Infectiologie
Dengue : un nouveau traitement efficace en prévention de l’infection
Un nouveau traitement contre la dengue démontre une réelle efficacité dans un essai publié par The New England Journal of Medicine (NEJM) Mais son développement est, à ce stade, suspendu.
- panom/istock
Des résultats majeurs ont été annoncés au cours des derniers jours sur une pathologie encore sans traitement, la dengue contractée par plus de 14 millions de patients en 2024. Le 26 novembre dernier, le premier vaccin mondial à dose unique contre la dengue, mis au point par l’Institut Butantan, est approuvé au Brésil. Le même jour, un essai publié dans le The New England Journal of Medicine (NEJM) rapporte que l’antiviral oral Mosnodenvir, administré quotidiennement à haute dose, réduit significativement la charge virale de Dengue chez des volontaires sains infectés expérimentalement par le sérotype 3 (DENV-3). Cette étude constitue la première démonstration d’une prophylaxie antivirale efficace contre la dengue.
L’essai présenté est un CHIM, c’est-à-dire un controlled human infection model, dans lequel des volontaires sains reçoivent un virus dengue DENV-3 atténué et génétiquement stable. L’étude, randomisée, en double insu, compare trois doses de mosnodenvir à un placebo. La phase de charge du traitement dure cinq jours, suivie de vingt-et-un jours de traitement d’entretien, jusqu’à la période d’inoculation et de suivi sérologique. Le critère principal retenu est l’aire sous la courbe de charge virale entre le jour 1 et le jour 29, mesurée par quantification de l’ARN viral. Les critères secondaires incluent la survenue de symptômes, la séroconversion et les marqueurs biologiques de l’infection.
Pas d’infection dans le groupe a haute dose.
Les résultats sont sans ambiguïté : dans le groupe haute dose, 60 % des participants (6 sur 10) n’ont montré aucun signe d’infection (ni charge virale détectable, ni séroconversion, ni symptômes associés), contre 0 % dans le groupe placebo (0 sur 7). Par ailleurs, la charge virale a été fortement réduite (p < 0,001) dans le groupe haute dose versus placebo.
Concernant les effets secondaires, mosnodenvir a été globalement bien toléré. : aucun événement indésirable grave n’a été rapporté dans cette petite cohorte. Les concentrations plasmatiques du médicament ont atteint un plateau stable pendant la période d’entretien. Une variation d’acides aminés dans la région NS4B du génome viral a été détectée chez tous les receveurs de mosnodenvir séquencés — mais pas chez les sujets placebo — suggérant un possible début de sélection virale.
Ces résultats confirment que l’inhibition de l’interaction NS3-NS4B est une cible pharmacologique valide pour un antiviral anti-DENV. Mosnodenvir pourrait représenter — en particulier à haute dose — un moyen de prophylaxie antivirale en zone endémique ou lors de voyages. Ce qui serait un complément ou une alternative à la vaccination.
Émergence de résistances
Cependant, un revers important ressort de récentes analyses génomiques. Des lignées de Dengue virus sérotype 2 (DENV-2), collectées lors de l’épidémie 2023-2024 dans les Antilles françaises, parmi d’autres, présentent une mutation NS4B:V91A associée à une baisse très marquée de sensibilité à mosnodenvir (> 1000-fois moins sensible in vitro).
De telles lignées, résistantes au médicament, semblent avoir émergé à plusieurs reprises au cours des trente dernières années dans DENV-2 et DENV-3 — ce qui pose un sérieux défi à l’efficacité clinique de l’antiviral face aux virus circulants.
Une molécule intéressante dans les limbes
Autre obstacle majeur, malgré ces résultats encourageants en CHIM, Johnson & Johnson a annoncé en octobre 2024 l’arrêt de son étude de phase 2 sur le terrain évaluant la prévention de la dengue chez des adultes exposés naturellement. Cette interruption s’inscrit dans le cadre d’une réorganisation stratégique de son portefeuille R&D. Aucun problème de sécurité n’a été évoqué.
Plusieurs autres traitements contre la dengue sont toutefois en cours de développement. Novartis a lancé l'an dernier un essai de phase 2 d'un composé EYU688, qui cible également une protéine impliquée dans la réplication virale. Cette étude devrait s'achever en septembre 2026. Quant au Serum Institute of India, il mène un essai de phase III avec un anticorps monoclonal.
En dépit de freins virologiques et stratégiques, la recherche autour de la dengue s’accélère. Et enregistre des progrès majeurs. A suivre.








