Santé publique

Glyphosate en France : que penser de sa présence dans 99% des urines testées ?

Une étude française montre la présence de glyphosate dans les urines de plus de 99% des participants. Des résultats chocs à relativiser, notamment en termes de risques pour la santé.

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  • 31 Jan 2022
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    Le glyphosate, pesticide le plus utilisé dans le monde et en France, a fait l'objet d'une nouvelle étude française publiée dans le Environmental Science and Pollution Research. L'étude a été menée par l'association militante Campagne Glyphosate France en partenariat avec des chercheurs de l'INSERM, l'INRA et du CNRS. Les résultats mettent en évidence la présence de traces de glyphosate dans les urines de 99,8% des 6795 participants volontaires de cette étude.

    La concentration moyenne détectée est de 1,19 ng/ml. Les concentrations sont plus élevées chez les hommes, enfants, agriculteurs, consommateurs de bières ou jus de fruits. En revanche un taux plus faible est détecté en cas de consommation dominante d'aliments biologiques et d'eau filtrée.

    La publication de ces résultats relance un débat initié en 2019 suite à la publication des premiers résultats de l'étude : des pro-glyphosates, agriculteurs pour la plupart, s'étaient alors insurgés contre la méthodologie de l'étude basée selon eux sur des tests de laboratoire frauduleux. Pourquoi de telles allégations ? Et la concentration moyenne détectée implique-t-elle nécessairement un risque pour la santé ? Deux interrogations auxquelles nous tentons de répondre aujourd'hui.   

    Des résultats de tests à interpréter avec réserve

    Suite à la publication des premiers résultats en 2019, des agriculteurs pro-glyphosates du Morbihan et Calvados avaient en réponse fait tester leurs urines dans un centre hospitalier. Et ils affirmaient tous avoir un résultat négatif. La méthode utilisée n'était pas la même : ELISA pour les participants de l'étude autoproclamés « pisseurs involontaires de glyphosate » et chromatographie pour les agriculteurs pro-glyphosates. Ces derniers affirmaient alors que les tests ELISA, tous réalisés par l'entreprise allemande Biocheck étaient frauduleux.

    La réalité est bien sûr plus complexe. Les deux techniques sont reconnues scientifiquement pour doser le glyphosate dans les urines. Mais pas avec la même sensibilité. Les auteurs de l'étude le précisent d'ailleurs «[dans la littérature scientifique] les valeurs de glyphosate déterminées par ELISA étaient supérieures à celles obtenues par la méthode HPLC [chromatographie] », précisant alors qu'il fallait interpréter avec cette réserve les résultats de l'étude « ces différences méthodologiques doivent être gardées à l'esprit concernant nos résultats soutenant une contamination générale de la population française, avec un glyphosate quantifiable dans 99,8% des échantillons d'urine ».

    Frédéric Sutter, chercheur à l'INRA, expliquait alors à l'époque que seule l'analyse de plusieurs échantillons d'urine avec les 2 tests pourrait clore le débat « Pour bien faire, il faudrait faire intervenir un huissier constatant qu'une cinquantaine d'échantillons sont bien dédoublés et envoyés en parallèle pour analyse à un labo CHU en chromato et à Biocheck en ELISA. La démarche sera 100% scientifique et le résultat sans appel ».

    Une double analyse que prône également le laboratoire Abraxis ayant mis au point la méthode ELISA et contactée par le journal Libération « il est hautement recommandé de confirmer [le test ELISA] avec une technique différente, comme la chromatographie ». Un élément clé non inclus dans la méthodologie et obligeant donc à interpréter les résultats avec réserve. Quant aux tests négatifs des agriculteurs, n'entrant dans aucun cadre de recherche, ils n'apportent aucune contre-information digne d'intérêt sur le plan scientifique.  

    La présence de glyphosate dans les urines n'implique pas une dangerosité

    Au-delà des débats sur la validité des tests, se pose également la question de l'interprétation des résultats en termes de contamination et toxicité, puisque le cœur de la question réside en ce point. Et encore une fois, impossible d'être catégorique.

    En effet, la détection de glyphosate dans les urines ne permet absolument pas d'affirmer la dangerosité de l'exposition à ce pesticide. Ce que souligne d'ailleurs les auteurs de l'étude « « La pertinence de la mesure du niveau de glyphosate dans l'urine comme une estimation fiable de l'exposition est un problème méthodologique majeur ». A quoi ils ajoutent « une quantification précise de l'exposition, que ce soit par voie interne ou externe, est une préoccupation majeure de santé publique car l'évaluation de la toxicité repose sur des estimations de la dose absorbée ».

    Des précisions existent toutefois sur le site de l'ANSES, indiquant que des quantités de glyphosate de l'ordre de 1 ng/mL dans les urines correspondent à une exposition inférieure à 1% de la dose journalière admissible. Les valeurs moyennes retrouvées dans l'étude étant proche de ce taux, rien n'indique donc pour le moment qu'il existe un risque pour la santé des Français sur la base des résultats de cette étude.

    Lanceurs d'alerte

    Cette étude à défaut d'apporter des données réellement utilisables sur la contamination des Français par le glyphosate et la toxicité induite, a cependant le mérite de relancer le débat sur ce pesticide potentiellement cancérigène.

    Un rôle de lanceurs d'alerte donc, dont l'utilité publique sur ce type de sujet reste primordiale pour contrecarrer les puissants lobbyings industriels.

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    JDF