Onco-Digestif
Cancer colorectal métastatique dMMR/MSI : quelle place pour la double immunothérapie?
Les cancers colorectaux métastatiques (CCRm) avec instabilité microsatellitaire (dMMR/MSI) sont très sensibles à l’immunothérapie et le traitement de référence de 1ère ligne est le pembrolizumab. L’essai CheckMate 8HW présenté à l’ASCO GI 2025 et publié simultanément dans le Lancet évaluait la combinaison nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab seul en 1ère ligne dans les CCRm dMMR/MSI.
- valiantsin suprunovich/iStock
Les cancers colorectaux métastatiques (CCRm) avec instabilité microsatellitaire (dMMR/MSI) représentent 5 % des CCRm. Plusieurs essais ont montré l’efficacité majeure des inhibiteurs de point de contrôle immunitaires dans ces tumeurs, notamment l’essai de phase III KEYNOTE-177 qui a démontré la supériorité du pembrolizumab (anti-PD1) à la chimiothérapie en 1ère ligne chez les patients avec un CCRm dMMR/MSI naïf de traitement (1).
L’essai de phase III CheckMate 8HW comparait la combinaison nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab seul versus traitement standard (chimiothérapie plus thérapie ciblée) en 1ère ligne de traitement des CCRm dMMR/MSI. Les premiers résultats présentés à l’ASCO GI 2024 et publié dans le New England Journal of Medicine ont démontré la supériorité du nivolumab plus ipilimumab versus traitement standard en survie sans progression (SSP) (2).
De manière simultanée il est présenté les résultats de la combinaison nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab seul à l’ASCO GI 2025 et publié dans le Lancet. Le critère de jugement principal était la survie sans progression (SSP) chez les patients avec un statut dMMR en immunohistochimie et MSI en biologie moléculaire confirmé en relecture centralisée. Il était important de noter que la comparaison était toute ligne de traitement et seulement 57% avait été traités en 1ère ligne.
Un gain de 12% de survie sans progression avec la double immunothérapie
Au total, 707 patients ont été inclus et randomisés, 354 dans le bras nivolumab plus ipilimumab et 353 dans le bras nivolumab. Les caractéristiques étaient homogènes entre les 2 groupes, avec un âge médian de 63 ans, 50 % d’hommes, 69 % de tumeurs coliques droites et 27 % de mutation BRAF. Les taux de réponse objective étaient respectivement de 71 % et 58 %. La médiane de suivi était de 47,0 mois. La SSP était significativement en faveur des bras nivolumab plus ipilimumab (non atteinte [95 % CI 53,8–non atteinte] versus 39,3 mois [22,1–non atteinte] ; HR=0,62 [95 % CI 0,48–0,81] ; P=0,0003) avec 71 % de patients vivants et non progressif à 24 mois versus 56 % dans le bras nivolumab. Il est à noter que 125 patients ont été exclus de l’analyse en raison d’un statut dMMR/MSI-H non confirmé en relecture centralisée. Le gain en SSP était retrouvé dans tous les sous-groupes.
Les données de survie globale n’étaient pas encore matures. La tolérance de la combinaison nivolumab plus ipilimumab était moins bonne que celle du nivolumab seul avec plus effets indésirables de grade 3-4 relié au traitement (22 % versus 14 %), essentiellement des colites (3 % versus 2 %) et des dysfonctions endocriniennes (8 % versus 3 %). Trois décès reliés au traitement ont été observées dont 2 dans le bras nivolumab plus ipilimumab.
Perspectives
Cette étude de phase III est positive avec un gain en SSP du bras nivolumab plus ipilimumab versus nivolumab seule dans les CCRm dMMR/MSI avec un effet plateau et un gain de 15 % du risque de progression. Ce gain est observé dans l’ensemble des sous-groupes dont les tumeurs BRAF et RAS mutés et les patients avec une carcinose péritonéale.
La principale limite de l’étude est l’absence d’analyse du sous-groupe des patients en 1ère ligne car la question actuelle est bi ou mono immunothérapie en L1 tout en sachant que les patients en ligne avancés sont plus immuno-résistants et bénéficient peut être plus de la bi-immunothérapie. De plus, la recherche de facteurs prédictifs permettant de choisir entre mono et bi-immunothérapie semble indispensable.
La tolérance de la combinaison nivolumab plus ipilimumab est acceptable et meilleure que dans d’autres études avec cette même combinaison avec néanmoins plus d’effets secondaires que le nivolumab seul mais sans majoration des décès toxiques. Une demande d’accès précoce est en cours en France et la question reste la sélection des bons patients à traiter par bi-immunothérapie.








