Onco-Digestif
Adénocarcinome de l’œsophage : quelle place pour l’immunothérapie péri-opératoire ?
Une étude présentée à l'ASCO 2024 montre un intérêt mitigé pour l'immunothérapie péri-opératoire dans l'adénocarcinome de l'oesophage ou de la jonction oesogastrique traité par radiochimiothérapie néo-adjuvante.
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L’adénocarcinome de l’œsophage (O) ou de la jonction œsogastrique (JOG) est un cancer dont le pronostic est sombre, avec une survie globale (SG) moyenne à 5 ans estimée à 30 %. Depuis plusieurs années, les traitements d’immunothérapie (anti-PD(L)1, anti-CTLA4) ont démontré un bénéfice en SG dans les situations métastatiques (CheckMate 649, KEYNOTE 859) et adjuvante en cas de résidu tumoral après radiochimiothérapie (RCT) (CheckMate 577).
En cas de maladie localement avancée, l’un des standards thérapeutiques est une RCT préopératoire selon le protocole CROSS (carboplatine et taxol hebdomadaire, 41 Gy), qui permet d’obtenir une réponse complète pathologique (RCp) dans 10 à 20 % des cas. Dans ce contexte, l’apport d’une immunothérapie couplée au traitement de RCT n’est pas connu. Cette question a été évaluée dans l’étude ECOG-ACRIN EA2174 dont des résultats préliminaires ont été présentés à l’ASCO 2024.
Méthodologie
Il s’agit d’une étude prospective américaine de phase II/III. Les patients atteints d'un adénocarcinome O/JOG localisé T1N1-3M0 ou T2-3N0-2M0, ECOG PS 0-1 et accessible à une chirurgie de type oesophagectomie étaient éligibles. Lors d’une 1ère étape, les patients ont été randomisés (1:1) entre RCT préopératoire (bras A) ou RCT avec nivolumab 240 mg aux jours 1 et 15 du traitement (bras B), suivi d'une oesophagectomie. Une 2ème étape post-opératoire consistait à randomiser (1:1) en adjuvant les patients entre nivolumab (6-12 mois) ou nivolumab (6-12 mois) + ipilimumab (6 mois).
L’objectif principal de l’étape 1 « néo adjuvante » était l’évaluation du taux de RCp. Une différence du taux de RCp de 15 % était attendue pour être considérée comme significative.
L’objectif principal de l’étape 2 « adjuvante » est l’évaluation de la survie sans progression, dont les résultats seront rapportés ultérieurement.
Résultats
Dans cette étude, 275 patients ont été inclus dans l’étape 1 entre Mai 2019 et Décembre 2022 : 138 dans le bras A (hommes : 89,9 %, âge médian 66,2 ans) et 137 dans le bras B (hommes : 89,1 %, âge médian 65,2 ans). Dans ces 2 bras on notait une majorité de localisation oesophagienne (bras A/bras B : 60,1 % / 61,3 %), de tumeur T3 (73,3 % / 78,1 %).
Il existait un déséquilibre entre les 2 groupes concernant l’atteinte ganglionnaire initiale, (N0 = 35,5 % (A) vs 53,3 % (B)). Seuls 78,5 % des patients ont été opérés (76,1 % (A), 81 % (B)). Le taux de RCp était similaire dans les 2 bras, de 21 % (A) et 24,8 % (B) (p = 0,27). Les taux d’effets secondaires et de complications opératoires étaient équivalents de 28,7 % (A) et 25,4 % (B).
Conclusion
Bien que l’immunothérapie couplée à la RCT préopératoire dans l’adénocarcinome O/JOG localement avancé n’ait pas entrainé de surcroit de toxicités ou de complications opératoires, elle ne parvient pas à intensifier la RCp. Dans ce contexte, et bien que les données de survie ne soient pas encore connues, il est peu probable qu’un impact soit observé.
Par ailleurs, la présentation des résultats de l’essai de phase III ESOPEC à l’ASCO 2024 place clairement la chimiothérapie préopératoire selon le schéma FLOT comme traitement de choix de l’adénocarcinome O/JOG localement avancé. L’association du schéma FLOT avec immunothérapie antiPD(L)1 périopératoire est actuellement à l’étude et a démontré des résultats intéressants avec un bénéfice significatif apporté par l’immunothérapie sur le taux de RCp (essais DANTE, MATTERHORN, Keynote 585) mais pour l’instant pas en survie (Keynote 585).








