Santé publique
Antibiotiques : leur surconsommation menace la santé mondiale
La consommation mondiale d'antibiotiques est passée de 21,1 milliards de doses quotidiennes en 2000 à 34,8 milliards en 2015, soit une augmentation de 65%. Si elle continue à progresser, les dégâts pourraient être considérables.
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La blague a été faite et refaite, mais force est de constater que les antibiotiques sont de plus en plus automatiques dans le monde, selon une nouvelle étude publiée lundi 26 mars dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Les chercheurs tirent la sonnette d’alarme : "la résistance aux antibiotiques, entraînée par la consommation d'antibiotiques, est une menace croissante pour la santé mondiale". La consommation d'antibiotiques mondiale est passée de 21,1 milliards de doses quotidiennes en 2000 à 34,8 milliards en 2015, soit une augmentation de 65%.
Une augmentation de 114% en 16 ans
Dans le détail, il est intéressant de constater que sur les 76 pays étudiés par les chercheurs, seuls ceux ayant un revenu intermédiaire ou faible (LMIC) ont fortement augmenté leur consommation d’antibiotiques (+114% en 16 ans). Le recours aux antibiotiques a par exemple augmenté de 50% en Inde, de 79% en Chine et de 65% au Pakistan. Grâce aux campagnes de sensibilisation, la hausse de consommation d’antibiotiques est en revanche faible (+ 6%) chez les pays à haut revenu (HIC) tels que la France, l’Italie ou les Etats-Unis.
10 millions de décès annuels d'ici à 2050
L’explosion de la consommation d’antibiotiques mondiale, tirée par les pays aux revenus intermédiaires ou faibles (LMIC), s’explique par "un meilleur accès à des médicaments nécessaires dans des pays avec beaucoup de maladies qui peuvent être traitées efficacement avec des antibiotiques", selon Eili Klein, chercheur au Center for Disease Dynamics, Economics & Policy et l'un des auteurs de l'étude. Ainsi, "les projections de la consommation globale d'antibiotiques en 2030, présumant aucun changement de politique, sont jusqu'à 200% supérieures aux 42 milliards de doses quotidiennes déterminées en 2015", précise l’étude.
La résistance croissante des bactéries aux antibiotiques provoque 700 000 décès par an dans le monde. Si rien n’est fait, elle pourrait causer pas moins de dix millions de décès par an d'ici à 2050. Proscrire les prescriptions inadéquates d’antibiotiques (30% dans les pays à haut revenu) tout en développant des médecines alternatives constitue d’importants leviers d’action contre ce problème de santé publique mondial.
Des microorganismes qui mutent en permanence
Début février, un collectif de médecins, conscients de la responsabilité du corps médical a lancé une alerte par la voix du professeur Eric Sonneville, dans les colonnes du Parisien. "Si la résistance aux antibiotiques continue à progresser à ce niveau d’intensité, sans autre option de soin, il y aura bientôt des infections banales que l’on ne pourra plus soigner".
Les antibiotiques sont pourtant l'une des plus belles inventions de l'intelligence humaine, mais le combat contre les microbes, que l’on pouvait espérer terminé, est loin d’être gagné. C’est même un combat très inégal : il réside un million de milliards de millions de microbes un peu partout sur notre planète pour 6 milliards et demi d’individus qui croyaient, il y a 70 ans, avoir gagné le combat avec la découverte des antibiotiques.
Des centaines de milliers de tonnes de ces médicaments ont été déversées dans la nature ou consommées par les humains, sans réserve ni précautions. Conséquence : les bactéries ont muté et sont devenues résistantes. Un microbe n’est pas un organisme frustre, mais une machine infernale rompue à la guerre et dotée d’une vraie intelligence qui nous dépasse, compte tenu de sa taille et de sa simplicité. Chaque nouvel antibiotique est salué quelques années plus tard, par la transformation du microbe qui apprend à lui résister.








