Onco-Digestif
Cancer du rectum localement évolué : nouveau schéma de traitement néoadjuvant total (TNT) efficace
Le traitement néoadjuvant total (TNT) incluant radiochimiothérapie (RCT) et chimiothérapie administrée avant (induction) ou après (consolidation) l’irradiation, a démontré son intérêt dans la prise en charge des cancers du rectum localement évolués (CRLE). Il apporte les mêmes avantages que la RCT en termes de contrôle local et permet de réduire le risque de récidive métastatique (1,2). Il comporte aussi des inconvénients notamment en termes de toxicité immédiate.
- Vladyslav Severyn/iStock
Au congrès de l’ASCO 2024, Wang X et al. ont rapporté les résultats d’un essai randomisé de phase III comparant un nouveau schéma de TNT à la RCT conventionnelle pour la prise en charge des CRLE. Dans cette étude, le TNT comportait une chimiothérapie par CAPOX administrée avant (1 cycle en induction), pendant (2 cycles concomitants) et après (3 cycles en consolidation) la RCT. La chirurgie était effectuée 3-4 semaines après la fin de la chimiothérapie. Les malades du groupe contrôle avaient une RCT conventionnelle et recevaient une chimiothérapie postopératoire par CAPOX. Les malades ayant un CRLE à haut risque de récidive (cT4 a-b résécable, cT3c-d avec EMVI, cN2, marge circonférentielle prédictive positive) étaient éligibles. Le critère de jugement principal était la survie sans récidive à 3 ans.
Ce schéma est très intéressant parce qu’il permet de réduire la durée du traitement mais ce n’est pas le plus important quoique nombre de malades ayant un cancer du rectum se plaignent désormais d’un traitement préopératoire qui devient interminable. Le principal avantage réside dans le respect d’un délai de 8-12 sem entre la fin de la RCT et la chirurgie, délai plus favorable à la réalisation d’une proctectomie carcinologique dans des conditions optimales. Des données concordantes suggèrent que les schémas de TNT utilisant une chimiothérapie de consolidation, repoussant la chirurgie à 4 voire 6 mois de la fin de la RCT s’accompagnent d’une dissection pelvienne plus difficile.
Comparaison des groupes TNT et RCT chez 458 patients
Parmi 458 malades randomisés, 232 ont eu le TNT et 222 la RCT, 4 malades ont été exclus. Près de la moitié des malades avaient une tumeur cT4, près de trois quart cN2, et plus de la moitié EVMI+, et il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. En ce qui concerne la chirurgie, 189/232 ont eu une proctectomie dans le groupe TNT et 193/222 dans le groupe RCT.
La proportion d’abord mini-invasif était supérieure dans le groupe RCT par rapport au groupe TNT (91 % vs 81 % respectivement, p = 0,024). Le taux de réponse pathologique compète (pCR) était supérieure dans le groupe TNT par rapport à celui du groupe contrôle (27,5 % vs 9,8 %, p < 0,001).
Des résultats intéressants non sans toxicité
L’administration du TNT s’accompagnait d’une augmentation de la toxicité immédiate notamment digestive et hématologique par rapport à la RCT. Il existait une amélioration statistiquement significative dans le groupe TNT par rapport au groupe contrôle du taux de survie sans récidive à 3 ans (77 % vs 68 % respectivement, HR = 0,619, IC 95 % = 0,431 - 0,888, p = 0,008) et de la survie sans métastases à 3 ans (82 % vs 74 %, HR = 0,403, IC 95 % = 0,403 – 0,909, p = 0,014). En revanche, il n’y avait pas de différence statistiquement significative concernant le taux de survie globale à 3 ans entre le groupe TNT et le groupe RCT (90 % vs 88 %, HR = 0,814, IC 95 % = 0,490 – 1,353, p = 0,426).
Conclusion
Les auteurs ont conclu que l’utilisation du schéma expérimental de TNT permettait de réduire le risque de récidive métastatique des malades opérés d’un CRLE par rapport à la RCT conventionnelle. Ce schéma s’avère supérieur à la RCT conventionnelle en termes de réduction du risque de récidive métastatique mais il ne semble y avoir d’avantage sur la survie globale même si ce n’était pas l’objectif principal de l’essai. Cependant la RCT n’est plus le standard actuellement et en France, le schéma Prodige 23, est devenu la référence, schéma qui a démontré son intérêt à la fois sur le risque de récidive métastatique et sur la survie globale. Il serait intéressant d’avoir une comparaison de ces deux approches de TNT chez des malades ayant un CRLE à haut risque de récidive.
Référence :
- Lancet Oncol. 2021 May;22(5):702-715.
- Lancet Oncol. 2021 Jan;22(1):29-42.
- Radiother Oncol. 2020 Jun;147:75-83.
- Ann Surg. 2023 Oct 1;278(4):e766-e772.








