Gestes barrières

Le port du masque induit-il des changements de comportements au travail ?

Depuis le début du confinement, les salariés en télétravail ces dernières semaines regagnent peu à peu le chemin de l'entreprise. Si le masque n'y est pas obligatoire, nombreux sont ceux qui préfèrent le porter. Redéfinit-il les comportements au travail ? Témoignages.

  • Par Floriane Valdayron
  • Drazen Zigic/iStock
  • 20 Mai 2020
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    Alimentation, consommation, pratique du sport… La pandémie de Covid-19 a bouleversé le mode de vie de chacun. Si le retour à la normale post confinement se fait progressivement, les habitudes des Français restent profondément marquées par les changements inhérents à la crise sanitaire. Encouragé depuis la mi-mars, le télétravail s'accompagne peu à peu du retour en entreprise. Une reprise qui pose indéniablement la question de l'évolution des rapports entre collègues.

    "Quand je réfléchis à l'après-confinement, je me demande si l'on va se resserrer la main, se refaire la bise au travail. Je pense qu'il y aura une période pendant laquelle on va peut-être se méfier, s'interrogeait ainsi Frédéric, un responsable d'applications à Paris, que nous avions interrogé au début du mois d'avril. Actuellement, quand je croise quelqu'un dans la rue, je retiens ma respiration ; je ne le fais pas non plus pendant 10 minutes quand je fais les courses dans un magasin, mais je sens que c'est un réflexe bien présent. À mon avis, on va le garder encore un petit moment, avant que tout redevienne comme avant dans les mois qui suivront le déconfinement".

    Dans les entreprises, le port du masque instauré "en dernier recours"

    Le quinquagénaire reste dans l'incertitude : pour lui, le télétravail continue. Pourtant, ce n'est pas le cas de tous. Jean, 57 ans, comptable dans une entreprise en région parisienne, a fait le choix de retourner sur site quelques semaines avant le début du déconfinement, pour des raisons de confort. "Je travaille à seulement 10 minutes de chez moi donc je peux m'y rendre en voiture ; c'est sans risque, puis, je préfère travailler dans un bureau", confie-t-il.

    Dans les locaux, seuls 20% des salariés sont présents. "Nous sommes à des postes très éloignés : les mesures de distanciation sociale sont vraiment respectées", indique Jean. Règle de sécurité appliquée à l'ensemble de la population, la distanciation physique constitue la norme principale du protocole national de déconfinement pour les entreprises, publié le 9 mai par le gouvernement. À l'inverse, le port du masque "grand public" n'est pas obligatoire et doit être mis en place "en dernier recours", uniquement lorsque "l'ensemble des précautions n'est pas suffisant pour garantir la protection de la santé et sécurité des personnes".

    "J'ai tendance à faire un pas sur le côté pour ne pas croiser un collègue qui ne porte pas son masque"

    Dans l'entreprise de Jean, chacun a donc le choix : se masquer ou non. "Il n'y a rien d'officiel au niveau de la direction, mais on nous distribue un masque chaque matin, et on a également accès à des gants, explique le comptable, en soulignant que les gestes barrières sont bien respectés. Comme nous sommes peu nombreux et à des postes très éloignés, on travaille sans masque : on le met uniquement lorsque nous sommes amenés à nous croiser, pour aller à la cantine par exemple, où l'on mange ensuite en quinconce".

    Entre collègues, le sujet n'alimente pas les discussions ; certains préfèrent même ne pas en porter. "C'est vrai que j'ai tendance à faire un pas sur le côté pour ne pas croiser un collègue qui ne porte pas son masque, admet néanmoins Jean, en précisant que, même en temps normal, il tient à son espace vital. Mais il n'y a aucune tension. Par exemple, aujourd'hui, j'ai oublié de prendre le mien pour aller à la cantine, et je n'ai pas senti que l'on me regardait particulièrement".

    "Je ne peux pas m'empêcher d'être un peu agacée lorsque je vois quelqu'un sans son masque"

    Jean se sent à l'aise avec ces nouvelles mesures. "Pour moi, cela ne change rien aux relations professionnelles car nous sommes très peu nombreux ; je suis seul dans mon équipe, donc c'est facile de se tenir à distance les uns des autres quand certains ne portent pas de masque, reprend-il. En revanche, je pense que cela fera bizarre lorsque tout le monde travaillera à nouveau sur site". L'effectif de l'entreprise devrait commencer à réaugmenter progressivement à partir de la mi-juin.

    Pour sa part, Emma, 33 ans, ingénieure dans une société à Paris, constate une certaine retenue de la part de ses collègues. "Malgré tout, j'ai l'impression que l'on se parle moins : l'ambiance est moins bonne, les échanges sont moins fluides", regrette-t-elle. Comme celle de Jean, l'entreprise de la trentenaire n'a pas mis en place le port du masque obligatoire. Néanmoins, la majorité des salariés viennent travailler avec. "Moi-même, je ne peux pas m'empêcher d'être un peu agacée lorsque je vois quelqu'un sans, reconnaît-elle. J'estime que, si je fais cet effort pour protéger les autres, chacun devrait faire de même".

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    JDF