Infectiologie

Covid-19 : rôle-clé du GM-CSF dans le syndrome hyper-inflammatoire qui conduit au SDRA

L’efficacité d’un anticorps anti-récepteur du GM-CSF lors du syndrome hyper-inflammatoire de la Covid-19 confirme l’implication des macrophages et des granulocytes dans ce phénomène délétère. Une fenêtre d’opportunité pourrait exister pour prévenir le SDRA via l’utilisation d’un anti-récepteur du GM-CSF.

  • selvanegra/istock
  • 23 Jun 2020
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    Lors de la Covid-19, la mortalité des malades souffrant de pneumonie est élevée et en grande partie liée à un syndrome d'hyper-inflammation systémique. En raison du rôle présumé du GM-CSF dans ce phénomène, une équipe italienne a testé l’efficacité du mavrilimumab, un anticorps monoclonal anti-récepteur du facteur de stimulation des colonies de granulocytes et de macrophages (GM-CSF), en add-on de la prise en charge standard (y compris l'administration d’hydroxychloroquine, d'azithromycine et de l’association lopinavir-ritonavir).

    Chez les malades souffrant de pneumonie Covid-19 et avec syndrome hyper-inflammatoire, le mavrilumab améliore l’état clinique et pourrait prévenir le SDRA. Les résultats sont publiés dans The Lancet Rhumatology.

    Intérêt de l’anti-récepteur du GM-CSF

    Au cours d’un suivi de 28 jours, aucun patient du groupe mavrilimumab en add-on du traitement standard n'est décédé alors que sept des patients (27%) du groupe traitement standard sont décédés (p = 0.086). Au jour 28, tous les patients du groupe mavrilimumab et 17 patients (65%) du groupe témoin ont eu une amélioration clinique (p = 0.030), avec une amélioration plus précoce dans le groupe mavrilimumab par rapport au groupe témoin (délai moyen d'amélioration 8 jours [IQ 95% 5 à 11] vs 19 jours [IQ 95% 11 à > 28], p = 0,0001).

    Au jour 28, un patient (8%) du groupe mavrilimumab a été mis sous ventilation mécanique, contre neuf patients (35%) du groupe témoin, qui sont passés sous ventilation mécanique ou sont décédés (p = 0.14). Le traitement a été bien toléré. Trois (12%) patients dans le groupe témoin ont développé des complications infectieuses.

    Une cohorte comparative

    Cette étude de cohorte prospective monocentrique incluait des malades âgés de 18 ans ou plus, admis à l'hôpital San Raffaele (Milan, Italie) avec une pneumonie Covid-19 sévère, une hypoxie et un syndrome d’hyper-inflammation systémique.

    Les patients ont reçu une dose intraveineuse unique (6 mg/kg) de mavrilimumab en add-on du traitement standard à l'époque, y compris l'administration d’hydroxychloroquine, d'azithromycine et de l’association lopinavir-ritonavir. Le groupe témoin était composé de patients hospitalisés à la même époque avec des caractéristiques de base similaires qui ont reçu les soins standard dans le même hôpital.

    Le principal résultat était le temps nécessaire à l'amélioration clinique (défini comme l'amélioration de deux points ou plus sur une échelle à sept points de l'état clinique).

    Entre le 17 mars et le 15 avril 2020, 13 patients non ventilés (âge médian 57 ans [IQR 52–58], 12 hommes [92%]) ont reçu du mavrilimumab et 26 patients (âge médian 60 [IQR 53–67], 17 [65%] hommes) du groupe témoin ont reçu les soins standard.

    Meilleure compréhension du SDRA de la Covid-19

    La Covid-19 a une évolution extrêmement variable, allant de tableaux asymptomatiques ou pauci-symptomatiques à une pneumonie interstitielle grave avec alvéolite qui peut se compliquer d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë et même entraîner la mort.

    L'amélioration des connaissances sur l'interaction entre le SARS-CoV-2 et le système immunitaire a permis d'identifier la libération massive de médiateurs proinflammatoires liés à une réponse immunitaire aberrante comme étant la principale cause de l'évolution de l'infection virale vers une défaillance respiratoire et systémique, inflammatoire et potentiellement mortelle.

    Cette réponse immunitaire aberrante ressemble beaucoup à une réaction similaire observée suite à l'utilisation des CAR-T cells en hématologie, connue sous le nom de syndrome de relargage cytokinique. Une concentration élevée d'interleukine-6 (IL-6) observée dans le syndrome de relargage cytokinique, suggérant un rôle pivot de cette cytokine dans la pathogenèse de cette affection, a ouvert la voie à l'utilisation d'inhibiteurs de l'IL-6 pour traiter cette complication, mais les résultats restent controversés.

    Rôle pivot du GM-CSF ?

    Cette étude de cohorte, si elle est confirmée par des études randomisées de plus grande envergure, pourraient conduire à une réévaluation des rôles respectifs des médiateurs du système immunitaire, impliqués dans le développement du syndrome de relargage cytokinique au cours de la Covid-19.

    Le GM-CSF a une activité très complexe, allant d’un rôle hématopoïétique bien connu à un rôle immunologique pro-inflammatoire, plus récemment démontré : c’est désormais une cible testée dans le traitement des maladies à médiation immunitaire telles que la polyarthrite rhumatoïde, la spondyloarthrite et l'artérite à cellules géantes.

    Il ne fait aucun doute que, dans la cascade inflammatoire, l’effet du GM-CSF serait ainsi placé plus en amont par rapport à d'autres cytokines telles que l'IL-1, le TNF et l'IL-6.

    Fenêtre d’opportunité

    Une immunomodulation efficace dans le sous-groupe de malades chez qui on voit apparaître un syndrome hyper-inflammatoire, pendant une fenêtre d'opportunité à mieux déterminer, pourrait réduire la progression vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), éviter la nécessité d'une intubation pour ventilation mécanique prolongée et réduire la mortalité élevée chez les patients souffrant de formes graves de Covid-19.

    Le GM-CSF, qui émet des signaux par la voie JAK-STAT et induit la production d'interleukine-6 et d'autres cytokines proinflammatoires, pourrait servir de lien entre l'inflammation pulmonaire aiguë provoquée par les cellules T et une boucle de cytokines auto-amplifiée conduisant à l'activation des monocytes et des macrophages.

    Un traitement par un anti-récepteur du GM-CSF pourrait donc logiquement être associé à une amélioration clinique par rapport traitement standard chez les patients non ventilés mécaniquement et souffrant d’une pneumonie Covid-19 sévère avec un syndrome d’hyperinflammation systémique, amélioration qui pourrait être plus importante que celle observée avec les anti-TNF, les anti-IL1r et les anti-IL6r. La confirmation de cette efficacité potentielle nécessite cependant des études randomisées.

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    JDF