Pneumologie

BPCO : pas d’intérêt en pratique de la triple thérapie en cas d’exacerbations peu fréquentes

Une étude sur base de données de santé a montré que le bénéfice des triples thérapies inhalées n’était objectivable que chez les patients exacerbateurs fréquents (au moins deux exacerbations dans l’année précédente) par rapport à un traitement par une association de deux bronchodilatateurs de longue durée d’action au cours de la BPCO. Ce résultat renforce l’importance de bien respecter les critères AMM de prescription de la triple thérapie en regard des antécédents d’exacerbations et du risque de pneumonie. D’après un entretien avec Philippe DEVILLIER.

  • 06 Oct 2022
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    Une étude, dont les résultats sont parus en août 2022 dans l’International Journal of Obstructive Pulmonary Disease, a comparé l’efficacité et les risques de la triple thérapie versus une double thérapie bronchodilatatrice sur le risque de survenue d’ une exacerbation modérée ou sévère et de  pneumonies chez des patients atteints de BPCO, en considérant leur antécédents d’exacerbation et d’asthme et le taux sanguin d’éosinophiles.  Les auteurs ont utilisé une base de données de santé anglaise pour inclure des patients atteints de BPCO de plus de 50 ans. Ces patients, séparés en deux groupes de traitements dont l’un avait la triple thérapie et l’autre la double bronchodilatation, ont ensuite été suivis pendant un an.

     

    Mieux vaut ne pas s’écarter de l’AMM

     

    Le professeur Philippe DEVILLIER, pharmacologue, impliqué dans la recherche expérimentale et clinique en pneumologie, département des maladies respiratoires de l’hôpital Foch, à Suresnes explique son intérêt pour ce travail. Il souligne que les auteurs ont utilisé une base de données qui concerne les données médicales de 50 millions de britanniques, et qui se distingue d’autres bases de données par la mention du diagnostic tel que renseigné par le médecin traitant et non pas seulement déduit des médicaments prescrits. La méthodologie correspond aux meilleurs standards de ce type d’étude et réalisée par une équipe internationalement reconnue. Philippe DEVILLIER précise que ce travail a porté sur 2 populations de patients sélectionnés :plus de 4000 patients qui ont initié une triple thérapie et près de 30000 patients, une double thérapie bronchodilatatrice. La différence d’effectif n’impacte pas les conclusions compte tenu des ajustements et du nombre élevé de patients. Un premier résultat révèle que 44% de patients chez qui a été initiée une triple thérapie n’avaient aucun traitement de fond depuis un an et 43 % n’avaient aucune exacerbation dans l’année précédente ce qui montre bien le non-respect des critères de l’indication AMM. Il faut rappeler que le bénéfice d’une triple thérapie par rapport à une double bronchodilatation a été essentiellement démontré chez des patients exacerbateurs avec une réduction de l’ordre de 20 % du risque d’exacerbation.

     

     

    Bien définir les critères de prescription de la triple thérapie

     

    Philippe DEVILLIER relève que le risque de survenue d’une exacerbation modérée à sévère  ne diminue significativement sous triple thérapie que chez les patients qui ont eu au moins deux épisodes d’exacerbations au cours de l’année précédente, soit 15 % seulement des patients mis sous triple thérapie. Chez ces patients, la diminution du risque d’exacerbation par rapport à une double bronchodilatation est de 17% . Autre point intéressant, même si le résultat n’atteint pas le seuil de signification statistique, le bénéfice de la triple est observé chez les patients BPCO avec antécédent d’asthme ou avec une éosinophilie sanguine > 300/µl. Par contre, sans l’un ou l’autre de ces deux critères, aucun bénéfice n’est objectivable et même la tendance est en faveur de la double bronchodilatation. Cette étude conforte la notion établie dans d’autres études sur bases de données concernant l’intérêt anecdotique de l’éosinophile dans la prise en charge des patients BPCO en vraie vie et souligne surtout l’importance de respecter l’indication AMM, notamment les antécédents d’exacerbations, pour espérer un bénéfice pour les patients. D’autant, que l’augmentation du risque de pneumonie observé à nouveau dans cette étude est présent indépendamment du profil des patients BPCO.  Ainsi, Philippe DEVILLIER conclue qu’il faut se préserver de prescrire la triple thérapie trop largement chez les patients qui n’ont pas déjà eu de traitement antérieur et qui n’ont pas au moins une voire au minimum deux exacerbations dans l’année précédant l’instauration du traitement par une triple thérapie.

     

    En conclusion, il est préférable de ne pas s’écarter de l’AMM en prescrivant une triple thérapie chez les sujets BPCO et de respecter les critères concernant les antécédents, les thérapies antérieures et les exacerbations, dans le but d’obtenir un rapport bénéfice /risque acceptable.

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    JDF