Onco-thoracique

CBNPC EGFR muté : les opportunités d’un anticorps bispécifique EGFR-MET

Dans les formes avancées du cancer bronchopulmonaire non à petites cellules EGFR muté, des améliorations cliniquement significatives par rapport au traitement standard ont été observées, en première ligne dans les formes avec mutation de l’EGFR par insertion dans l’exon 20, et en première et deuxième ligne dans les formes mutées EGFR (ex19del ou L858R).

  • bernardbodo/istock
  • 25 Oct 2023
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    L'amivantamab, un anticorps bispécifique anti-EGFR et anti-RET, a été approuvé pour le traitement des patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) avancé avec mutation de l’EGFR par insertion dans l’exon 20 et dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie à base de platine. L’étude PAPILLON, présentée en session présidentielle au congrès ESMO 2023 (Madrid), permet de montrer l’efficacité en première ligne de l’amivantamab en association avec une chimiothérapie, par comparaison à une chimiothérapie seule.

    Une résistance émerge inévitablement chez la plupart des patients atteints de CPNPC avancé muté de l'EGFR (ex19del ou L858R) sous inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de troisième génération, comme l'osimertinib. Deux autres présentations ont révélé des résultats positifs avec l'amivantamab, administré en traitement combiné à un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) dans deux essais de phase III très attendus : MARIPOSA chez les patients naïfs de tout traitement (LBA14) et MARIPOSA-2 chez les patients en rechute sous osimertinib (LBA15), confirmant les précédents rapports prometteurs des études CHRYSALIS et CHRYSALIS-2.

    Formes mutées avec insertion dans l’exon 20 : supériorité sur la chimiothérapie

    L’étude PAPILLON, un essai de phase 3, randomisé sur 308 patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) avec mutation du facteur de croissance épidermique (EGFR) par insertion dans l’exon 20 (153 patients ont reçu une chimiothérapie associée à l'amivantamab et 155 patients ont reçu une chimiothérapie seule).

    Les résultats montrent qu’avec l’amivantamab, la durée d’efficacité du traitement est quasiment doublée. La survie sans progression est significativement améliorée (de 11,4 mois avec amivantamab + chimiothérapie contre 6,7 mois avec la chimiothérapie seule). De plus, avec l’amivantamab, le risque que la maladie progresse est réduit de plus de 60%. 

    La survie sans progression (SSP) est significativement plus longue dans le groupe amivantamab-chimiothérapie que dans le groupe chimiothérapie (médiane, 11,4 mois et 6,7 mois, respectivement ; ratio de risque de progression de la maladie ou de décès, 0,40 ; IC à 95 %, 0,30 à 0,53 ; P<0,001). À 18 mois, la survie sans progression est observée chez 31% des patients du groupe amivantamab-chimiothérapie et chez 3% des patients du groupe chimiothérapie ; une réponse complète ou partielle à la date limite est observée chez 73% et 47% des patients, respectivement (rapport de taux, 1,50 ; IC à 95 %, 1,32 à 1,68 ; P<0,001). Dans l'analyse intermédiaire de la survie globale (33 % de maturité), le rapport de risque de décès pour l'amivantamab-chimiothérapie par rapport à la chimiothérapie est de 0,67 (IC à 95 %, 0,42 à 1,09 ; P=0,11).

    Les effets indésirables prédominants associés à l'amivantamab-chimiothérapie sont des effets toxiques hématologiques réversibles ; 7 % des patients ont interrompu l'amivantamab en raison d'effets indésirables.

    Formes mutées par délétion dans l’exon 19 ou mutation L858R de l’exon 21 en 1ère ligne

    Dans l'étude MARIPOSA, le risque de progression de la maladie ou de décès est réduit de 30% chez 429 patients ayant reçu l'amivantamab associé à un ITK de troisième génération irréversible et pénétrant dans le cerveau, le lazertinib, par rapport à 429 patients recevant l'osimertinib en monothérapie (RR = 0.70 ; IC à 95% 0,58-0,85 ; p<0,001), avec une survie médiane sans progression (SFP) de 23,7 mois (IC à 95% 19,1-27,7) et 16,6 mois (IC à 95% 14,8-18,5), respectivement, lors d'un suivi médian de 22,0 mois (LBA14).

    Les taux de réponse objective (ORR) sont similaires avec l'amivantamab-lazertinib (86%) et l'osimertinib (85%), mais avec une durée médiane de réponse plus longue parmi les répondeurs confirmés sous amivantamab-lazertinib : 25,8 mois (IC à 95 % 20,1-non estimable) contre 16,8 mois (IC à 95 % 14,8-18,5) avec l'osimertinib. Une analyse intermédiaire de la survie globale (OS) révèle une tendance favorable à l'amivantamab-lazertinib par rapport à l'osimertinib (HR = 0,80 ; IC à 95% 0,61-1,05 ; p=0,11).

