Pédiatrie

Phobie scolaire : quel est le profil et le devenir des enfants touchés ?

La phobie scolaire, victime de son absence de définition consensuelle est un trouble difficile à quantifier et largement sous-diagnostiqué. Une équipe INSERM s'est intéressée au profil et au devenir des enfants touchés. L'occasion en pratique d'améliorer le repérage en médecine.    

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  • 10 Jan 2023
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    La phobie scolaire est difficile à quantifier en France. Ce trouble aussi appelé RSA, pour refus scolaire anxieux, touche 1 à 2% des élèves de la maternelle au lycée dans de nombreux pays. En France, il est sûrement sous-estimé faute, notamment, d'indicateurs précis. Sans définition consensuelle, il souffre encore de l'image d'un trouble peu sérieux voire feint.

    Pour en savoir plus sur les jeunes atteints de ce trouble, une équipe INSERM a mené une vaste enquête sur les profils et le devenir des enfants souffrant de phobie scolaire. Pour la chercheuse et pédopsychiatre en charge de l'enquête, Laelia Benoit, ce trouble existe « lorsqu’un élève, en l’absence de conduite antisociale, présente une vive détresse émotionnelle face à l’école, qu’il évite malgré les efforts raisonnables de ses parents pour l’y ramener » précise-t-elle dans un article  d'Annie Metais sur le site de l'INSERM.  

    A chaque degré scolaire sa problématique

    Sur les 1328 élèves souffrant de RSA inclus dans l'étude, près de la moitié était victime de harcèlement, insultes ou menaces. Des chiffres qui confirment la littérature internationale, précise Laelia Benoit. L'étude montre aussi que, en fonction de la période scolaire concernée, d'autres facteurs récurrents rentrent en jeu.

    Dès le primaire, c'est la prise de conscience des différences tels que les troubles de l'apprentissage, la précocité ou encore le handicap : « les élèves pointés du doigts peuvent, de fil en aiguille, développer une phobie scolaire » explique la chercheuse.

    A l'entrée au collège, un nouveau pic de RSA est enregistré avec l'arrivée des questions existentielles et des dynamiques de groupe. Enfin au lycée où les différences sont mieux acceptées, des élèves peuvent toutefois s'effondrer sous le poids, entre autres de la pression de l'orientation. Le lycée étant aussi l'âge des premiers épisodes dépressifs. 

    Des trajectoires variables : les adolescents plus à risque de déscolarisation complète

    L'évolution du trouble varie selon les cas : « nous avons identifié cinq trajectoires différentes » explique la pédopsychiatre. Parmi ces trajectoires, il y a celle des élèves de primaire. Dans cette classe d'âge, les absences sont souvent liées à des symptômes somatiques (maux de tête, maux de ventre) ou un problème médical rare ou chronique qui s'aggrave pendant la période de phobie scolaire. Pour ceux-là, explique la chercheuse, en général le retour à l'école se fait au bout de deux ans de suivi.

    Un rétablissement bien plus compliqué pour les adolescents ayant plutôt développé une phobie scolaire vers l'âge de 11-12 ans en lien avec différents troubles (dépression, phobie sociale), questions (identité de genre) ou encore un environnement scolaire mal vécu. Parmi eux, certains se rétablissent lentement grâce à un accompagnement soutenu (a minima hebdomadaire), mais pour beaucoup la situation se dégrade jusqu'à une déscolarisation complète malgré des aménagements importants et un lourd suivi médical.

    Améliorer le repérage en médecine générale pour diminuer l'errance thérapeutique

    « Il faut être attentif aux petits bobos qui empêchent l’enfant d’aller à l’école le matin mais disparaissent pendant les vacances, et à tout changement de comportement : notes en baisse, isolement dans la cour, passages fréquents à l’infirmerie… », détaille Odile Mandagaran, présidente de l’association d’aide aux parents Phobie scolaire. Ces signes d'alerte sont à repérer plutôt par l'entourage.

    Mais un repérage par le médecin généraliste est aussi essentiel. Et son rôle est crucial car les familles connaissent bien souvent l'errance thérapeutique. Tous ces éléments incitent donc à être particulièrement vigilant notamment en cas de consultations récurrentes pour des troubles somatiques à l'origine d'absences scolaires ainsi qu'à toutes les périodes charnières que sont l'entrée en primaire, au collège ou au lycée.

    D'après l'article :
    Annie Metais: Phobie scolaire : Effet de mode ou réalité profonde ? Magazine de l'Inserm (rubrique A la Une) n° 55, décembre 2022

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    JDF