérapie préopératoire. Ces deux modalités de traitement ont démontré leur supériorité par rapport à la chirurgie seule. Chez les patients recevant une chimiothérapie préopératoire, la question de l’intérêt de la reprise de la chimiothérapie en postopératoire se pose toujours. En effet, beaucoup d’équipes considèrent que l'essentiel de l'effet du traitement périopératoire est obtenu grâce à la composante préopératoire de la stratégie. De plus, les données issues des essais contrôlés ont montré que seuls 50 à 60 % des patients peuvent débuter la chimiothérapie adjuvante et moins de 50% reçoivent le traitement postopératoire complet ce qui s’explique souvent par des complications et une altération de l’état général au décours de la chirurgie limitant l’administration de la chimiothérapie.
     

    Un registre pour des données de vie réelle

    Les auteurs rapportent les résultats d'une étude de registre de malades opérés d'un cancer oesogastrique en Grande-Bretagne dont l'objectif était d'évaluer l'effet du traitement postopératoire chez des malades ayant reçu une chimiothérapie préopératoire. Les malades ayant eu une radiochimiothérapie préopératoire ont été exclus. Le critère principal de l'étude était la survie globale. De 2012 à 2018, 4139 patient ont été pris en charge pour un cancer esogastrique dans 58 centres. Il s'agissait en majorité de patients opérés d’adénocarcinome de l'oesophage ou de la jonction oesogastrique, les cancers de l'estomac ne représentant que 23 % de l'effectif. Le régime de chimiothérapie préopératoire le plus couramment utilisé était l’ECX (75 %) et moins de 5 % des malades avez reçu une chimiothérapie par FLOT. Les malades avaient eu une oesophagectomie (59 %), une gastrectomie totale (17 %) ou une gastrectomie partielle (10 %). Une chimiothérapie postopératoire a pu être initiée dans les 90 jours postopératoires chez seulement 38,5 % des malades ; ceux-ci étaient significativement plus jeunes (p<0.001), avaient moins de comorbidités (p<0.001), et avaient eu moins de complications chirurgicales (p<0.001). En revanche les caractéristiques tumorales étaient similaires entre les patients avec ou sans chimiothérapie postopératoire.

    Des résultats sur la survie globale

    L'analyse sur l'ensemble de l'effectif a montré que l'administration d'une chimiothérapie postopératoire était associée à une amélioration de la survie globale par rapport l’absence de traitement avec un HR = 0,78 (IC95 % : 0,70- 0,86 ; p<0,001) et une augmentation de la médiane de survie de 49,4 de à 67,2 mois (p < 0,001). Après ajustement par un score de propension selon la méthode IPTW, le gain en faveur de la chimiothérapie postopératoire était toujours significatif avec une médiane de survie à 62,7 mois chez les malades traités vs 50,4 mois chez les malades non traités (p = 0,004). En analyse de sous-groupe, le bénéfice en terme de survie était significatif pour la localisation esophagienne mais (p< 0,001) mais pas pour la localisation gastrique (p = 0,251) alors même que la proportion de malades recevant une chimiothérapie était plus importante parmi les malades opérés d’un cancer gastrique. Il n'y avait pas de différence significative en faveur de l'administration d'une chimiothérapie postopératoire chez les malades opérés d'un cancer esogastrique ypN0, en revanche il existait un gain de survie associée à la chimiothérapie postopératoire chez les malades opérés d’un cancer ypN+. L'analyse de sous-groupe suggère que la reprise d'une chimiothérapie pourrait ne pas être nécessaire chez les malades ypN0, c’est pourtant chez eux qu’elle semble avoir été la plus efficace en préopératoire. Au contraire, les malades ypN+ pour lesquels l’effet de la chimiothérapie préopératoire a peut-être été moins marqué pourrait bénéficier du traitement postopératoire. Ce sont bien les résultats de l’étude mais comment les réconcilier avec la logique clinique ?

     

    Cette étude comporte des limites puisqu'il s'agit d'une analyse rétrospective de données de registre. Les auteurs ont tenté de limiter l'effet des biais d'indication par l'utilisation d'un score de propension. Cependant il est très difficile d'affirmer que l'effet positif de la chimiothérapie postopératoire n'est pas en réalité lié à la sélection des situations cliniques les plus favorables (patients jeunes ayant moins de comorbidités). Seul un essai randomisé incluant uniquement les patients en postopératoire et en état de recevoir une chimiothérapie permettrait définitivement de trancher la question de l'intérêt de ce traitement.  Cette étude confirme une dure réalité selon laquelle l'administration de la chimiothérapie postopératoire pose problème puisque moins de 40 % des malades peuvent démarrer le traitement. L'étude n'apporte malheureusement pas de données permettant d'expliquer ce chiffre bien que l’altération de l'état général du patient au décours de la chirurgie en soit très certainement la principale explication

    Les auteurs ont conclu que chez les malades ayant reçu une chimiothérapie préopératoire pour cancer oesogastrique, la reprise d'une chimiothérapie postopératoire permet d'améliorer la survie globale.   

     

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    JDF