    L'incidence de la plupart des effets indésirables est plus élevée avec l'amivantamab-lazertinib qu'avec l'osimertinib. Des événements indésirables liés au traitement entraînant l'arrêt de tous les agents sont survenus chez 10% des patients sous amivantamab plus lazertinib et chez 3% des patients sous osimertinib. Une thromboembolie veineuse est survenue chez 37% des patients du groupe amivantamab-lazertinib et 9% du groupe osimertinib, ce qui a conduit les chercheurs à recommander une anticoagulation prophylactique pendant les quatre premiers mois de traitement dans les essais en cours sur l'amivantamab-lazertinib.

    Formes mutées par délétion dans l’exon 19 ou mutation L858R de l’exon 21 en 2ème ligne

    En deuxième intention, dans l'essai MARIPOSA-2, la SSP est significativement améliorée chez les patients recevant le traitement combiné à base d'amivantamab (n=131 ; HR = 0,48 ; IC à 95% 0,36-0,64 ; p<0,001) et le traitement combiné à base d'amivantamab-lazertinib (n=263 ; HR = 0.44 ; IC à 95 % 0,35-0,56 ; p<0,001) par rapport à la chimiothérapie seule (n=263 ; SSP médiane de 6,3 mois et 8,3 mois contre 4,2 mois, respectivement) après un suivi médian de 8,7 mois (LBA15).

    Le taux de réponse objective (ORR) est de 64% sous amivantamab-chimiothérapie et de 63% sous amivantamab-lazertinib-chimiothérapie contre 36% pour la chimiothérapie seule (p<0,001 pour les deux). Les données sur la survie à long terme ne sont pas encore disponibles, mais l'analyse intermédiaire met en évidence un HR de 0,77 (IC à 95 % : 0,49-1,21) pour le traitement combiné par amivantamab par rapport à la chimiothérapie et un HR de 0,96 (IC à 95 % : 0,67-1,35) pour le traitement combiné par amivantamab-lazertinib par rapport à la chimiothérapie.

    La SSP intracrânienne médiane est de 12,5 mois pour l'amivantamab-chimiothérapie et de 12,8 mois pour l'amivantamab-lazertinib-chimiothérapie contre 8,3 mois pour la chimiothérapie (HR de 0,55 et 0,58 ; p=0,001 et p<0,001, respectivement).

    Une toxicité hématologique de grade ≥3 a été fréquente avec la triple association, à savoir une neutropénie (55 %), une thrombocytopénie (37%) et une leucopénie (27%), ce qui a nécessité une modification du schéma posologique. Dans le groupe amivantamab-chimiothérapie, les EI de grade ≥3 les plus fréquents étaient la neutropénie (45%), la leucopénie (20 %) et la thrombocytopénie (15%).

    Déterminer la séquence optimale

    Les insertions dans l'exon 20 sont le troisième type le plus courant de mutation de l'EGFR, représentant jusqu'à 10 % de tous les CBNPC mutés sur l'EGFR et les délétions dans l’exon 19 ou les mutations L858R de l’exon 21 représentent 90%. En raison d'une conformation altérée du site actif de la kinase qui limite la liaison des inhibiteurs de la tyrosine kinase, les CBNPC avec des insertions dans l'exon 20 de l'EGFR sont largement insensibles aux inhibiteurs de la tyrosine kinase qui ont été approuvés pour le traitement des patients souffrant d'un CBNPC avec une mutation courante de l'EGFR.

    En reconnaissant deux sites sur les cellules cancéreuses (EGFR et c-MET, deux récepteurs fréquemment exprimés dans le poumon), un anticorps bispécifique, l’amivantamab, agit sur les voies de signalisation intracellulaire et facilite la destruction des cellules tumorales.

    Pour le traitement en 1er ligne des patients atteints de CBNPC avec mutation de l’EGFR par insertion dans l’exon 20, l’amivantamab montre donc une efficacité supérieure au standard actuel de chimiothérapie, avec un profil d’innocuité positif. Pour le CBNPC muté EGFR (ex19del ou L858R), les résultats des essais MARIPOSA qui montrent une supériorité de l’association amivantamab et ITK de 3ème génération en première ligne et en rechute doivent être mis en contexte avec les autres données récentes, dont celles de l’étude FLAURA.

    Le Pr Zofia Piotrowska du Massachusetts General Hospital/Harvard Medical School, Boston, a commenté ces résultats en ces termes à l’ESMO : « Au lieu d'examiner chaque essai individuellement, il faut désormais avoir une vue d'ensemble du paysage thérapeutique, en considérant les différentes options disponibles et la séquence optimale, qui peut ne pas être la même pour chaque patient. Si nous utilisons l'amivantamab-lazertinib en première intention, comme dans l'essai MARIPOSA, l'association dans l'essai MARIPOSA-2 ne sera pas appropriée après une rechute. Par exemple, nous pourrions choisir d'utiliser le schéma approuvé osimertinib en première ligne, avec ou sans chimiothérapie, puis envisager une combinaison amivantamab en deuxième ligne ». Des recherches plus poussées sur les mécanismes de résistance pourraient fournir des informations sur les biomarqueurs qui peuvent guider la prise de décision clinique et aider au développement d'autres nouveaux traitements comme les ITK de 4ème génération et les anticorps conjugués.

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    JDF