Onco-Dermato
Éruptions bulleuses sévères : les ICI engendrent-ils un mécanisme immun ou allergique ?
Parmi les effets indésirables dermatologiques induits par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI), les réactions bulleuses sont rares, mais potentiellement fatales lorsqu’il s’agit de nécrolyse épidermique toxique (NET) où syndrome de Stevens-Johnson (SJS). Une étude propose de les caractériser les nécrolyses épidermiques cliniquement et histologiquement afin de les prendre en charge de manière plus pertinente selon leur caractère immuno-induit ou non.
- Anna Shalamova/iStock
Une étude propose de les caractériser les nécrolyses épidermiques induites par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI), cliniquement et histologiquement, afin de les prendre en charge de manière plus pertinente selon leur caractère immuno-induit ou non.
Une étude rétrospective publiée dans Melanoma research en 2022 est issue de 4 registres internationaux de la task Force EADV avec le concours de ToxiTEN de l'ERN-skin, TOXIBUL, et FISARD. Elle cherche à mieux caractériser et prendre en charge les nécrolyses épidermiques toxiques ou à médiation immunitaire pour lesquelles il n'y a pas de consensus sur la prise en charge de ces éruptions sévères dans ce contexte oncologique, en dehors des corticoïdes systémiques qui présentent une surrisque infectieux en raison du décollement de l'épiderme.
EN allergique ou immuno-induit : un enjeu thérapeutique et diagnostique
Il s’agit de savoir si les éruptions vésiculeuses survenant après l'administration d'ICI sont immunoallergiques ou dues à un dérèglement suite à l'activation de cellules T auto-immunes. Pour ce faire, 32 patients présentant une éruption de plus de 1% de la surface cutanée avec une atteinte muqueuse ont été inclus après traitement par ICI.
Les dermatoses ont été classées soit en nécrolyse épidermique (EN, n=21), soit en dermatose lichénoïde sévère (LD) ou dermatose non classée (UD) LD/UD, n=11. 8 patients sont décédés lors de la phase aigüe, et 92% des patients n’ont pas repris l’ICI. Le délai d’apparition était de 52 jours [3 ; 420]).
EN allergique ou immuno-induit : l’histologie peu contributive
L'examen histologique des cas n'a révélé aucune différence majeure entre l'EN et la LD/UD. Dans la plupart des biopsies (6/6 EN et 9/15 LD/UD), une dermatite d'interface avec des corps apoptotiques (modèle EN-like) était retrouvée, et parfois avec un aspect de lichen plan (EN=0/6 cas LD/UD=5/15).
Il convient de noter qu'un motif spongiotique n'a jamais été individualisé, et les éosinophiles/neutrophiles étaient soit absents (n = 12/18), soit rares (n = 4/18).
Nécrolyse épidermique immuno-induite par les ICI : un diagnostic posé en excès
L'effet des corticoïdes systémiques sur l'efficacité antitumorale des ICI est mal caractérisé alors qu’il s’agit du traitement de première ligne, et la sécurité du passage à un autre ICI est inconnue. Après examen par 4 experts, 10/21 EN ont été ont été reclassés en DL/UD car ils ne présentaient pas les manifestations plus graves des EN, à savoir fièvre, macules purpuriques, atteinte oculaire et un décollement important (35% pour le groupe EN contre 8% pour LD/UD, p=0.01) et plus précoce (EN =34 jours contre LD/UD=53 jours). La mortalité aux dernières nouvelles était de 82 % pour les EN contre 52 % pour LD/UD.
Les réactions cutanées graves avec décollement induits par les ICI sont souvent diagnostiquées par erreur comme des EN toxique alors qu’elles correspondent en fait à des réactions lichénoïdes graves. Cependant, de telles éruptions lichénoïdes sévères et la "vraie" EN pourraient appartenir au même spectre d'effets indésirables liés à l'immunité. En effet, récemment, une nouvelle terminologie a été proposée pour ce groupe d'éruptions cutanées bulleuses sévères déclenchées par les ICI. Un consensus sur la prise en charge est encore nécessaire.








