Onco-digestif
Cancers de l’oesophage : l’immunothérapie à tous les stades et à toutes les étapes de traitement
La prise en charge des cancers de l’œsophage est encore compliquée alors que c'est un cancer de plus en plus fréquent avec une mortalité importante. L’immunothérapie pourrait apporter une réponse aux problématiques des praticiens quel que soit le stade du cancer.
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Avec plus de 4500 cas par an, l’incidence du cancer de l’œsophage a été multipliée par 6 en 30 ans. Le pronostic de ce cancer est sombre avec une survie en France de 13,9 % à 5 ans tous stades confondus.
Pour les formes avancées, la chimiothérapie palliative est recommandée, même si son bénéfice n’est pas clairement démontré.
Meilleure survie au-delà de L1 des carcinomes épidermoïdes de l’œsophage avancés.
Une première étude de phase III publiée fin 2019, l’étude ATTRACTION-3, a comparé le nivolumab (240 mg toutes les 2 semaines) à une chimiothérapie par taxane, chez des patients atteints de carcinome épidermoïde (CE) de l’œsophage avancé en 2e ligne de traitement après échec d’une association à base de fluoropyrimidine et sel de platine. Une très large majorité des patients était asiatique (96%). Cet essai est positif et montre une amélioration de la survie globale (SG) avec le nivolumab avec une médiane de 10,9 mois versus 8,4 mois dans le bras chimiothérapie (HR=0,77, p=0,019). Le bénéfice était retrouvé quelle que soit l’expression de PD-L1.
En octobre 2020 était publié l’essai Keynote 181, qui a également comparé un anti-PD-L1, le pembrolizumab cette fois ci, à une chimiothérapie par taxane ou irinotécan en 2ème ligne. Des patients atteints de CE (64%) mais aussi d’adénocarcinome (ADK) (36%) ont été inclus. Une forte expression de PD-L1, caractérisée par un PD-L1 « combined positive score » (PD-L1 CPS) ≥10, est retrouvée chez 35% des patients. Le pembrolizumab permet une amélioration de la SG chez les patients ayant un CE (8,2 mois versus 7,1 mois (HR=0,78 ; p = 0,0095) et chez ceux ayant un PD-L1 CPS≥10 (médiane, 9,3 v 6,7 mois ; HR=0,69 ; p = 0,0074). Cette différence était encore plus marquée dans le sous-groupe des CE avec PD-L1 CPS≥10 (SG médiane de 10,1 mois versus 6,7 mois). En revanche, aucune différence significative n’est observée dans le sous-groupe des ADK.
Ces deux études montrent un bénéfice de survie avec les anti-PD-1 qui n’avait jamais été démontré dans cette indication, avec, de plus, une amélioration de la qualité de vie et du profil de tolérance. Elles ont permis une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis et en Chine pour les CE avancés du nivolumab et du pembrolizumab (restreinte aux patients PD-L1 CPS≥10 pour le pembrolizumab). Aucune AMM n’a à ce jour été obtenue en France en revanche.
l'immunochimiothérapie dès la L1 augmente la survie des patients avec un cancer de l’œsophage avancé
L’essai de phase III Keynote 590 présenté au congrès de l’ESMO 2020 positionne le pembrolizumab en L1 de traitement chez des patients ayant un ADK (27%) ou un CE (73%) de l’œsophage avancé, en combinaison avec une chimiothérapie (CT) par 5FU + cisplatine. Environ la moitié des patients avaient un score PD-L1 CPS≥10.
La SG médiane dans l’ensemble de la population est de 12,4 mois chez les patients traités par pembrolizumab + CT versus 9,8 mois pour les patients traités par placebo + CT (HR=0,73, p<0,0001). Cette médiane atteint 13,5 mois chez les patients atteints de tumeurs PD-L1 CPS≥10 (versus 9,4 mois avec placebo, HR=0,62, p<0,0001) et 12,6 mois chez ceux ayant un carcinome épidermoïde (versus 9,8 mois, HR=0,72, p=0,0006). Si l’on combine l’histologie épidermoïde et le score PD-L1 CPS≥10, le bénéfice est encore plus marqué dans ce sous-groupe avec une médiane de SG de 13,9 mois avec le pembrolizumab versus 8,8 mois avec le placebo (HR = 0,57, p < 0,0001). La SSP médiane et le taux de réponse est également significativement augmenté par l’ajout du Pembrolizumab.
Avec cet essai positif dans l’ensemble des sous-groupes, la combinaison pembrolizumab + CT peut être considérée comme un nouveau standard thérapeutique en 1ère ligne. Comme dans l’étude de 2ème ligne KEYNOTE-181, le bénéfice est plus marqué chez les patients ayant un CE et un score PD-L1 CPS≥10. A ce jour cependant, il n’y a pas d’autorisation d’utilisation en Europe.
Nivolumab en traitement adjuvant après radiochimiothérapie et chirurgie.
Après une séquence radiochimiothérapie pré-opératoire suivie d’une chirurgie carcinologique, les patients ayant une tumeur résiduelle sur la pièce opératoire ont un risque élevé de récidive. Aucun traitement adjuvant n’a jusqu’ici prouvé son efficacité pour la réduction de ce risque.
Présentée au congrès de l’ESMO 2020, l’étude Checkmate 577 est une étude internationale de phase III, testant le nivolumab pendant 1 an versus placebo chez les patients opérés d’un cancer de l’œsophage de stade II et III après radiochimiothérapie, et ayant une tumeur résiduelle sur la pièce opératoire (ypT≥1 et/ou ypN≥1). Cette étude incluait à la fois les patients avec un ADK (71%) et ceux avec un CE (29%) et incluait également les patients avec un cancer de la jonction œsogastrique (JOG, 40% des patients). 794 patients ont été inclus (nivolumab : 532, placebo : 262).
L’étude est très nettement en faveur du nivolumab en adjuvant, puisque la médiane de survie sans maladie (SSM) est doublée par ce traitement (22,4 mois vs 11 mois ; HR=0,69 ; p=0,0003). Tous les sous-groupes bénéficient de l’anti-PD-L1, quel que soit l’expression de PD-L1, l’histologie ou la localisation.
Malgré cette étude incontestablement positive, il n’est pas évident que ces résultats permettent une AMM en Europe, en tout cas en l’absence de données sur la survie globale. De plus, il existe d’autres options thérapeutiques pour les cancers de l’œsophage, comme La radiochimiothérapie exclusive pour les CE, ou une chirurgie encadrée par une chimiothérapie péri-opératoire pour les ADK de la JOG. L’immunothérapie ne pourra pas s’intégrer dans ces autres stratégies sur la base de ces résultats.
Conclusion
L’immunothérapie par anticorps anti-PD-1 (pembrolizumab ou nivolumab) démontre une activité dans les cancers de l’œsophage à tous les stades, allant du traitement adjuvant des tumeurs localisées au traitement des patients ayant une tumeur avancée en 1ère ou 2ème ligne.
Dans les formes avancées, son efficacité est plus marquée dans les carcinomes épidermoïdes, et plus particulièrement en cas de score PD-L1 CPS≥10. Ces traitements devraient donc devenir des armes incontournables dans les stratégies thérapeutiques de ces patients lorsque des AMM auront été obtenues.








