Infectiologie

Coronavirus : le protocole Raoult pas efficace dans une nouvelle étude pilote

L’association hydroxychloroquine-azithromycine n’est pas vraiment efficace dans une autre étude française sur des malades de la Covid-19. On attend avec impatience les études randomisées.

  • sam thomas/istock
  • 08 Avr 2020
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    Alors que les appels à prescrire l’hydroxychloroquine larga manu chez les malades Covid+ se multiplient en France et même que le président Trump en fait l’apologie dans ses conférences de presse, une nouvelle étude française n’apporte pas d’argument en faveur de l’intérêt de l’association hydroxychloroquine et azithromycine au cours de la Covid-19.

    Il n’y a ni effet favorable sur l’élimination du coronavirus, ni sur la symptomatologie clinique de cette association chez des malades qui ont une pneumonie. Cette étude est publiée online dans la revue Médecine et Maladies Infectieuses et fait suite à 4 autres petites études de qualités diverses.

    Une étude française sur l’association

    Cette petite étude pilote a été réalisée par un autre groupe français, qui a testé l’association hydroxychloroquine-azithromycine aux doses préconisées, chez 11 malades hospitalisés pour pneumonie à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, et leurs résultats sont étonnamment opposés à ceux de Raoult.

    Molina et ses collègues ont utilisé le même schéma posologique que Raoult mais les malades infectés étaient plus sévères que ceux de Marseille : huit des 11 malades avaient des comorbidités (obésité, cancer, VIH), et 10 sur 11 avaient de la fièvre et recevaient de l’oxygène. Après cinq à six jours d'hydroxychloroquine (600 mg par jour pendant 10 jours) et d'azithromycine (500 mg le premier jour et 250 mg les jours 2 à 5), un malade est décédé et huit des 10 malades restants sont toujours positifs au COVID-19. Sur ces 10 patients, un patient a dû arrêter le traitement en raison d’un allongement du QT.

    Naissance d’un espoir

    L'idée que l’association d'hydroxychloroquine et d'azithromycine serait efficace contre la Covid-19 a été promue par l’équipe de Raoult à partir de 2 études. Une première étude, non randomisée et avec une série témoin non appariée, sur une trentaine de malades légers montrerait une accélération de la clairance virale. Une deuxième étude est un suivi de cohorte sur 80 malades, dont la moitié ne présente que des symptômes légers ou même aucun symptôme. Si 85% des patients n’ont pas de fièvre, l’évolution n’est pas modifiée par le traitement et est superposable aux séries historiques lors du suivi : 80% bénins, 15% mis sous oxygène et 5% mis en réanimation.

    Pondération de l’espoir

    Une étude chinoise, randomisée, hydroxychloroquine 400 mg/jour versus placebo, sur 30 malades légers, ne montre aucune différence dans la clairance du virus après sept jours, que ce soit avec ou sans l'hydroxychloroquine.

    Une autre étude chinoise randomisée sur 60 malades légers, mais où les groupes tirés au sort sont déséquilibrés pour les critères principaux, montre que les 31 patients qui ont reçu le l'hydroxychloroquine 400 mg/jour ont des symptômes qui diminueraient 24 heures plus tôt que les patients du groupe de contrôle. Les symptômes de la pneumonie se seraient également améliorés chez 25 des 31 patients du groupe hydroxychloroquine contre 17 des 31 du groupe de contrôle mais la randomisation semble mauvaise.

    En pratique

    D'autres études cliniques dans le passé ont déjà montré que l'hydroxychloroquine, si elle a une action antivirale in vitro, n’a pas été efficace in vivo contre le SARS-CoV-2, ni contre plusieurs autres virus d’ailleurs (SRAS, MERS, H1N1, Chikungunya).

    L’intérêt de cette nouvelle étude, réalisée à l’hôpital Saint-Louis, est qu’elle applique le protocole de Raoult. Ses inconvénients sont qu’elle n’est pas randomisée (comme celle de Raoult) et qu’elle porte sur des malades un peu plus sévères (mais plus homogènes) que l’étude marseillaise.

    Elle ne peut donc en rien réfuter une éventuelle efficacité de cette association, mais elle sème encore plus le doute sur l’intérêt d’une association de 2 médicaments qui peut allonger significativement le QT et pourrait provoquer des risques de troubles du rythme graves chez 11% des malades, en particulier en cas d’insuffisance rénale fonctionnelle.

    Les études cliniques randomisées en cours sur l'hydroxychloroquine devraient apporter une réponse définitive quant à l’intérêt de cette association. On aurait pu commencer par cela.

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    JDF